ndlr :
Les professionnels de l’électricité ont avantage à connaitre les technologies en développement, question d’ajouter à leur compétences et surtout de se préparer pour les tendances de l’avenir, déjà en voie avancée de développement.
L’idée de l’ingénieur et inventeur Nikola Tesla concernant la possibilité de capter l’énergie qui se promène dans l’univers, gratuitement, devient de plus en plus réaliste, un peu comme l’air que l’on respire. Selon l’encyclopédie libre Wikipédia http://fr.wikipedia.org/wiki/Nikola_Tesla#L.27.C3.A9nergie_gratuite , « c’est au cours de la conférence « Experiments with Alternating Currents of High Frequency » du 20 mai 1891 à l’Université Columbia, de New York, que Tesla envisage pour la première fois le concept d’énergie gratuite: « Dans quelques générations nos machines seront animées grâce à une énergie disponible en tout point de l’univers.[…] [En effet,] dans l’espace, il existe une forme d’énergie. Est-elle statique ou cinétique ? Si elle est statique, toutes nos recherches auront été vaines. Si elle est cinétique – et nous savons qu’elle l’est –, ce n’est qu’une question de temps, et l’humanité mettra en harmonie ses techniques énergétiques avec les grands rouages de la nature. »
La Maison saine, un supplément du magazine « Maison du 21e siècle », publie un dossier des plus instructif dans son édition du printemps 2013. Avec la permission du magazine, nous reproduisons ce dossier intégralement. À noter que La Maison du 21e siècle célèbrera son 20e anniversaire l’an prochain. On peut obtenir un numéro d’essai gratuit à http://maisonsaine.ca/numero-gratuit-maintenant/ .
Électricité solaire photovoltaïque : très rentable pour les patenteux !
Non rentable, l’autoproduction d’électricité solaire à domicile ? Un client d’Hydro-Québec vient de déboulonner ce mythe en se dotant d’un système photovoltaïque (PV) au tiers du coût installé habituel. Si les Chinois et les Ontariens l’ont aidé à se trouver des capteurs PV très abordables, c’est surtout en les installant lui-même qu’il a réussi à produire des kilowatts solaires qui reviendront moins cher que l’hydroélectricité sur la durée de vie de son système !
PLUSIEURS EN RÊVENT, mais peu d’entre eux passent à l’action. Ils le font par conviction écologique ou tout simplement parce que l’idée de s’affranchir du monopole d’Hydro-Québec correspond à leur désir d’autonomie énergétique. Mais à environ 25 ¢ du kilowattheure (kWh) issu d’un système relié au réseau, l’autoproduction d’électricité avec des capteurs solaires PV exige une détermination certaine et des ressources financières significatives. Et si ce prix comprend l’installation du système, il exclut même l’achat de batteries permettant d’être autonome du réseau public.
Malgré cela, les nombreux atouts du PV en ont fait une solution énergétique très populaire partout dans le monde au 21e siècle : silencieux, peu polluant sur son cycle de vie, autonome, décentralisé, modulaire, facile d’installation et d’entretien, fiable, durable, de moins en moins cher, etc.
PAS RENTABLE MAIS ABORDABLE
Mais pour le Québécois moyen, force est de constater que la motivation première de recourir au PV ne peut être économique, du moins à court ou moyen terme. Le principal obstacle à la percée du PV chez nous, on ne le répétera jamais assez, est le tarif résidentiel — environ 8 ¢/kWh, taxes incluses — que nous charge Hydro-Québec. Parmi les moins chers au monde, ce tarif encourage, selon plusieurs, le gaspillage de notre ressource précieuse qu’est l’hydroélectricité.
Autre obstacle, l’absence d’un généreux programme récompensant l’autoproduction tel qu’il en existe ailleurs : le programme ontarien microFIT permet de vendre à 54,9 ¢/kWh l’électricité solaire produite sur un toit PV résidentielle qui est envoyée sur un réseau public. Au Québec, les autoproducteurs ne reçoivent que des crédits, donc du 1 pour 1 (lire l’encadré Mesurage net : peu d’élus).
« C’est une option qui pour l’heure n’est pas rentable, mais qui s’avère abordable », insiste toutefois le physicien Yves Poissant. Spécialiste du PV au laboratoire de l’énergie propre CanmetÉNERGIE, de Ressources naturelles Canada, à Varennes (Montérégie), Yves Poissant est lui-même un pionnier de l’autoproduction solaire.
Il a fait le saut en 2008. Avec sa compagne, il s’est fait construire, à Saint-Basile-le-Grand, tout près de son boulot, une maison éconergétique équipée d’un système PV relié au réseau d’Hydro-Québec. Pour ces deux copropriétaires, leur résidence représente un symbole d’avant-gardisme, de développement durable et d’indépendance énergétique dont la plus-value se manifestera à terme, notamment en raison du tarif d’électricité qui, inexorablement, ne cessera d’augmenter.
Marquis Lemieux a lui-même installé, sur sa toiture et un poteau, un système photovoltaïque qui, sur 25 ans, coûtera moins cher que l’électricité d’Hydro-Québec.
La production annuelle d’électricité de ces 12 capteurs fortement inclinés est optimale car ils ne retiennent pas la neige.
COMBIEN ÇA COÛTE ?
Heureusement, le prix des modules PV a diminué de 84 % entre 2001 et 2011 et on assiste présentement à une baisse moyenne annuelle de l’ordre de 11 %, selon des données compilées par CanmetÉNERGIE. « L’offre dépasse présentement la demande, un phénomène qui s’est amplifié depuis que les manufacturiers chinois ont envahi le marché mondial ces dernières années. Du point de vue du consommateur, c’est évidemment une excellente nouvelle », souligne Jean-Noël Proulx, président d’Énergeable, entreprise spécialisée en énergies alternatives, de Kingsey Falls (Centre-du-Québec). La très généreuse initiative ontarienne a aussi contribué à réduire les prix au pays.
Centrale photovolatïque de 1,7 mégawatts aux Iles Canaries.
Les nombreux atouts du PV en font d’abord une solution de rechange intéressante à la génératrice si vous vivez loin du réseau hydroquébécois. « En pleine nature, les prix pour se raccorder au réseau sont souvent prohibitifs. J’habite moi-même une maison autonome, car j’aurais dû débourser 50 000 $ pour la relier à la ligne d’Hydro-Québec qui est située à 600 mètres », raconte Alain Boulet, propriétaire de Solixsol Énergie, firme de consultation et d’intégration de solutions énergétiques résidentielles établie à Saint-Adolphe-d’Howard (Laurentides).
Mais avant de parler de dollars, soulignons que le coût d’acquisition et d’installation d’un système PV se résume difficilement par un prix moyen. « Une foule de paramètres entrent en ligne de compte, comme l’architecture de la maison, le nombre de personnes qui y vivent et surtout leurs habitudes de consommation », explique Jean-Noël Proulx.
