Que l’employeur mette à la disposition de l’employé une Yaris, une Leaf ou un Hummer, marque délaissée par General Motors depuis près de 10 ans, il n’y a pas de distinction au plan fiscal, si l’employé l’utilise à des fins personnelles. Sylvain Fontenelle, comptable professionnel agréé (CPA), illustre ainsi le fait qu’un employé se fait attribuer un avantage fiscal de 26ȼ/km, un montant « arbitraire » peu importe le type de véhicule.
« Présentement, il n’y a pas davantage fiscal pour un employé d’utiliser un véhicule électrique fourni par l’employeur à des fins personnelles, ni en regard du droit d’usage, ni des frais de fonctionnement (essence, entretien, immatriculations). Si l’employé l’utilise à des fins personnelles, il est pénalisé », explique sans détour le directeur principal, Fiscalité, au cabinet Demers Beaulne.
Électricité Plus a réalisé une entrevue auprès de M. Fontenelle pour obtenir plus d’information au sujet de cette incohérence de la loi, à la suite d’un article de La Presse qui relevait la disparité des avantages fiscaux entre l’employeur et l’employé. (Pour retrouver cet article, cliquer ici)
À l’égard du droit d’usage, si l’employé l’utilise à des fins personnelles à 50 %, l’avantage imposable à l’achat est calculé à 24 % du cout original du véhicule, alors que s’il utilise à moins de 50 %, cet avantage est réduit progressivement. « Par contre, précise-t-il, l’employeur qui a acheté le véhicule a droit à une dépense nette à la subvention gouvernementale de Roulez électrique – atteignant jusqu’à 8 000 $ – amortie sur la période de détention du véhicule, et c’est là où il y a un « bogue » fiscal, l’employé est imposé sur le cout brut du véhicule, sans la subvention accordée à l’employeur. »
À ses clients qui mettent à la disposition d’employés un véhicule de fonction, M. Fontenelle suggère de ne pas attribuer de véhicule à un employé et de le stationner, en dehors des heures de travail, sur les lieux d’emploi. « L’employeur paie les frais d’utilisation, qui ne sont pas imposés », ajoute-t-il. Selon le fiscaliste, la loi fiscale avantage nettement les gros véhicules haut de gamme, de par les formules mathématiques utilisées pour calculer les avantages imposables.
Loi vétuste
Selon Sylvain Fontenelle, la loi fiscale est vétuste depuis 1981, également parce qu’elle favorise la location de véhicules pour l’employeur, qui est ainsi imposé aux deux tiers des frais de location – car il finance la portion utilisée de l’achat du véhicule et non la valeur de rachat au terme de la location. « Cette loi a été instaurée à une époque où les taux d’intérêts étaient encore plus élevés à la location, commente-t-il. Les autorités fiscales sont au courant de cette disproportion entre employeurs et employés. »
De fait, interpellé face à cette disparité de traitement, une porte-parole de Revenu Québec, Geneviève Laurier, a indiqué que la situation était présentement analysée. « Les dispositions législatives québécoises et fédérales sont harmonisées en matière de calcul de la valeur des avantages dont bénéficie un employé lorsque son employeur met à sa disposition une automobile, et ne font effectivement pas la différence entre une automobile à essence et une automobile hybride ou électrique », dévoile-t-elle. Plus avare de commentaires, le palier fédéral a convenu que « la Loi de l’impôt sur le revenu ne prévoit pas de règle spécifique concernant les véhicules électriques » avant de rediriger les questions d’Électricité Plus sur les modifications législatives vers le ministère des Finances du Canada.
« La déduction pour amortissement permise est calculée selon le coût en capital des biens. Si un contribuable a reçu une aide d’un gouvernement, la Loi édicte que le coût en capital du bien doit être réduit du montant d’aide que le contribuable a reçue. Dans la détermination d’un avantage imposable d’un employé, la Loi tient compte du coût de l’automobile. Aucune disposition ne vient réduire ce coût du montant des subventions qu’un employeur a reçues », a résumé Julie Pronovost, porte-parole régionale de l’Agence de Revenu du Canada.
Moins cher pour le travail autonome, mais…
Dans le cas d’un travail autonome, l’imposition coute un peu moins cher, car l’employé réclame un remboursement de kilométrage à l’employeur – un montant qui doit être « raisonnable » s’il veut être non imposable, poursuit M. Fontenelle. À ce chapitre aussi, il sera plus avantageux d’avoir un gros véhicule consommateur d’essence, qui pourra réclamer beaucoup plus qu’un petit véhicule économe ou entièrement électrique.
« Par exemple, le détenteur d’un Hummer pourra réclamer 1 $ du kilomètre tandis que celui qui détient un véhicule électrique pourra demander 25 ȼ du kilomètre. Pour l’employeur, la seule contrainte est de payer une allocation de 55ȼ/km pour les 5 000 premiers et 49ȼ/km pour les excédentaires. » Dans sa pratique, Sylvain Fontenelle constate que le véhicule électrique mis à la disposition d’un employé reste une pratique marginale. « Mais de plus en plus, il va y avoir des voitures électriques, et il serait logique de faire une mise à jour de la Loi. Les formules de calcul de l’avantage imposé ne sont plus adéquates », conclut-il.
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