On dit que Obélix est tombé dans la potion magique lorsqu’il était petit… Les conséquences sont bien connues : l’effet de la potion magique lui a donné des forces pour le reste sa vie! Qu’en est-il lorsqu’une personne “tombe en amour” avec un métier très tôt dans la vie, quand elle “tombe dedans” ? Y a-t-il des gens qui pratiquent leur métier “depuis une éternité” ? Tout porte à croire qu’il y a de ces passionnés, comme Camil Rivest Jr, de Ste-Marthe-sur-le-Lac.
Pour son premier emploi d’été comme étudiant, à 16 ans, Camil Rivest Jr a gagné le gros lot : homme à tout faire dans le département d’électricité à la mine Camflo, de Malartic, en Abitibi. Chanceux comme tout, il a travaillé tout l’été sous les ordres de Johnny Chiarrot, un électricien qui prenait un très grand plaisir à transmettre ses connaissances aux débutants ; surtout, à transmettre sa passion pour son métier d’électricien.
Avec un recul de 36 ans, on se rend compte que Camil Rivest Jr a très bien pigé les enseignements de M. Chiarrot et son gout pour le métier. Les mines ne sont pas soumises à la règlementation de la RBQ ou de son prédécesseur le Bureaux des examinateurs électriciens, donc le jeune homme a pu rapidement effectuer des travaux utiles et nécessaires à son employeur. Sa propre passion pour l’électricité lui a permis d’apprendre beaucoup et vite. Bien que la mine n’était pas soumise au Code sur l’électricité, grâce au professionnalisme de son patron, Camil Jr a pu apprendre à travailler “selon les règles de l’art”. Il est aujourd’hui l’un des électriciens les plus rigoureux sur l’application du Code et des normes. Et comme il n’a jamais eu d’accident indemnisable de toute sa vie, il est en mesure de bien promouvoir le respect des consignes et recommandations de sécurité de la CSST et des autres autorités en matière de sécurité du travail.
Il faut dire que Camil Rivest Jr a eu de quoi se sensibiliser sérieusement à la sécurité. Après sept ans de service pour un contracteur minier, il a été embauché par les mines Agnico-Eagle Ltée, de Joutel. Il y a obtenu le poste de guide électricien (terme utilisé dans la convention collective de la mine) soit contremaitre par intérim, suite au décès par électrocution du surintendant en électricité et à l’électrisation du guide électricien. D’ailleurs, celui-ci, qui a subi des brulures au 3e degré, n’a jamais plus travaillé de sa vie. Les accidents au département d’électricité de la mine ont été nombreux au fil des ans mais l’attitude prudente de Camil Jr et sa rigueur dans l’application des règles de l’art ont fait qu’aucun autre accident n’est survenu dans cette mine jusqu’à sa fermeture, trois ans plus tard. Satisfaite des services de Camil Jr, Agnico-Eagle l’a muté à son autre mine, à Preissac, où il a travaillé pendant 11 ans.
Il faut admettre que Camil Jr a toujours pris son métier très au sérieux et il développe continuellement ses connaissances . Il a commencé par compléter son secondaire, ce qui est déjà un bon pas pour ses connaissances générales. Ensuite, il a complété un premier DEP en électricité de construction et automatisation, à Deux-Montagnes . Ayant connu le plaisir de l’électricité dans les mines, il a immédiatement fait un 2e DEP, en électricité industrielle et instrumentation, à la polyvalente spécialisée Pont-Viau. En fait, il a suivi une centaine de formations diverses, soit sous forme de cours conventionnels ou sous forme de séminaires de toutes sortes. En additionnant les heures qu’il a investies dans ces formations complémentaires, on arrive à plusieurs milliers d’heures de formation, l’équivalent d’au moins trois autres DEP ! Au moment d’écrire ces lignes, Camil Jr est encore en formation, depuis le mois de janvier.
Question d’avoir une idée de son champ d’expertise, voici une liste des secteurs dans lesquels il a une expérience pertinente et où il est parfaitement à l’aise:
- Électricité de construction et d’entretien
- Électricité de mines souterraines et de surface
- Automatisation et instrumentation
- Électromécanique et CVAC
- Mécanique du bâtiment
- Moteurs et commandes
- Stations de pompage
- Équipements de levage
- Groupes électrogènes (petite et grande puissance)
- Installation et entretien d’équipements combinés électricité/gaz
- Gestion des contrôles électriques
- Systèmes d’alarme incendie
- Systèmes électriques industriels et de télédiffusion
- Installation de réseaux et de salles informatiques
Comme la plupart des électriciens hors construction (d’entretien), Camil Jr a eu un nombre très restreint d’employeurs : 22 ans pour deux employeurs dans les mines de l’Abitibi, une année à titre de superviseur technique en fabrication de ponts roulants dans les Laurentides, cinq ans comme répondant aux Industries de câbles d’acier ltée, à Montréal, et un peu plus de trois ans pour SNC-Lavalin Profac, affecté à la Maison Radio-Canada de Montréal, à titre de superviseur électricien.
