Ayant publié 31 articles scientifiques en 2017, Karim Zaghib, premier chercheur à l’Institut de recherche d’Hydro-Québec (IREQ), figure pour une troisième année consécutive au prestigieux classement The World’s Most Influencial Scientific Minds – un tour du chapeau pour le scientifique spécialisé dans les matériaux de batterie au lithium-ion.
Alors qu’Hydro-Québec accordait une première licence d’utilisation de sa batterie au lithium à électrolyte solide conçue par l’équipe de M. Zaghib, le scientifique s’est entretenu avec Électricité Plus pour discuter de l’honneur de se retrouver au sommet du 1 % des scientifiques les plus en vue au monde.
Établie par Clarivate Analytics – auparavant Thomson Reuters –, cette distinction récompense les chercheurs les plus cités par leurs pairs sur une période de 11 ans, mais également ceux considérés comme ayant un « impact exceptionnel » dans leur secteur de recherche.
Le classement prime 3 300 scientifiques parmi une communauté de neuf millions partout dans le monde. « C’est une fierté, pour le Québec et Hydro-Québec, estime Karim Zaghib, mettant de l’avant son groupe de chercheurs « exceptionnel », car ce palmarès implique tous les scientifiques provenant de tous les domaines de recherche. »
Détenteur d’un doctorat en électrochimie de l’Institut polytechnique de Grenoble, le chercheur œuvre auprès d’Hydro-Québec depuis 22 ans. Il est aujourd’hui directeur général du Centre d’excellence en électrification des transports et stockage d’énergie.
Engagé depuis plus de 30 ans dans le développement des matériaux de batteries, M. Zaghib se souvient d’avoir eu le déclic pour ce champ de recherche lorsqu’il était étudiant bachelier et que, après avoir été coincé dans la circulation, il ressentait les symptômes de sa condition d’asthmatique même deux à trois jours plus tard.
« Je me suis dit ‘‘je ne peux pas changer le monde seul, mais je veux changer le monde des transports’’, puis je me suis spécialisé dans le domaine des batteries en France, j’ai œuvré trois ans au Japon, pays très actif dans le développement des batteries, jusqu’à ce qu’Hydro-Québec qui cherchait quelqu’un pour travailler sur le lithium-ion me recrute. »
Du solide au liquide
Quant à la plus importante avancée dans l’utilisation des batteries, Karim Zaghib évoque la sécurité et la longévité accrues de la batterie, qui peut maintenant supporter de 20 000 à 30 000 cycles de décharge-recharge. Dans la dernière année, c’est cependant la matière de l’électrolyte passée de l’état liquide à solide, qui représente le plus grand développement dans le secteur, selon lui.
En janvier, une licence d’exploitation de cette technologie créée par Hydro-Québec a été octroyée à Dongshi Kingpower, une entreprise chinoise de haute technologie, qui pourra produire avec ce brevet des batteries destinées au marché automobile. « La signature de ce contrat permettra de promouvoir l’électrification des transports tout en profitant de la croissance rapide de ce secteur en Chine », avait mentionné Karim Zaghib dans le communiqué à ce propos.
Le grand défi de 2018 pour M. Zaghib sera de consolider cette avancée technologique en vue de commercialiser la batterie solide, en accordant des licences d’utilisation à des entreprises comme Dongshi Kingpower. « On veut ainsi créer des emplois et s’ouvrir sur le monde avec cette technologie », résume-t-il.
Recharger le véhicule électrique au solaire
Dans la dernière année, l’un des papiers scientifiques de M. Zaghib qui a fait grand bruit auprès de ses collègues s’intitule Light-assisted delithiation of lithium iron phosphate nanocrystals towards photo-rechargeable lithium ion batteries (Délithiation assistée par la lumière de nanocristaux de lithium et de phosphate de fer vers des batteries lithium-ion photo-rechargeables), paru en 2017 dans la revue Nature communications.
Dans cet article, l’équipe de Karim Zaghib a été la première au monde à démontrer qu’une voiture électrique pouvait se charger seule avec l’énergie solaire produite par une cellule photovoltaïque sur le capot de l’auto. « Son application pourrait changer le design de l’automobile et diminuer le temps de recharge du véhicule puisque la batterie pourra ainsi se recharger à 100 % par elle-même », évoque-t-il, notant au passage l’intérêt des constructeurs automobiles pour cette technologie. (Pour consulter cet article scientifique, cliquer ici.)
Selon son avis de scientifique, la voiture autonome devrait voir le jour d’ici cinq à dix ans.
En regard de l’énergie solaire, Karim Zaghib estime qu’Hydro-Québec est visionnaire de vouloir explorer cette voie pour la rentabiliser, avec le cout de moins en moins cher des panneaux solaires faits en Chine. « Le client [de la société d’État] va devenir participatif en fabriquant son électricité lui-même à partir du solaire, et Hydro-Québec aura un rôle à jouer parce qu’il a l’électricité la moins chère en Amérique du Nord. »
Esstalion prêt à la commercialisation
Quand on lui demande quelle découverte dans le domaine des matériaux pour batteries au lithium-ion et du stockage d’énergie a créé chez lui la plus grande surprise, il cite sans équivoque la technologie Esstalion, développée par son équipe en partenariat avec Sony, pour sa capacité de stockage de 1,2 à 1,4 MWh.
« Nous sommes en phase de commercialisation, poursuit-il. La technologie est arrivée à maturité, et elle fonctionne à basse température. Une nouvelle compagnie se construit avec des ingénieurs pour commercialiser cette technologie d’ici l’an prochain. »
Enfin, invité à commenter l’association entre Hydro-Québec et le Berkeley Lab pour étudier et développer la filière de l’électrification des transports et du stockage de l’énergie, le chercheur mentionne qu’il reste certains détails logistiques à finaliser avant le début des recherches. « Il faut encore trouver le bâtiment et mettre le laboratoire en fonction », rapporte-t-il.
Karim Zaghib a été la bougie d’allumage de ce protocole d’entente pour la création d’un centre de recherche conjoint entre le Québec et San Francisco, dévoilant que le département américain de l’Énergie finance depuis 23 ans ses travaux de recherche.
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