Il faut comprendre que le manque de puissance est la principale faiblesse du PV par rapport à la génératrice. En effet, chaque kilowatt de puissance PV installée dans le sud du Québec produira environ 1 150 kWh d’électricité par année, selon Yves Poissant de CanmetÉNERGIE. Cela équivaut à seulement 92 $ d’électricité vendue à 8 ¢/kWh par Hydro-Québec, alors qu’un climatiseur de fenêtre moderne d’une tonne de puissance consommera à lui seul 64 $, si on l’utilise sans arrêt pendant 30 jours. D’où l’importance de réduire sa consommation d’électricité solaire au minimum car, plus on consomme, plus on doit se doter d’un système puissant et coûteux pour satisfaire ses besoins.
Pour un système PV relié au réseau, le coût moyen est de 6 000 $ par kilowatt de puissance (ou 6 $/W), installation comprise, explique Yves Poissant. Si on paie le système comptant, il pourrait revenir à environ 22 ¢/kWh produit, comparativement à environ 27 ¢/kWh s’il est financé avec un prêt à 5 % d’intérêt, calcule l’expert.
Notons que le prix double dans le cas d’un système autonome qui nécessite l’achat d’accumulateurs.
Dans le sud du Québec, un système PV incliné à 45 degrés et orienté au sud produira près des deux tiers de son électricité au printemps et en été.
Mais les bricoleurs peuvent épargner grandement en magasinant et en installant eux-mêmes leur système avec les conseils d’un spécialiste, qui devrait ensuite l’inspecter pour s’assurer qu’il est conforme et sécuritaire. Ce fut le cas de Marquis Lemieux, diplômé en science résidant de Chaudière-Appalaches et un pionnier de l’option de mesurage net d’Hydro-Québec. Il a doté sa maison hyper isolée (murs R-41) et rattachée au réseau hydroquébécois d’un système de 7,5 kW pour quelque 15 000 $, soit seulement 2 $ /W installé. C’est beaucoup moins que le coût de sa Mitsubishi i-MIEV, véhicule électrique dont le prix de départ est de 32 998 $ avant la remise provinciale de 7 769 $.
« Pour le PV au Canada, on estime qu’un prix de 1 $/W installé équivaut à 10 ¢/kWh, dit Marquis Lemieux. Si on fait une projection de l’augmentation des coûts de l’électricité, disons de 15 ¢/kWh d’ici 2043 en étant très conservateur, le PV sera rentable. Mais mon but est aussi écologique, il ne faut pas l’oublier ! » Mais le coût est moindre si on paie son système comptant, selon l’expert de CanmetÉNERGIE Yves Poissant qui s’est dit surpris que M. Lemieux ait installé son système pour seulement 2 $/W : « Si c’est le cas, on parle alors d’un coût de l’ordre de 7,3 ¢/kWh pour un système payé comptant sur une durée de vie conservatrice de 25 ans, ce qui nous rend à parité avec le réseau ici-même au Québec pour un système raccordé au réseau ! »
Le prix des modules photovoltaïques a dégringolé au 21e siècle, à aussi peu que 72 ¢/W ou 144 $ pour un capteur de 200 watts.
Chez Énergie Matrix, distributeur montréalais fondé en 1985, le directeur des ventes, Patrick Savoie, affirme : « En Ontario, les systèmes de 10 kW coûtent actuellement 2 $/W (prix du distributeur) et le prix au détail, installation comprise, est d’environ 4 à 5 $/W pour un système couplé au réseau, sans batteries. » Or M. Lemieux nous a transmis par courriel des promotions qui confirment que les généreux incitatifs offerts en Ontario et ailleurs incitent parfois les distributeurs (mindcanada.com) à liquider leurs modules PV à des prix aussi bas que 72 ¢/W, bref à 144 $ pour un capteur de 200 W.
À partir de novembre 2011, M. Lemieux a mis en place 20 capteurs de 240 W sur les pans est et ouest de la toiture de sa maison, la faible inclinaison de cette toiture exposant bien les capteurs à l’ensoleillement du printemps à l’automne, et 12 capteurs de 210 W sur un poteau. L’inclinaison de ces derniers peut être ajustée selon la saison pour maximiser la production électrique, un plan incliné à au moins 30 à 45 degrés favorisant le glissement de la neige et le plan vertical bénéficiant d’un maximum d’ensoleillement de décembre à février.
Les besoins d’électricité de la famille Lemieux ont augmenté en raison de l’arrivée d’un nouveau-né et du besoin de recharger la i-MIEV, qui consomme 5 à 7 kWh pour un périple quotidien d’environ 40 km en montagne. Ce printemps, Marquis Lemieux compte donc ajouter 10 autres capteurs de 240 W sur sa toiture, ce qui portera à 10 kW la puissance de son système pour un coût total d’environ 20 000 $ taxes incluses. Si le système produit 11 500 kWh/an conformément aux prévisions d’Yves Poissant, il pourrait fournir la quasi totalité des besoins d’énergie de la famille. Selon les factures d’Hydro-Québec, en 2011, cette maison chauffée au solaire passif et à la géothermie n’a consommé que 11 000 kWh d’électricité.
Marquis Lemieux rêve donc un jour d’injecter plus d’énergie dans le réseau public qu’il n’en consomme : « Je pense bien avoir la maison à consommation nette zéro d’énergie la moins chère au Canada ! »
COMPOSANTES D’UN SYSTÈME PV
Rappelons qu’il existe deux types de capteurs solaires. Le solaire thermique ne produit pas d’électricité, mais utilise l’énergie solaire afin de chauffer l’air ou l’eau. En revanche, le photovoltaïque (PV), inventé aux États-Unis dans les années 1950, se compose de modules regroupant plusieurs cellules PV faites à partir de silicium cristallin ou amorphe. Ce matériau semi-conducteur produit de l’électricité grâce à sa conductivité qui augmente lorsqu’il est exposé à la lumière. Les modules branchés en série et en parallèle forment le panneau PV, qui transforme l’énergie lumineuse du soleil en courant continu (CC ou DC en anglais pour direct current).
La puissance nominale de chaque module varie de 50 à 300 watts (W) selon sa dimension et le type de technologie. Un système PV résidentiel typique a une puissance de 1.10 kW pour une superficie de panneau (ensemble des modules) de 7.77 mètres carrés.
Les autres composantes d’un tel système se résument à des câbles, une boîte de combinaison et un onduleur qui transforme le CC en courant alternatif (CA ou AC en anglais) utilisé par nos appareils domestiques. On peut même se passer d’un onduleur en alimentant directement des appareils et des ampoules conçus spécialement pour utiliser le CC, mais ceux-ci sont assez coûteux.
Lorsque le système n’est pas relié au réseau d’Hydro-Québec, il faut également inclure des accumulateurs (batteries) pour le stockage de l’électricité et un contrôleur de charge.
MESURAGE NET : PLUS D’ÉLUS
Sur les 3,7 millions de clients résidentiels d’Hydro-Québec, en date du 21 janvier 2013, seulement 41 étaient des autoproducteurs d’électricité ayant choisi l’option tarifaire de Mesurage net offerte depuis juillet 2006 par la société d’état, et 69 autres clients étaient en processus d’acceptation, selon le relationniste Louis-Olivier Batty.
