Les moteurs électriques gagneront en efficacité énergétique, avec le développement de la recherche entourant le nitrure de gallium (GaN), un composant semi-conducteur à large bande interdite utilisé en électronique de puissance. Sa haute fréquence et sa grande puissance couplée à sa résistance à la chaleur et en environnement hostile lui permettront, éventuellement, de remplacer le silicium utilisé dans la fabrication de la majorité des composants de puissance, notamment de cellules photovoltaïques et de moteurs électriques.
« Pour répondre aux demandes de plus en plus exigeantes du marché, les fabricants arrivent à améliorer les performances des composants fabriqués à base de silicium, mais demeurent très limités par les propriétés physiques modestes de celui-ci. Le GaN offre une bonne alternative pour remplacer le silicium », explique d’entrée de jeu Hassan Maher, chercheur à l’Institut interdisciplinaire d’innovation technologique (3IT) de l’Université de Sherbrooke.
Il poursuit en expliquant que l’électronique de puissance permet de gérer ou de transformer l’énergie électrique pour l’adapter au besoin de l’application visée qui, à l’aide de nouveaux composants à base de nitrure de gallium, génère de moins en moins de pertes énergétiques. En diminuant celles-ci, ce gain significatif en énergie pourra être utilisé pour faire tourner les roues d’un véhicule électrique (VÉ), par exemple.
Le transistor de puissance à base de GaN fabriqué à l’Université de Sherbrooke par l’équipe de recherche de professeur Maher, dont la taille de la puce fait 2 mm par 3 mm, peut délivrer 20A et supporter jusqu’à 550V.
« En particulier dans les VÉ, une portion considérable de l’énergie est perdue sous forme de chaleur. L’utilisation des composants à base de GaN pour gérer l’énergie électrique permet de gagner en efficacité énergétique et de diminuer la perte de chaleur par un facteur six – soit six fois moins de perte thermique. Il y aura toujours une petite perte, et en attendant la découverte d’un nouveau composant à perte nulle, nous pouvons seulement la réduire », indique le chercheur.
Le constructeur automobile japonais Toyota travaille sur des transistors à base de GaN depuis quelques années. Pour consulter l’article sur le sujet, cliquer ici)
Maintenant, avec un système plus efficace énergétiquement, la batterie de la voiture gagnera en légèreté et – nerf de la guerre des constructeurs automobiles – en autonomie. « En mettant à la disposition des fabricants de voitures des composants et des circuits à ultra haute efficacité énergétique, les voitures électriques disposeront bientôt d’une meilleure autonomie », résume M. Maher.
Il est difficile pour le chercheur de chiffrer exactement ces réductions de pertes, car l’industrie automobile – jouant dans un milieu très compétitif – conserve jalousement ses données. « La filiale GaN est encore au stade de recherche, peu de communications filtrent au sujet de l’utilisation de ce composant, ce sont des données très stratégiques pour les constructeurs automobiles », note Hassan Maher.
Entre la cellule et l’unité de stockage
« L’électronique de puissance, c’est un ou des blocs électriques qu’on insère entre une source d’énergie électrique et le système qui utilise cette énergie, décrit le professeur Maher. Les blocs de puissance vont adapter cette énergie électrique pour la rendre utilisable. » Ses champs d’application sont multiples, en commençant par l’alimentation des appareils domestiques – un ordinateur portable, par exemple – pour transformer un courant alternatif de 110 V à un courant continu inférieur à 20 V.
Toutefois, les secteurs névralgiques qui pourraient bénéficier des avancées en électronique de puissance sont ceux de l’automobile électrique et des énergies renouvelables, croit le professeur Maher. La plus grande perte d’énergie – que ce soit en matière de véhicule électrique, de production d’énergie photovoltaïque ou éolienne –, se situe entre l’endroit d’où émane l’énergie, la cellule, et l’endroit où l’énergie doit se rendre pour être stockée, les batteries par exemple.
« En termes d’efficacité énergétique, dans le photovoltaïque concentré, l’efficacité des cellules peut atteindre 44 %, chiffre Hassan Maher. Si nous mettons notre composant, le GaN, pour gérer l’énergie, nous pourrons grappiller quelque pourcentage en termes de rendement énergétique. »
Jeune, mais puissant
Bien que découvert dans les années 90, le nitrure de gallium – qui a d’abord servi dans la mise au point de la technologie des disques Blu-ray avec les diodes laser bleues – est utilisé en électronique de puissance depuis seulement dix ans. « Le seul problème, c’est que la technologie du GaN manque de maturité par rapport à la technologie du silicium qui a plus de 50 ans. Mais sa performance et sa robustesse dépassent celles du silicium », explique le physicien de formation.
Matériau à grande capacité, le GaN est capable de résister aux champs électriques et peut supporter une température au-delà de 200 degrés Celsius. Il s’adapte aux environnements hostiles, contrairement au silicium qui est plutôt fragile, explique le chercheur. À la fabrication, il est aussi polluant que son prédécesseur, le silicium, mais une fois conçu, il l’est beaucoup moins parce qu’énergétiquement efficace.
Selon le professeur Maher, la technologie apportée par ce composant s’inscrit parfaitement dans la transition énergétique préconisée par le gouvernement du Québec, notamment en ce qui a trait à l’électrification des transports. « Nous sommes très attentifs aux projets en développement touchant au train électrique, aux véhicules électriques et aux bornes de recharge », ajoute-t-il.
Industrie 4.0 et énergies renouvelables
Les applications de l’électronique de puissance pourraient également bientôt servir à l’industrie 4.0 par le biais d’automates et de systèmes intelligents. « L’industrie 4.0 requiert un grand nombre d’automates fonctionnant avec l’énergie électrique, dont une portion non négligeable est perdue sous forme de chaleur, l’utilisation des composants GaN pourrait réduire ces pertes thermiques – comme dans le cas des centres de données – pour éviter qu’ils ne deviennent de vrais fours, en les rendant plus efficaces, suggère M. Maher. Les systèmes moins efficaces sont moins fiables avec les composants actuels. »
Quant au secteur des énergies renouvelables, il profitera des composants à base de GaN pour mieux gérer les ressources en énergie produites. « Dans la gestion de l’énergie, il y a une grande perte pour l’acheminer du point A au point B, la stocker, puis la transformer. Encore là, il y a un gain à aller chercher pour améliorer l’efficacité énergétique. Ce n’est pas la cellule en tant que telle qui va y gagner, mais tout le système. »
Dans le marché actuel, l’électronique de puissance à base de GaN atteint 650 V; la nouvelle génération de ce composant permettrait de presque doubler cette énergie convertie pour atteindre 1 200 V. Ce qui prendra encore d’un à deux ans de recherche, selon les estimations de Hassan Maher, avant que le composant trouve son chemin jusque sous le capot d’un véhicule électrique.
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