
Alors que les employeurs reçoivent souvent des sentences « bonbon » en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST), la condamnation d’un entrepreneur qui a failli à sa tâche de protéger l’un de ses travailleurs a secoué le secteur de la construction, le 1er mars. L’entrepreneur Sylvain Fournier a en effet été reconnu coupable d’homicide involontaire pour avoir causé la mort de son employé, Gilles Lévesque, sur un chantier de construction à Lachine en 2012.
Ce jugement peut être qualifié d’historique puisque c’est la première fois au Québec qu’un entrepreneur écope d’un tel verdict de culpabilité pour ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité physique d’un travailleur, entorse à l’article 51 de la LSST. Le magazine Électricité Plus publiait justement dans sa dernière édition un article au sujet des sentences minimes et peu médiatisées au Québec, en cas d’infractions contraires à la Loi sur la santé et la sécurité du travail, comparativement à l’Ontario qui serre davantage la vis aux entrepreneurs délinquants.
(Pour retrouver ce texte d’Électricité Plus, cliquer ici)
« C’est un message clair qui est envoyé à tous les employeurs au Canada. Ne pas assurer la sécurité des employés peut entraîner une peine d’emprisonnement », a indiqué à La Presse la procureure de la Couronne, Sarah Laporte. Le son de cloche de la part des intervenants ayant gravité autour du dossier est unanime, cette décision du tribunal envoie un « signal fort » à tous les entrepreneurs.
Dans La Presse, Yves Ouellet, directeur général de la FTQ-Construction, a dit : « C’est extrêmement important ce qui vient d’arriver. J’espère que ça va changer des choses. Ça fait des années que toute l’industrie de la construction dénonce le fait qu’on a encore 25 % des décès reliés au travail sur 5-6 % de la main-d’œuvre ». (Pour lire l’article, cliquer ici)
Les faits
L’accident mortel a fauché la vie de Gilles Lévesque, le 3 avril 2012, lorsqu’il est descendu dans une tranchée pour effectuer des travaux de remplacement de conduits d’égout et d’aqueduc. La tranchée n’avait alors pas été sécurisée par un étançonnement tel que l’exige la Loi. Ainsi, la paroi sud s’est effondrée et le gravier a complètement enseveli le travailleur et, partiellement, son employeur Sylvain Fournier, qui se trouvait lui aussi au fond de la tranchée, à environ deux mètres de M. Lévesque.
Dans son plaidoyer, M. Fournier a tenté de convaincre le juge que M. Lévesque était responsable de sa mort, puisqu’il avait un comportement « imprévisible », version à laquelle le juge n’a pas cru.
Dans son rapport d’enquête à la suite de cet accident, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) avait identifié deux causes à l’accident qui a entraîné le décès de Gilles Lévesque :
- l’inclinaison abrupte et la surcharge créée par la mise en place de déblais directement au sommet de la paroi sud de la tranchée a provoqué la rupture et l’effondrement de celle-ci.
- La gestion de la sécurité lors des travaux d’excavation a été déficiente quant à la présence de travailleurs au fond de la tranchée alors que les parois étaient libres d’étançonnement.
Le Code de sécurité pour les travaux de construction prévoit pourtant, à l’article 3.15.3 que « l’employeur doit s’assurer que les parois d’une excavation ou d’une tranchée soient étançonnés solidement ».
Les plaidoiries sur sentence se dérouleront en mai. On saura alors la sanction dont écopera l’entrepreneur, qui dispose également de 30 jours pour porter la cause en appel (jusqu’au 31 mars 2018).
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