L’option Mesurage net est offerte aux propriétaires et occupants de bâtiments reliés au réseau public qui se dotent d’un système de moins de 50 kilowatts de puissance de source renouvelable admissible : hydraulique, photovoltaïque, éolienne, biomasse ou géothermie (méthode encore inexploitée au Québec pour produire de l’électricité avec la chaleur du sol, ce qui requiert de forer entre 2 et 4 km de profondeur).
Marquis Lemieux est l’un des pionniers qui ont choisi cette option tarifaire : « L’option Mesurage net me permet d’injecter mes surplus d’électricité produits en été, alors que les panneaux produisent à leur maximum et dépassent de beaucoup ma consommation, tandis que l’hiver je consomme plus que je ne produis. Au total sur une année, je suis donc autonome, car je produis autant que je consomme. Je n’ai pas besoin de dispendieuses batteries puisque le réseau d’Hydro-Québec devient mon réservoir d’énergie. C’est pourquoi ce genre d’installation d’énergie renouvelable est le moins coûteux de tous. »
Hydro-Québec assume les frais d’installation d’un compteur à double registre qui permet d’établir une facturation détaillée qui fait le bilan du mesurage net.
« Le problème, c’est que, contrairement à ce que proposent l’Ontario et plusieurs États américains, Hydro-Québec ne rachète pas les surplus produits. Elle donne simplement droit à des crédits qui, de surcroît, doivent être utilisés à l’intérieur d’une période de 24 mois. Ceci explique pourquoi peu d’abonnés ont jusqu’ici fait le saut en adhérant à cette formule », indique Jean-Noël Proulx de la compagnie Énergeable. L’option Mesurage net exige par ailleurs de débourser 400 $ avant taxes pour une inspection validant la conformité de l’installation aux normes de raccordement au réseau de la société d’État.
Pour en savoir davantage : hydroquebec.com/autoproduction
STOCKAGE 101
Pour un système autonome du réseau, 30 à 40 % de l’investissement sera typiquement consacré à l’acquisition de batteries acide-plomb à décharge profonde, selon Patrick Savoie de Matrix Énergie. À un taux de décharge de 50 %, idéal pour prolonger leur durée de vie, elles sont bonnes pour 800 à 1 000 cycles de décharge/recharge.
« Un banc de batteries de 8 000 $ fournira une capacité d’environ 1 000 ampères-heures (Ah) à 48 volts, soit 48 kWh. Le nombre de jours d’autonomie [au cours d’une semaine où le ciel est couvert] dépendra de la consommation d’électricité. Si M. Tremblay consomme 166 Ah ou 8 kWh par jour (lampes, frigo, TV, stéréo, grille-pain, etc.), ce système lui donnera trois jours d’autonomie [pour consommer 498 Ah ou 24 kWh] à un taux de décharge de 50 %. Si M. Leblanc, par contre, consomme 250 Ah [12 kWh] par jour avec une pompe à eau, des outils et autres appareils énergivores, il aura seulement deux jours d’autonomie et devra sûrement mettre en marche une génératrice plus fréquemment pour recharger ses batteries. Sinon, il les déchargera plus profondément et il devra les remplacer deux fois plus tôt que M. Tremblay. »
Le coût typique des modules PV représente aussi 30 à 40 % de l’investissement associé au système et le reste sert à l’achat de l’onduleur, du contrôleur de charge et du câblage. Mais comme la durée de vie utile d’un banc de batteries excède rarement 7 ans et que des modules PV peuvent durer 35 à 40 ans ou davantage (les distributeurs offrent une garantie moyenne de 25 ans sur leur puissance nominale), au final le consommateur paiera sensiblement plus cher ses batteries que ses modules solaires. Dans le cas d’un système relié au réseau, on pourra faire l’économie des batteries, ce qui portera la part de l’achat des panneaux PV à environ 60 % du total investi.
Alain Boulet, de Solixsol Énergie, ajoute que le PV offre également des solutions intéressantes à petits prix pour les résidants qui craignent une défaillance de plusieurs jours du réseau d’Hydro-Qu.bec. « Hors des centres urbains, cela arrive très régulièrement, rappelle-t-il. Avec aussi peu que 5 000 $, on peut s’offrir un système photovoltaïque qui nous donnera une autonomie suffisante pour nous éclairer et conserver les victuailles au réfrigérateur en attendant que le courant soit rétabli. »
L’ABC du photovoltaïque
LES MODULES SOLAIRES PV sont fabriqués à partir de silicium, l’élément chimique le plus présent dans la couche terrestre — par exemple, dans le sable et le quartz — après l’oxygène. Le silicium mono et polycristallin occupe près de 95 % du marché du PV résidentiel québécois. Les technologies dites à couche mince, soit les cellules de silicium amorphe ou de tellure de cadmium, occupent le reste du marché résidentiel.
Le plus coûteux, le silicium monocristallin, convertit en électricité 16 % de la lumière qui l’éclaire ; le rendement du silicium polycristallin s’établit à 14 %, mais il est plus efficace par temps nuageux que le monocristallin. « Les modules sont équipés de dispositifs électroniques (diodes de contournement) qui permettent au module de limiter les pertes dues à l’ombrage, » explique Yves Poissant. « Ainsi, bien que l’ombre affectera la production sur une surface plus grande que la surface directement ombragée, la production du module et de la série ne seront pas stoppées. »
Utilisé typiquement dans les petits appareils comme les calculatrices solaires, le silicium amorphe est plus abordable et très efficace par temps nuageux, mais son efficacité de conversion de la lumière n’est que de 7 %. Pour électrifier toute une maison, il faudra donc l’appliquer sur une très grande surface, comme un pan de toiture. Il est offert en capteurs conventionnels avec cadre d’aluminium et peut aussi être intégré à la toiture. Une mince pellicule est alors laminée à un revêtement métallique, à des bardeaux ou à des tuiles. « Personnellement, je n’ai jamais eu de demande pour ce genre de solution, déclare le détaillant lavallois Jeannot Schmidt, de Solaire Expert (division d’ABCO Batteries), qui installe des systèmes PV depuis 1999. C’est une formule qui coûte deux à trois fois plus cher que d’installer du PV mono ou polycristallin. »
La beauté du PV, c’est que cette technologie est modulable. On peut donc démarrer avec une installation modeste, puis ajouter graduellement des capteurs supplémentaires sur la toiture, un poteau ou une autre structure, en fonction de ses besoins.
Modules de silicium mono et polycristallin sur la maison Fauteux-de Palma.
MESUREZ VOTRE CONSOMMATION
Rappelez-vous que l’électricité solaire coûte cher : 6 $ le kW installé par un professionnel (excluant les batteries) ou environ 0,25 $/kWh produit. On prend donc rapidement conscience qu’il s’agit d’une denrée précieuse, souligne Alain Boulet, de Solixsol Énergie. « Cela signifie qu’il faut probablement changer ses habitudes de consommation, peut-être même aménager différemment son mode de vie et mener une traque sans compromis au gaspillage énergétique. » Un pensez-y bien pour les Canadiens, qui sont les plus gros consommateurs d’énergie par habitant dans le monde !
