Cet article est pensé en fonction de la maintenance dans les usines principalement, mais peut très bien s’appliquer aux grands édifices et aux institutions. M. Idhammar l’a écrit comme s’il s’adressait personnellement à chaque internaute, exprimant une position personnelle découlant de son expérience en usines.
L’une des mesures généralement prise par une organisation qui cherche à améliorer le rendement de son département de maintenance est de céder toutes ses ressources de maintenance aux opérations. Nous recevons souvent des appels provenant d’organisations qui envisagent d’adopter cette stratégie d’amélioration. Nous nous demandons souvent pourquoi ils envisagent implanter cette stratégie, quels en seraient les bénéfices apparents?
Voici quelques-unes des raisons que l’on entend :
- Il y aura un plus grand sentiment d’appropriation de la part du personnel de maintenance pour les activités d’opérations;
- Les relations de travail seront plus étroites avec les opérations;
- Moins de gestionnaires seront requis, il y aura donc plus d’économies.
Ce sont là les réponses les plus fréquentes. J’aimerais donner mon avis et vous faire part de mes expériences de travail au sein des nombreuses organisations avec lesquelles nous avons travaillé, et qui ont voulu économiser en adoptant cette stratégie.
Premièrement, si vos pratiques de maintenance de base (planification, ordonnancement, maintenance préventive, magasins, base de données technique) ne sont pas intégrées dans la culture de votre entreprise, tel un « mode de vie », ne faites surtout pas ce changement! Pourquoi? Parce que vous vous retrouverez avec plusieurs départements de maintenance à faible rendement plutôt que de n’avoir qu’un seul département de maintenance à bon rendement. En plus, vous vous attendrez à ce que plusieurs de vos gestionnaires de maintenance, lesquels sont souvent inexpérimentés, adoptent et/ou améliorent ces pratiques de base. Mais pour des raisons tel que le peu de connaissances en gestion de maintenance, le manque de temps, le manque d’intérêt, de volonté, ou tous ceux-ci combinés, vous pourriez potentiellement entrainer, moyennant un délai de six à neuf mois, les conséquences suivantes :
- La présence d’un plus grand nombre d’employés de maintenance par quart de travail – créant ainsi un plus grand sentiment de sécurité, amenant notamment les opérateurs à faire un plus grand nombre de demandes de travaux;
- Un plus grand nombre d’employés de maintenance seront affectés à des zones spécifiques, disponibles et prêts à réagir en cas de problème. L’idée étant de faciliter la résolution de problèmes;
- Les demandes de travaux ne seront pas saisies dans le système informatique, car il est plus simple et plus pratique d’appeler directement le personnel;
- Il sera plus difficile de déplacer le personnel d’un endroit à l’autre pour les arrêts planifiés (shutdowns);
- Les heures supplémentaires et les heures de sous-traitants augmenteront même s’il y a plus de personnel par quart de travail;
- Les retards accumulés (backlogs) augmenteront;
- La fiabilité des équipements diminuera. Les couts de maintenance seront en hausse. Les gestionnaires des opérations n’auront pas une vue d’ensemble de la situation.
D’autres phénomènes caractéristiques peuvent se produire. Par exemple, ne pas agir afin d’améliorer la situation. C’est souvent le cas lorsque le ou les gestionnaires qui sont à l’origine du changement refusent de voir ou d’admettre que ce changement était une erreur. Cela peut prendre jusqu’à trois ans, ou un changement de direction, avant qu’une personne disposant d’assez d’autorité au sein de l’organisation prenne conscience de la perte de contrôle de la maintenance et de la nécessité de revenir à une maintenance plus centralisée – bien que concentrée par zone –, et de revenir aux pratiques d’autrefois. Sur une période allant de 10 à 15 ans, de nombreuses organisations peuvent répéter plusieurs fois ce cycle. Il faut dire que cela tient les consultants externes de maintenance bien occupés!
Comme vous le constatez, nous n’encourageons pas le transfert de la maintenance entre les mains des opérations. Nous avons trop souvent été témoin de situations comme celle décrite plus haut – et nous n’avons jamais rencontré un exemple d’amélioration par la suite d’un tel changement. De plus, si vous avez déjà instauré les pratiques essentielles de base de maintenance dans une organisation centrale/par département, ou si votre partenariat avec le département des opérations est solide, il n’y aucune raison d’effectuer de changement.
Le graphique ci-dessous montre une étude de cas réelle (sur une période de trois ans) d’une organisation qui a cédé la maintenance aux opérations dans le but de réduire les couts de maintenance.
Le nombre de sous-traitants a été réduit de 14,3 % la première année. L’année suivante, de ce nombre, 6 % avait été réembauché. Durant la même période, les dépenses de sous-traitants ont augmenté de 88 %, les heures totales de maintenance, incluant les heures supplémentaires, les heures de sous-traitants et les heures à l’interne ont augmenté de 10,5 %. Bien entendu, le cout total de la maintenance a augmenté de 29,2 %. En plus, la fiabilité et la capacité de production ont diminué de 6 %. À l’heure actuelle, l’usine en question investit dans l’embauche et la formation de personnel de maintenance, adoptant les pratiques d’entretien qu’ils avaient laissé de côté, laissant toutes les ressources de maintenance entre les mains des gestionnaires de maintenance.
Note : M. Christer Idhammar est consultant en fiabilité et maintenance industrielle, vice-président de IDCON, société établie en Suède en 1972 et aux États-Unis en 1985.
n.d.l.r.
- Nous remercions M. Christer Idhammar d’avoir donné la permission à Maintenance Québec de traduire et publier son article sur les indicateurs clés de performance de maintenance, permission que l’organisme a relayée à Électricité Plus.
- Électricité Plus a publié un autre texte de M. Idhammar précédemment, Performance en maintenance, qu’on peut consulter en cliquant ici.
Laisser un commentaire