L’une des questions posées à M. Rivest en entrevue est : “Comment arrivez-vous à mettre en pratique le code et les normes avec beaucoup de rigueur ? Est-ce que ça ne vous retarde pas dans l’exécution de votre travail ?” Sa réponse : ” Bien sûr qu’il faut prendre le temps de bien faire les choses, en respectant la règlementation. Ça prend peut-être un peu plus de temps mais la sécurité que ça apporte aux gens qui utilisent les équipements sous notre responsabilité et la sécurité de ces équipements eux-mêmes en valent la peine. C’est vrai que certains patrons préfèrent parfois que l’on fasse ça plus vite mais on doit se rappeler que la première responsabilité de l’électricien est de rester bien en vie et en santé. Ça dérange certaines personnes de porter les équipements recommandés ou exigés soit par la CSST ou par les normes, tel que la Z462, mais là encore il n’y a pas de bravade à faire : on doit nécessairement travailler en toute sécurité. ”
Autre question : “L’application de certaines règles du code coute parfois beaucoup d’argent aux patrons ; ne sont-ils pas plutôt portés à faire les choses au prix le plus bas?” Sa réponse : “C’est vrai que l’application des règles amène parfois des couts plus élevés, mais ce n’est pas toujours le cas ; mentionnons aussi que ces couts sont encore moindres que le cout d’un incendie ou d’un arrêt de production ou de services. En électricité hors construction, surtout en réparation et en entretien, la façon de faire est de faire les choses correctement et non pas au plus pressé et au moindre cout ; la fiabilité des équipements d’abord. Par contre, installer les bons équipements, appropriés à la situation, fait que le patron peut souvent très bien respecter ses budgets ; si une installation est prévue pour avoir une utilisation de deux ou trois ans, il ne sert à rien d’installer des équipements haut de gamme valables pour 25 ans – choisir les bons équipements est capital et c’est le rôle de l’électricien hors construction de bien informer son patron afin qu’il puisse prendre la décision finale à l’intérieur de sa zone de confort.”
Cependant, parfois certains patrons n’acceptent pas d’investir l’argent qu’il faut dans leur système électrique, ils n’acceptent pas d’interrompre la production, et ils prennent des risques sur la sécurité des employés et des usagers de ces équipements. Il arrive que des électriciens perdent leur emploi pour avoir trop exigé de rigueur dans l’application du code. Ou encore, lorsqu’un électricien indique à l’ingénieur qui a préparé les plans que les équipements prévus ne sont pas conformes soit au code ou aux besoins de l’installation, il arrive là encore que l’électricien perde son emploi ; surtout s’il n’a pas mis tous les gants blancs qu’il faut pour passer ses remarques à l’ingénieur…”
“Mais rien n’empêche, d’ajouter M. Rivest, que la satisfaction du travail bien fait et de la conscience professionnelle ont un prix et j’ai toujours été prêt à payer ce prix. Puisqu’on a un travail à faire, pourquoi ne pas le faire comme il le faut ?”
Une question de plus à M. Rivest : “Vous avez choisi de retourner sur les bancs d’école lors de la fin de votre emploi chez SNC-Lavalin Profac, plutôt que de travailler chez un autre employeur : pourquoi ? N’en n’aviez-vous pas assez dans votre bagage pour occuper un autre emploi ?” M. Rivest de répondre : “L’électricité évolue présentement à vitesse Grand V et l’électricien qui ne se recycle pas régulièrement est vite dépassé. Pour ma part, je tiens à retourner comme répondant et surtout à pouvoir diriger une équipe d’électriciens selon les toutes dernières méthodes de travail, avec les techniques les plus avancées, et de pouvoir recommander à mes patrons des solutions modernes et économiques. Il faut se rappeler que l’électricien hors construction a souvent un patron qui est administrateur et non pas électricien ; donc, l’électricien doit alors être le conseiller de son patron, ce qui n’est pas une mince tâche ni une mince responsabilité. Je dois prendre en considération qu’il me reste au moins 15 ans de travail devant moi, peut-être plus; je veux que ce soit aussi agréable que ça l’a été depuis 1976…”
Avoir autant de conscience professionnelle après 36 ans dans le métier, n’est-ce pas un peu exagéré ? À cela M. Rivest répond : ” Une vie bien remplie, c’est d’abord et avant tout une vie vécue avec la satisfaction d’un travail à notre gout. Moi, je ne suis pas négociable sur la qualité du travail et sur la sécurité. Je vis ma passion pour l’électricité sans compromis. De plus, jusqu’à maintenant, j’ai encore tous mes morceaux et en bon état ; je veux que ça continue ainsi.”
Avec les réponses et les commentaires de M. Rivest, il est facile de comprendre qu’il ait encouragé son fils, Camil Rivest III , à faire lui aussi sa vie dans le monde de l’électricité.
Est-ce qu’il y a de l’avenir dans l’électricité hors construction ? Est-ce qu’on peut passer toute une vie en électricité hors construction ? L’entrevue qui a fourni les informations permettant le présent reportage est plus qu’éloquente. Nous pourrions d’ailleurs faire le même genre d’entrevue avec des centaines de membres de l’AcpééeQ et nous aurions des réponses assez semblables : une passion vécue à volonté, la mise à jour régulière des connaissances techniques, et un nombre restreint de patrons au cours d’une carrière, avec du travail 12 mois par année. L’électricité hors construction est faite pour les électriciens curieux, qui aiment savoir “comment c’est fait et comment ça marche” , avec comme objectifs la stabilité du service et l’efficacité des équipements.
Légende : Camil Rivest Jr à l’œuvre. La précision du travail à effectuer exige parfois qu’on travaille sans gants. Mais le port du casque, des lunettes de sécurité et des vêtements ignifuges, à manches longues, sont essentiels.
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