L’autoproducteur doit se procurer un dispositif appelé wattmètre pour mesurer la consommation de chacun de ses appareils électriques et ainsi pouvoir calculer, le cas échéant, l’autonomie de son banc de batteries durant les jours nuageux. Le wattmètre est essentiel pour découvrir les charges dites fantômes des appareils qui consomment de l’électricité même quand ils sont éteints. C’est le cas, par exemple, des téléviseurs et fours micro-ondes dotés d’une horloge intégrée.
Les charges fantômes, soit la consommation des appareils en attente lorsqu’éteints mais encore branchés, peuvent représenter 2 à 10 % de la facture annuelle d’électricité d’une famille — jusqu’à 200 $ sur un compte de 2 000 $ ! En plus d’entraîner des coûts sociaux très élevés associés à l’impact environnemental de la production et du transport de l’électricité conventionnelle, les charges fantômes constituent un important gaspillage d’énergie qui décharge inutilement les batteries d’un système d’énergie autonome. À défaut de débrancher ces appareils qui vampirisent votre réserve électrique, le plus pratique consiste à les brancher à des barres d’alimentation qu’on pourra éteindre au besoin, quitte à dérégler leur horloge.
LIMITES DU PV
Sachez qu’en moyenne, dans le sud du Québec, on ne compte que 5 à 6 heures de plein ensoleillement par jour en été et que 2 à 2,5 h/jour en hiver, explique Patrick Savoie, d’Énergie Matrix. Pour calculer le nombre de kWh que produira annuellement votre système, comptez un maximum de 4 h/jour d’ensoleillement de pointe en moyenne. Le physicien Yves Poissant, de CanmetÉNERGIE, est plus conservateur : il utilise une moyenne de 3,15 h/jour pour estimer à 1 150 kWh la production annuelle d’un système de 1 kW (1 000 W x 3,15 h x 365 jours).
Toutes les toitures ne se prêtent pas à l’installation de capteurs PV. « L’orientation idéale pour un capteur solaire est plein sud avec une inclinaison correspondant à celle de la latitude du lieu [Montréal se situe à 45,5 degrés nord] afin de maximiser les gains solaires sur une base annuelle », expliquait Yves Poissant dans le cadre d’un cours sur l’énergie solaire qu’il a donné en 2012 pour le groupe Contech. Toutefois, par rapport au sud, un jeu de « ± 30 degrés est acceptable et ne diminue pas les gains solaires de façon importante (moins de 10 % de pertes). »
Il est illusoire de songer à recourir au seul PV pour combler tous les besoins énergétiques d’un bâtiment. Le PV doit être absolument réservé aux équipements les moins énergivores de la maison (éclairage, petits appareils et à la limite un frigo peu énergivore). Les appareils de chauffage et autres gros consommateurs comme le chauffe-eau et la cuisinière carbureront généralement au propane ou à la biomasse, comme le bois ou les granules de bois. Un chauffe-eau solaire pourra fournir 40 à 50 % de l’eau chaude requise par une famille (100 % en été, mais très peu et souvent pas en hiver). Une étude réalisée de 2008 à 2010 au Laboratoire des technologies de l’énergie d’Hydro-Québec a révélé que, dans le cadre d’un projet pilote gouvernemental, 70 chauffe-eau solaires qui avaient coûté jusqu’à 9 500 $ avant subvention, dont 3 000 $ en frais d’installation, avaient produit l’équivalent de 1 575 kWh ou 126 $ d’eau chaude par année chacun. « Pour une faible consommation d’eau chaude, je me demande s’il ne serait pas plus simple et économique maintenant d’installer un système PV », affirme Yves Poissant. De plus, le PV a l’avantage de produire de l’électricité qui sera entièrement consommée ou créditée par Hydro-Québec, alors que l’eau chauffée par des capteurs thermiques qui n’est pas consommée sera perdue. Sans oublier que le PV nécessite moins d’entretien.
« Dans un contexte d’efficacité optimale, ajoute Yves Poissant, on combinera le chauffage solaire passif des espaces et le PV avec une autre source d’énergie, comme une miniéolienne, par exemple. » L’éolien n’est performant que là où le vent est assez fort, direct et régulier, comme en Gaspésie, sur la Côte-Nord, dans le Nord québécois ainsi que dans les plaines du fleuve Saint-Laurent. Il faut oublier les sites où il y a beaucoup de turbulence et où le vent n’atteint pas une vitesse moyenne minimale de 4 mètres seconde (m/s), soit 14,4 kilomètres heure (km/h). Comme une telle vitesse n’est atteinte que 30 % du temps dans le meilleur des cas, le système hybride PV/éolien est à privilégier. Dans un vent de 8 m/s, typique des Iles-de-la-Madeleine, une petite éolienne produit 17,6 kWh par jour.
L’éolien et le PV affichent tous deux des performances particulièrement efficaces en période hivernale : le premier parce que le froid augmente la vitesse du vent en densifiant les molécules d’oxygène, le second parce qu’il réduit la déperdition de photons lumineux causée par la chaleur. Un système PV incliné à 45 degrés et orienté au sud produira près des deux tiers de son électricité au printemps (temps frais) et en été (ensoleillement favorable). Diverses nouvelles technologies PV pourraient percer le marché sous peu, notamment les cellules solaires nanocristallines à colorant ou cellules Grätzel, dont l’efficacité est indépendante des températures, mais dont la durée de vie actuelle est limitée. Sachez aussi que le recours à l’éolien est une solution souvent interdite en milieu urbain, tout comme le PV visible des rues de certaines villes.
Choisissez un installateur qui a accumulé une solide expérience dans le PV. « La technologie est encore jeune, fait remarquer Jeannot Schmidt, propriétaire de Solaire Expert, à Laval, qui répare souvent des systèmes déficients. Les erreurs d’installation peuvent coûter très cher au consommateur lorsqu’il s’agira ensuite de les corriger. »
Informez-vous ! Si le PV vous intéresse, Patrick Savoie suggère de vous familiariser avec cette technologie en suivant l’une des excellentes formations de courte durée offertes au Québec. « Il y a des choses qu’il faut minimalement comprendre. Par exemple, est-ce que le design proposé par l’installateur correspond à nos besoins ? Également, il est crucial d’apprendre les rudiments essentiels d’entretien de son système. »
La maison « nette zéro » Avalon Discovery, à Ottawa, est recouverte d’une toiture intégrant des tuiles de silicium amorphe.
Conception éclairée
Lumineuse, confortable et souvent abordable : il fait bon vivre dans une maison à l’architecture solaire passive. Usagers et experts témoignent et débattent de l’importance de respecter les règles de l’art… qui doivent être adaptées à plusieurs facteurs.
