Deux annonces ont fait frémir autant le monde de l’éclairage que celui des protecteurs du ciel étoilé cet été : la conversion des luminaires de la Ville de Montréal aux DELs et l’éclairage festif du pont Jacques-Cartier en vue du 375e anniversaire de la Ville. Les réactions ne se sont pas fait attendre.
Le remplacement des luminaires était attendu suite autant à l’orientation vers la « ville intelligente » de l’actuelle administration qu’à la vague des conversions partout dans le monde. La façon dont il a été présenté, comme une façon de réduire la pollution lumineuse, a fait réagir IDA Québec, l’AstroLAB du Mont-Mégantic et l’AQME (les trois partenaires qui offrent aux municipalités une formation sur la pollution lumineuse). Une lettre ouverte a été envoyée à l’auteur de l’article publié par La Presse sur ce sujet et dont le Magazine Électricité Plus a fait mention dans son édition de juillet pour expliquer que, seules, les DELs ne peuvent pas réduire la pollution lumineuse, au contraire. La lettre des trois organismes a aussi été publiée dans le Magazine, et on peut la consulter en cliquant ici.
Il est possible que la Ville de Montréal arrive à réduire la pollution lumineuse compte tenu de son implication active dans IDA Québec et donc dans l’élaboration du Règlement type présenté pendant la formation mentionnée plus haut ainsi que dans la norme qui verra prochainement la lumière du jour pour consultation publique. Ces documents proposent un zonage et un éclairage selon (pour le dire brièvement) l’occupation du sol. Si la Ville adopte cette façon de faire, on va pouvoir constater globalement une amélioration de l’éclairage nocturne.
La Ville de Montréal utilisera principalement la lumière blanche d’une température de couleur de 4000K pour accroitre les économies d’énergie mais elle semble regarder aussi vers les 3000K pour certaines applications. Espérons que l’intégration dans un contexte de « ville intelligente » amènera l’utilisation des contrôles adaptatifs qui aideront à la réduction de la pollution lumineuse sans nuire aucunement aux besoins et aux activités des citoyens ou des usagers des espaces métropolitains. Et, bien sûr, les économies d’énergie associées seront encore plus importantes.
L’éclairage festif du pont Jacques-Cartier a été plus… inattendu. Mais encore dans ce cas, en analysant plus attentivement les réalités montréalaises, on devait s’y attendre. Avec un pont Champlain à refaire et aucun autre passage d’envergure offrant autant de visibilité, le pont Jacques-Cartier était le choix naturel pour démontrer la fête.
La Réserve Internationale de Ciel Étoilé a réagi par voie de communiqué en montrant son inquiétude pour l’usage de la lumière blanche.
En regardant les simulations présentées dans les divers médias, il est difficile de se prononcer objectivement sur le sujet. De façon générale, l’éclairage architectural est très difficile à gérer du point de vue de la réduction de la lumière indésirable la nuit. Cet éclairage, qui est sensé embellir, est généralement très bien accueilli quand les excès sont évités. Ça veut dire que les usagers apprécient plus un éclairage discret, non éblouissant; une condition qui favorise simultanément la réduction de la pollution lumineuse. Malheureusement, dans des projets de ce genre, la direction de la lumière émise est souvent vers le haut. Et les couleurs variables font partie des concepts.
Le cas d’un pont est encore plus délicat : sa lumière se propage dans les écosystèmes marins et sur les berges, affectant directement la faune et la flore.
Qu’est-ce qu’on peut donc demander d’un projet d’éclairage architectural pour protéger la vie et l’environnement nocturne?
- Un éclairage discret,
- Un éclairage qui se limite strictement à son sujet, idéalement sans aucun débordement,
- Un éclairage qui n’éblouit pas les occupants et les usagers des propriétés voisines, et, le plus important,
- Une cédule horaire de fonctionnement répondant aux besoins de toutes les parties impliquées. Aujourd’hui quand toute entité (maison, voisinage, ville) se veut intelligente, on doit un peu plus : une programmation de la réduction autant de la température de couleur (si on parle de blanc dynamique) que de l’intensité de la lumière à des heures bien définies.
Pour ce qui est du pont Jacques-Cartier, il est normal et souhaitable de manifester sa joie, d’avoir le cœur à la fête. Il faut simplement demander aux concepteurs de respecter par leurs idées la nuit et la vie.
(Une petite parenthèse pour parler d’une œuvre mise en place cet été à New York : Empire State building a décidé de projeter sur 33 étages de sa façade sud des images avec les espèces en voie de disparition. Une cause noble mais qui a le potentiel de perturber la vie des oiseaux et des humain vivant autour. Au moins, les 40 projecteurs fonctionnent uniquement entre 21h et minuit!)
Pour conclure le récit sur ces deux annonces de la Ville de Montréal, on peut dire que les DEL sont ici pour rester, leur règne est à peine commencé. Prenons donc tout ce qu’elles offrent : la lumière et, en même temps et sans retard ou hésitation, la facilité de contrôle. Sur celles-ci, appliquons la technique moderne pour contrôler la quantité de lumière émise, la direction et la couleur de cette lumière, ainsi que la durée de fonctionnement du système. Et le résultat satisfera la grande majorité.
ndlr : 1) Les informations, idées et opinions présentées dans cette chronique sont de la seule responsabilité de son auteur, M. Mihai R. Pecingina.
2) Mihai R. Pecingina, ing., est membre de l’équipe de Consultants DND. Il est aussi président d’IDA Québec et membre du CA d’IES Montréal. On peut joindre M. Pecingina à mpecingina@dndinc.ca , tél. : 514-795-0363.
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