Aujourd’hui maitre-électricien à l’École Polytechnique de Montréal, François Carrière a été maitre-boucher dans une vie antérieure. Son expérience dans le métier et son sang-froid à toute épreuve lui ont permis de sauver le bras d’un travailleur coincé dans un hachoir à viande, arrivé à l’urgence d’un hôpital montréalais où il travaillait en tant qu’électricien en 2014. Dans le but de lancer un message de prévention, il partage son témoignage avec Électricité Plus.
Une chance qu’il se trouvait à la salle à manger de l’hôpital avec ses confrères des différents corps de métiers, ce jour où le secteur de la maintenance a reçu un appel pour assister le chirurgien en salle d’opération. C’est qu’il avait un cas particulier sur la table d’intervention : un accidenté du travail que les ambulanciers avaient emmené à l’urgence, le bras toujours profondément enfoncé dans une tête de moulin à viande.
« Les médecins ont demandé de l’aide à mon confrère mécanicien, mais je lui ai proposé de lui offrir mon assistance, se rappelle M. Carrière. J’avais de l’expérience pour avoir déjà monté et démonté cette machine. » La pièce industrielle, conçue en forme de « L », s’est probablement déclenchée par erreur en raison de la pédale d’actionnement située au plancher, emprisonnant du coup la main du travailleur. « Pour ouvrir la tête du moulin, il y a une vis sans fin, il fallait la tourner pour en forcer la sortie », explique posément François Carrière.
Prêt à couper l’épaule
Malgré la surprise générale, il régnait un calme olympien en salle d’opération, raconte M. Carrière. Bien qu’étrange, le cas n’était pas tellement hors de l’ordinaire pour un environnement hospitalier. François Carrière, qui chérit la philosophie de donner au suivant, a plaidé sa cause devant le médecin, prêt à charcuter l’épaule de la pauvre victime. « Donnez-moi une chance », aurait lancé le maitre-électricien, selon ses souvenirs.
François Carrière a finalement été en mesure de donner ses consignes pour lentement retirer la tête de moulin, pièce industrielle lourde de 50 livres, qu’il fallait dévisser avec précaution pour éviter le risque de déboîter l’épaule du malheureux. Il faut le souligner : la perte de conscience de l’homme décrit comme costaud a contribué à faciliter la délicate opération, le muscle étant ainsi plus souple, malléable.
« C’était surnaturel, se remémore M. Carrière. Je ne pensais qu’à sauver son bras, je me disais qu’il avait peut-être, comme moi, des enfants qui voudraient le revoir en seul morceau. À force de manipulations, on a réussi à dégager sa main, le gant était encore en place. Sa main nécrosée a toutefois dû être amputée. » François Carrière ne sait pas ce qu’il est advenu du travailleur, mais il ressent une grande satisfaction d’avoir pu aider à sauver l’avant-bras de cet homme.
1 000 accidents évitables chaque année
Selon la Commission de normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), on déplore au Québec en moyenne 1 000 accidents du travail par année reliés au dégagement intempestif d’une source d’énergie lors de travaux d’installation, d’entretien, de réparation ou de déblocage. Il est permis de croire qu’un accident comme celui dont témoigne François Carrière aurait pu être évité. Pour endiguer ce fléau, la CNESST a rendu obligatoire la formation sur le cadenassage, technique permettant d’isoler ou contrôler les sources d’énergie, en janvier dernier.
Tous les jours, les travailleurs manuels font face à des situations risquées, le cadenassage permet d’assurer la maitrise des sources d’énergie présentant un risque potentiel. (Photo : Karine Limoges)
« Le métier de boucher comme celui d’électricien est à très haut risque. Les travailleurs sont plus éveillés aux dangers potentiels, mais il reste du chemin à faire – surtout du côté de l’alimentation où on travaille dans les endroits humides, gras et glissants, croit M. Carrière, qui valorise l’importance de la formation et de la mise à jour des connaissances. Aujourd’hui, nous avons des outils comme le cadenassage, il faut s’en servir ! La dernière personne responsable de notre santé, c’est soi-même. »
David dit
C’est pas toujours évident d’éviter les accidents!!! C’est comme son nom l’indique 🙂