ILS CONSTITUENT une race à part. Loin de craindre l’hiver, certains propriétaires de maisons solaires passives sont excités quand sévit le froid sibérien ou même quand le réseau d’Hydro-Québec s’écroule ! C’est alors qu’ils apprécient le confort de leur lumineux cocon : leur résidence est chauffée principalement par les calories du soleil qui entrent par les vitrages et par les « gains internes », soit la chaleur émise par les occupants et appareils. Des calories que retient jalousement l’enveloppe hyperétanche et isolée de leur écologis.
Deux Laurentidiens nous ont fait part de leur fierté par courriel cet hiver. François Gaudreault vit à Saint-Sauveur. Comme 120 000 foyers des Laurentides et de l’Outaouais, sa maison fut plongée dans le noir juste avant Noël, alors que la tempête du 21 décembre a eu raison de milliers d’arbres qui se sont abattus sur les lignes électriques. Pour lui, ce fut l’occasion de célébrer ses choix de construction !
« Après 28 heures de panne, je peux confirmer, preuves à l’appui, qu’une maison solaire passive c’est très utile, nous écrivait-il le 24 décembre. J’ai une génératrice, mais elle n’a servi que pour l’éclairage et l’eau; je n’ai pas eu besoin de partir mon foyer au gaz. »
Soleil et gains internes ont maintenu la température intérieure à 18 °C jusqu’à la remise sous tension, même s’il faisait -5 °C dehors. C’est que sa maison est très bien isolée (toit R-60, murs R-36, dalle R-15) et est généreusement fenestrée du côté sud.
SANS CHAUFFAGE À -17 °C
Pour sa part, Patrice Ouellet est le propriétaire d’une célèbre maison certifiée LEED en bordure du lac Louise, à Saint-Adolphe-d’Howard. À la fin janvier, il expliquait le test maison qu’il a réalisé dans cette résidence bâtie par son fils Robin, d’Écohabitations Boréales : « Ce matin, la température extérieure était à -26 °C et à l’intérieur il faisait 19 °C avec le chauffage électrique. Nous avons fermé les thermostats et laissé faire le soleil. À 13 heures, la température intérieure était à 26 °C et dehors il faisait -17 °C. Nous avons démarré le foyer à 17 heures. La température intérieure était alors à 21,1 °C et à l’extérieur elle était à -19 °C et continuait de descendre. À une heure du matin, elle est redescendue à 19 °C dans la maison et le chauffage électrique est reparti. »
Les maisons solaires passives peuvent être à la fois très confortables et très économes de chauffage. Le défi, c’est de les construire de façon abordable et de les rendre saines et confortables à l’année longue, explique l’expert québécois en la matière, l’ingénieur Luc Muyldermans de la compagnie Thermtech, d’Ayer’s Cliff, en Estrie. Celui qui a obtenu un diplôme d’architecte-ingénieur dans sa Belgique natale a conçu une cinquantaine de maisons solaires passives depuis le début des années 1980, dont une vingtaine qu’il a construites luimême. À chaque projet, il remet son chapeau d’enseignant pour démystifier les avantages et limites de ces maisons dites bioclimatiques car conçues en fonction du climat local.
« La plupart de mes clients veulent à la fois de l’hydronique, un foyer de masse et de la géothermie, dit-il. C’est sûr que tout ça est positif, mais ça ne tient pas compte de l’élément économique. » En effet, une maison bien conçue n’a pas besoin de trois systèmes de chauffage haut de gamme (le premier circule de l’eau dans les planchers, murs ou plafonds, le second stocke la chaleur d’une combustion ultra propre de bois dans des tonnes de maçonnerie, et le troisième puise l’énergie du sol). Quand votre maison coûte moins de 800 $ de chauffage par an, disons qu’installer un système géothermique (SG) de 20 000 $ et plus pour réduire ces coûts des deux-tiers n’est pas ce qu’il y a de plus payant !
770 $ DE CHAUFFAGE
C’est le cas de la Dame du lac, une maison conçue par Luc Muyldermans. Elle compte 2 450 pi2 (228 m2) de superficie habitable, sous-sol inclus. Fait remarquable, elle ne requiert l’achat que de 9 000 kWh/année (770 $ au tarif d’électricité actuel de 8,6 ¢/kWh pour la portion chauffage, taxes incluses) comparativement à 23 500 kWh (2 020 $) pour une maison construite aux normes de 1983, en vigueur jusqu’à l’automne 2012. (Les habitudes des occupants influent énormément sur la facture de chauffage, souligne l’ingénieur : dans une de ses maisons, deux locataires différents ont consommé 6 000 kWh dans un cas et 10 500 kWh dans l’autre, une différence de 75 %! )
Une telle maison de taille moyenne est si confortable qu’elle peut être chauffée avec des plinthes minimalistes et un petit poêle à bois. Quand la maison est plus grande, l’ingénieur peut faire appel à un tout petit SG, par exemple, de deux tonnes de puissance de climatisation. Dans ses maisons, les pertes de chaleur sont réduites notamment par le fait que les plinthes ou bouches d’air chaud n’ont pas besoin d’être placées sous les fenêtres car leurs vitrages isolants résistent bien à la condensation de la vapeur d’eau.
Selon une analyse énergétique que Luc Muyldermans a réalisée à l’aide du logiciel HOT-2000, la Dame du lac est chauffée à 36 % par les gains solaires passifs et à 27 % par les gains internes. « La part d’énergie gratuite utilisée pour le chauffage est donc d’environ 63 % du total requis pour combler les pertes d’énergie de la maison », résume l’ingénieur. Et la façon d’y arriver est simple et abordable.
D’abord, en haussant le niveau d’isolation : toiture ou combles R-65, murs hors sol R-28, murs enfouis R-25 et dalle de sous-sol R-10 dans le cas de la Dame du lac. Aujourd’hui, il isole ses murs jusqu’à R-40 et la dalle à R-20 si elle incorpore un chauffage radiant. « Le cas échéant, si l’espace est inhabité et purement technique, la dalle est isolée à R-5 pour résister à la condensation et aux moisissures, sans oublier d’isoler la jonction avec le solage. »
La fenestration totale de la Dame du Lac mesure 405 pi2 (38 m2) et représente 16,5 % de la superficie chauffée. Elle est dotée de vitrages doubles enduits d’une pellicule métallique à faible émissivité (faible É ou, en anglais, low-E pour low emissivity ) de type pyrolytique, aussi appelée couche dure ou hard coat, favorisant davantage les gains solaires que la pellicule de couche tendre, plus isolante. Les verres sont séparés par un intercalaire isolant et une lame d’argon, gaz plus isolant que l’air ne réduisant pas les gains solaires. En passant, ne craignez pas les fuites de ce gaz non toxique, elles sont très rares et évidentes : la vapeur, condense alors entre les vitrages.
Les fenêtres sont réparties comme suit : 58 % au sud, 22 % à l’est, 5 % à l’ouest (pour minimiser les risques de surchauffe) et 15 % au nord (faibles gains solaires, mais la lumière naturelle est essentielle).
Maison solaire passive conçue par Tergos Architecture + Construction Écologique. Fenêtres hybrides (fibre de verre et bois), surplombs prévenant la surchauffe, solarium au plafond bien isolé et avec portes étanches l’empêchant de refroidir la maison la nuit.
SURCOÛTS TRÈS PAYANTS
Cette résidence bâtie en 2001 n’a coûté que 6 000 $ de plus qu’une maison de cette époque. Le surcoût fut réparti comme suit :
1 000 $ pour les vitrages isolants ;
500 $ pour le scellant acoustique appliqué avec soin pour améliorer l’étanchéité de l’enveloppe à moins de 1,5 changement d’air à l’heure (CAH) lors d’un test d’infiltrométrie simulant une différence de pression de 50 Pascal : « Il m’apparaît beaucoup plus important d’améliorer une maison de 3 ou 4 CAH à 1,5 CAH que d’améliorer l’étanchéité de 1,5 à 1 CAH, précise l’expert. Outre l’économie d’énergie et le plus grand confort que cela procure, cela réduit les bruits extérieurs et diminue les risques de condensation dans les murs » ;
800 $ pour 2 po (5 cm) de polystyrène extrudé (PSX) posé sous la dalle autrement non isolée ;
600 $ pour poser sur les murs enfouis, autrefois isolés R-10 à 2 pi (60 cm) sous le sol, 1 po (2,5 cm) de polystyrène expansé (PSE) et 5,5 po (14 cm) de fibre de verre. Beaucoup moins chère, plus facile à mettre en oeuvre et aussi écologique que la laine de roche, dit-il, la fibre de verre peut même isoler davantage si on insère une laine R-28 (7 po [18 cm] d’épaisseur) légèrement comprimée entre les montants de 2 x 6 po (5 x 15 cm) ;
600 $ pour ajouter, sur deux étages, 1,5 po (4 cm) de PSX (R-7,5) pour couper les ponts thermiques des murs hors sol ;
500 $ pour poser 1 po (2,5 cm) de PSE et 16 po (41 cm) de cellulose dans le plafond (au lieu d’une laine de verre R-32) ;
2 000 $ pour poser un ventilateur récupérateur de chaleur (VRC récupérant 73 % de la chaleur de l’air vicié), desservant toutes les pièces avec des conduits rigides, au lieu d’un échangeur d’air bas de gamme.
Actuellement, Luc Muyldermans calcule que la part du surcoût financée par le prêt hypothécaire (5 % d’intérêt sur 20 ans) revient à 33 $ de plus par mois, mais que l’économie de chauffage d’une maison performante est de 104 $ par mois, pour une économie mensuelle nette de 71 $ dès que son propriétaire y emménage. Et ce calcul ne tient même pas compte des hausses du tarif d’électricité. Par rapport à la maison classique de même taille, en 2012, la Dame du lac a fait économiser quelque 1 250 $ (104 $ par mois). « Si le coût de l’énergie électrique augmentait de 20 % d’ici 10 ans, souligne l’ingénieur, l’économie nette serait alors le double de ce qu’elle était au départ. Somme toute, la maison efficace coûte moins cher qu’une maison classique et, en plus, c’est rentable pour notre environnement. » (Le programme Novoclimat a d’ailleurs emprunté son pladoyer.)
Aujourd’hui, une telle maison est toujours aussi rentable, malgré l’inflation, car son surcoût par rapport à une maison ordinaire est moindre. C’est que le nouveau Code de construction du Québec impose aux maisons neuves et agrandies les portes et fenêtres écoénergétiques, l’isolation accrue de l’enveloppe (plafond R-41, murs R-24,5, fondations R-17, dalle R-5) et le VRC à 54 % de récupération à -25 °C).
OPTIMISER LE DESIGN
Le prochain défi consiste à optimiser le design au meilleur coût et au plus grand plaisir des occupants. À ce sujet, Luc Muyldermans souligne : « Mis à part l’économie d’énergie que nous apporte l’application des principes du design solaire passif, il ne faut pas oublier qu’une telle maison est beaucoup plus lumineuse, une luminothérapie bien apprécié en hiver ! »
L’important, c’est de ne pas improviser ni appliquer bêtement des recettes toutes faites, explique l’ingénieur Andreas Athienitis, titulaire de la chaire de recherche en intégration des systèmes d’énergie solaire aux bâtiments, à l’Université Concordia. Celui-ci vise en particulier les recommandations du programme allemand des maisons passives : « Les règles générales et approches spécifiques promues par le logiciel simplifié PHPP (Passive House Planning Package ) doivent être utilisées avec beaucoup de prudence au Canada, affirme le directeur scientifique du Réseau de recherche stratégique canadien sur les bâtiments intelligents à consommation énergétique nette zéro. Nous avons un grand pays avec plusieurs conditions climatiques et pratiques de construction différentes. Importer des solutions spécifiques à un pays comme l’Allemagne sans analyse critique de nos conditions particulières ne nous aide pas à progresser. »
Luc Muyldermans opine dans le même sens. « Un logiciel comme HOT-2000 peut être très utile pour faire de la conception, par exemple, pour faire varier les compositions de murs ainsi que le type et la superficie des vitrages. Faire plusieurs simulations permet d’optimiser l’efficacité énergétique globale et les coûts de construction. Mais faire une seule simulation finale, juste pour évaluer l’efficacité de la maison, c’est peu utile ! »
Dans les faits, rares sont les clients prêts à investir au minimum 400 $ à 500 $ dans de telles simulations et 300 $ de plus dans le fameux — et très important — test d’infiltrométrie (qui est gratuit pour un chantier Novoclimat). « Des règles générales sont donc bien utiles, estime Luc Muyldermans. De plus, en les appliquant, on se rapproche sérieusement d’une solution optimale. En ce qui me concerne, cela fait quelques années que je n’ai pas utilisé le logiciel, faute de temps pour suivre l’évolution de la technologie. »
Mais avec sa vaste expérience, l’ingénieur a élaboré des méthodes lui permettant de concevoir des maisons bioclimatiques très performantes et agréables à habiter. Et ce grand pédagogue, qui avait conçu la Maison performante de l’Association provinciale des constructeurs d’habitations du Québec au début des années 1990, est toujours aussi généreux dans le partage de ses connaissances.
Plancher et mur massifs stockant l’énergie solaire chez Luc Muyldermans.
BIOCLIMATISME 101
Au sujet du lieu d’implantation de la maison, il recommande d’éviter les sommets de montagnes et de collines : « Le vent augmentera les pertes de chaleur en refroidissant les murs extérieurs et en les soumettant à des pressions anormalement élevées. La mi-pente adossée au nord est l’endroit idéal pour profiter du soleil tout en se protégeant des vents, le bas des vallées pouvant parfois être trop humides. »
Idéalement, les conifères devraient être situés à l’est, au nord et à l’ouest pour bloquer les vents dominants, et les feuillus devraient être au sud. « Attention aux grosses branches de feuillus : si elles sont trop denses, elles peuvent être un facteur important d’ombrage hivernal et devraient être élaguées. L’idéal est un ombrage fixe ou amovible sur l’extérieur de la maison, comme un auvent. Un arbre planté peut prendre 20 à 30 ans avant d’ombrager et la fenêtre doit se situer dans la zone ombragée par la cime pour des rayons solaires faisant un angle entre 45 et 70 degrés. C’est l’élévation du soleil au-dessus de l’horizon, à midi, en saisons chaudes. »
Luc Muyldermans devant la Dame du Lac.
À quelle distance des feuillus situés au sud deverait-on construire ? « Ça dépend de la pente du terrain, de la hauteur des arbres et de leur forme. » En faisant un petit dessin à l’échelle, il conclut : « En terrain plat, si l’arbre a 30 pi (9 m) de hauteur et que sa cime sphérique a 16 pi (4,8 m) de diamètre, la fenêtre à ombrager du rez-de-chaussée doit se situer à une distance du tronc de l’arbre d’environ 15 pi (4,6 m) pour un ombrage total pendant toute la période estivale ou jusqu’à une distance d’environ 25 pi (7,6 m) pour un ombrage partiel. Si la distance est supérieure, les arbres doivent être proportionnellement plus hauts. »
Ensuite, il faut orienter la façade la plus vitrée — idéalement la cour arrière pour préserver l’intimité — le plus possible au sud. « L’idéal est sud plus ou moins 30 degrés, soit du sud-sud-est au sud-sud-ouest. Tout dépend de l’ombrage que créent les arbres et les montagnes ainsi que des vues désirées. Si on est mal pris, on peut se placer à 45 degrés du sud, soit au sud-est ou au sud-ouest. L’hiver, le soleil ne se lève pas plein est. Même au sudsud- ouest, on a du soleil assez vite le matin. Pour une raison d’appréciation personnelle, c’est bien si on peut voir le soleil plus tôt que tard. »
Quand à la taille et à la forme de la maison, l’idéal est un rectangle à aires ouvertes : on placera les pièces de vie au sud avec la majorité des vitrages et les pièces moins utilisées au nord. « L’élongation est nécessaire pour mettre plus de fenêtres au sud, mais il faut éviter d’exagérer et de trop augmenter le périmètre extérieur, ce qui entraîne des déperditions énergétiques plus élevées. Je préconise un rapport 4:3 (on dit aussi un ratio de 1,3), par exemple de 40 pi (12 m) sur les côtés sud et nord et de 30 pi (9 m) à l’est et à l’ouest, ce qui fera 140 pi (42 m) linéaires de murs exposés aux éléments. Pour une même superficie de 1 200 pi2 (111 m2), un rapport 3:2 (50 x 24 pi [15 x 7 m]) donnera 148 pi [44 m] linéaires et un rapport 3:1 (60 x 20 pi [18 x 6 m]) en donnera 160 (48). Si le volume est trop allongé, il faudra limiter la superficie des fenêtres au sud. »
VITRAGE ET INCONFORT
Luc Muyldermans n’est pas un adepte de la mode actuelle des murs rideaux. « C’est un non-sens du point de vue énergétique et du confort. C’est beaucoup plus froid en hiver et trop chaud en été, la maison consomme alors énormément. On ne peut pas parler de solaire passif avec un mur rideau complet. Et ça coûte une fortune de vitrage et d’installation. Le seul avantage, c’est qu’on vit à l’intérieur comme si on vivait à l’extérieur. »
Solarium conçu par l’architecte Maryse Leduc. Avec ses épaisses tuiles de terra cotta, ce plancher constitue une bonne masse thermique.
Le choix du type de vitrage dépendra notamment de sa superficie. « La plupart des clients veulent plus de fenêtres au sud que théoriquement requis, confie Luc Muyldermans. Par exemple, pour une maison à masse thermique faible (gypse, plancher de bois franc, un peu de céramique), si la surface vitrée est de 5 à 8 % de la superficie totale habitable, j’opte pour un double vitrage faible É/argon. Si la superficie de fenêtres est supérieure, je choisis un vitrage plus isolant, comme un double vitrage énergétique à couche tendre ou même un verre triple avec deux pellicules faible É et deux lames d’argon. En bout de ligne, la quantité de rayonnement solaire passant ainsi au travers des vitrages sera la même que si j’avais eu moins de surface vitrée ayant un pourcentage de transmission solaire plus élevé. »
Dans une maison très isolée et à masse thermique faible ou moyenne, on devrait limiter à 6 % la superficie des fenêtres du mur sud par rapport à la superficie de la maison (60 pi2 par 1 000 pi2 habitables [5,6 m2 par 93 m2]), explique une étude réalisée par le consultant Gary Proskiw pour Ressources naturelles Canada (RNCan) et portant sur les solutions abordables pour des maisons à consommation nette zéro d’énergie.1 Une superficie vitrée au sud plus importante risquera de créer des surchauffes au printemps et à l’automne, bien isolé. Trop de vitrage au sud peut même causer des gains solaires excessifs et inutiles en hiver si on laisse fuir cette chaleur plutôt que de la stocker dans des masses thermiques lourdes.
STOCKAGE DE MASSE
Luc Muyldermans estime plutôt qu’on peut s’en tirer avec de faibles masses, comme de la céramique, avec jusqu’à 8 % de vitrage au sud par rapport à la superficie habitable. Quand le vitrage représente 8 à 10 % de l’aire totale de plancher, il utilise une dalle de béton sur sol de 4 po (10 cm) d’épaisseur ou de 5 po (13 cm) s’il s’agit d’un plancher radiant à eau chaude. Il fixe alors la tuyauterie de polyéthylène sur un treillis métallique et pose le tout au tiers inférieur de la dalle pour éviter de perforer les tuyaux en clouant des divisions intérieures dans la dalle.
Si la proportion des fenêtres au sud dépasse les 10 %, il ajoute murs de brique et chapes de béton d’au moins 1,5 po (38 mm) — ou 2,5 po [64 mm] si un chauffage à eau y est intégré — sur les contreplaqués du plancher. Le béton peut être coloré ou traité en surface dans une nuance assez foncée pour maximiser la captation solaire ou recouvert de céramique ou de pierre. L’ingénieur ajoute qu’il pose la céramique directement sur la dalle — donc sans membrane — pour favoriser le transfert de chaleur : « Quand je fais une dalle, elle ne fissure pas. Ça dépend de la qualité de la mise en oeuvre de l’armature et du béton — les superplastifiants permettent de limiter la quantité d’eau, dont l’excès est la cause des fissurations. »
Notez que pour maximiser l’efficacité et donc la rentabilité des matériaux en tant que masse thermique, ils devraient idéalement être exposés directement à la radiation solaire plusieurs heures par jour. Il faut donc les placer devant des fenêtres faisant face au sud et non ombragées en hiver. « Évidemment, la disposition de masses thermiques ailleurs dans la maison est quand même très utile d’un point de vue énergétique et esthétique », ajoute Luc Muyldermans.
Selon Gary Proskiw, une très lourde construction de béton n’est pas justifiée économiquement en tant que masse thermique, car elle ne réduit les coûts de chauffage que de 2 à 7 %. « Mis à part les raisons esthétiques, il n’est pas nécessaire d’ajouter trop de masse thermique coûte que coûte pour réduire les coûts de chauffage annuels de 100 $, confirme Luc Muyldermans. Ce n’est pas rentable avec notre coût d’énergie qui est beaucoup trop faible — et qui devrait varier en fonction de l’excès de consommation, pour pénaliser le gaspillage. Il faut cependant dire qu’on n’a jamais trop de masse thermique, d’une part pour le stockage d’énergie hivernal et d’autre part pour garder la fraîcheur de la maison en été, en d’autres mots, pour le confort. »
Une solution originale, selon lui, serait de stocker la surchauffe solaire dans le sol d’une serre attenante à la maison. En soufflant l’air chauffé dans des tuyaux non perforés de 4 po (10 cm), à 2 pi (60 cm) sous la terre, « on tire parti de l’existant avec peu de moyens. Il est toujours préférable d’utiliser un élément pour deux usages, par exemple, la serre pour réduire les pertes de chaleur de la maison et la terre pour faire pousser des végétaux. »
CHERS LES VITRAGES
L’autre raison de ne pas abuser de la superficie des fenêtres : elles coûtent entre 28 $ et 64 $ le pi2 (300 $ à 700 $/m2), installées, notamment 44,36 $/pi2 (488 $/m2) pour celles en vinyle avec verre triple, pellicule à faible É, argon et intercalaire isolant, selon la même étude. Comparativement, un mur à la résistance thermique de R-44 bâti sur chantier coûte environ 16 $/pi2 incluant un gypse peint et un revêtement de bois préteint, selon le constructeur Robin Gauthier-Ouellet des Écohabitations Boréales.
IC2 Technologies fabrique le premier mur rideau en bois porteur au Québec. Il combine la technologie à haute efficacité énergétique (R-8) THERM+ de RAICO, certifiée Passivhaus, au bois lamellé-collé de Nordic Structures Bois.
Bien sûr, les fenêtres performantes orientées au soleil peuvent produire de l’énergie nette au cours d’une saison de chauffage alors que les murs, peu importe leur résistance thermique, représenteront toujours une perte nette d’énergie. Par contre, un mètre carré de fenêtre fixe à triple vitrage avec une pellicule à faible É ne produirait qu’un gain net de 1,50 $ d’électricité (19 kWh) par année, du moins dans le cas de la maison à consommation nette zéro simulée par Gary Proskiw ! Son surcoût par rapport au mur R-44 prendrait donc environ deux siècles à être remboursé ! Morale : Gary Proskiw recommande donc de choisir de bonnes fenêtres, pas nécessairement les meilleures du point de vue énergétique, pour autant qu’elles résistent bien à la condensation et répondent aux besoins esthétiques et fonctionnels de la maison, sans plus.
Par ailleurs, un expert de RNCan a modélisé pour nous une maison de 2 100 pi2 (195 m2) sur deux étages, située à Montréal, avec des fenêtres représentant 12 % de la superficie habitable réparties comme suit : 40 % au sud, 30 % au nord et 15 % à l’est et à l’ouest. Selon ce scénario, la combinaison de vitrages idéale du point de vue énergétique serait à triple verre avec deux pellicules faible É sur les murs est, ouest et nord, et à verre double avec une pellicule faible É au sud, pour un gain net d’environ 1 050 kWh ou 84 $ (à 8,6 ¢/kWh) par année.
« N’oublions pas non plus qu’il existe plusieurs qualités de vitrages avec pellicule faible É, ajoute Luc Muyldermans. Il est très important de vérifier les caractéristiques des vitrages offerts pour une fenêtre donnée. On notera, par exemple, qu’un triple vitrage clair peut être moins performant qu’un vitrage double avec pellicule faible É, gaz et intercalaire isolant, tant du point de vue de la transmission du rayonnement solaire que du point de vue du facteur isolant. »
Enfin, s’il est important de bien installer les fenêtres afin qu’elles soient étanches à l’air, Luc Muyldermans est en désaccord avec une recommandation du programme Novoclimat, celle de placer le vitrage dans la partie chaude (isolée) du mur pour éviter qu’il soit balayé par le vent. Et ce, pour trois raisons :
« Cela provoque des ombrages indésirables sur les côtés latéraux des vitrages, diminuant sensiblement la pénétration solaire » ;
« Cela augmente la surface de déperdition extérieure autour de la fenêtre » ;
« Cela représente un risque élevé d’infiltration d’eau, avec le temps, dans le mur situé sous la fenêtre via les joints du seuil de fenêtre. »
Un muret en béton recouvert de tuiles, autre bon exemple de masse thermique.
Bref, si l’architecture bioclimatique est un domaine où plusieurs consensus existent, chaque bâtiment doit être adapté au climat, techniques de construction et autres particularités locales. Chose certaine, les expériences et recherches n’ont pas fini d’alimenter les débats et de stimuler la créativité des artisans. Et ce, pour la plus grande fierté des propriétaires de maisons solaires.
QUEL VITRAGE CHOISIR AU SUD ?
Nous avons demandé à Ressources naturelles Canada (RNCan) quel type de vitrage est préférable pour une façade sud. La réponse : le type qui est désormais obligatoire sur toutes les façades des maisons neuves québécoises, soit à double vitrage faible É avec intercalaire isolant et remplissage à l’argon.
Plus spécifiquement, en climat nordique, le Ministère recommande d’équilibrer les pertes de chaleur par conduction (valeur U) et le coefficient d’apport par rayonnement solaire (en anglais : SHGC pour solar heat gain coefficient) puisque les deux s’influencent : en général, plus les gains solaires du vitrage sont élevés, moins la fenêtre est isolante. La relationniste de RNCan, Jacinthe Perras, explique : ” Notre recherche sur l’optimisation des maisons à consommation nette zéro nous a démontré qu’une valeur U de 1,6 . 1,8 watts par mètre carré par degré Kelvin et un SHGC de 0,35 . 0,45 sont plus appropriés pour nos zones nordiques. “
Pour en savoir davantage
1. Identifying Affordable Net Zero Energy Housing Solutions hme.ca/reports/Identifying_Affordable_Net-Zero-Energy_Housing_Solutions.pdf
(lire notre r.sum. ainsi que des articles sur La Dame du Lac et la maison d’Andreas Athienitis sur maisonsaine.ca/solaire)
Association .nergie solaire Québec : esq.qc.ca
Liste et cotes énergétiques des fenêtres et appareils Energy Star : oee.nrcan.gc.ca/energystar
Luc Muyldermans : thermtech.ca
Réseau de recherche strat.gique du CRSNG sur les bâtiments intelligents à consommation énergétique nette zéro : solarbuildings.ca
Excellent livre : La conception bioclimatique, Samuel Courgey et Jean-Pierre Oliva, 240 pages, 2006, terrevivante.org.
Ecosunenergy dit
Article très intéressant, merci pour toutes ces informations.
Alain
http://www.ecosunenergy.fr/
Sylvain Renou dit
Un grand merci pour cet article très clair !! Belle journée
Normand Gosselin dit
Au plaisir de bien vous informer et de vous compter parmi nos lecteurs,
La direction