
Karim Zaghib, chercheur à l’Institut de recherche d’Hydro-Québec (IREQ) et directeur du Centre d’excellence en électrification des transports et en stockage d’énergie, a soulevé qu’il fallait continuer à améliorer la densité énergétique des batteries jusqu’à atteindre une autonomie de 1 000 km sur une seule charge afin de diminuer l’anxiété des automobilistes hésitants à adopter le véhicule électrique, lors d’un panel au Sommet Movin’On, le 31 mai.
À l’occasion de la conférence Lumière sur les énergies alternatives suivie d’un panel, le scientifique qui se consacre au développement des matériaux de batteries a insisté sur le fait que la performance des batteries est la clé pour la transition vers l’électrification des transports, tout comme la chaîne de distribution. Il estime qu’il faudrait doubler la densité d’énergie des batteries, ce qui prendra encore environ cinq ans, faire en sorte que leur cout diminue et investir dans la recharge rapide.
Flanqué de deux fabricants automobiles, Peter Tropschuh, directeur du développement durable chez Audi, et Denis Le Vot, vice-président sénior chez Nissan, Karim Zaghib a mis l’accent sur la pollution générée par les moteurs à combustion – selon lui le plus important enjeu dans le secteur du transport. « J’ai aimé me retrouver entre ces deux personnes qui ont une vision sur 20 ans, a-t-il confié en entrevue avec Électricité Plus, au terme du panel. J’ai saisi l’occasion de sensibiliser l’auditoire à la pollution, car je fais de l’asthme et ça me préoccupe. »
Interrogé sur la meilleure stratégie pour mettre à contribution les professionnels de l’électricité et tout le secteur de la filière électrique, M. Zaghib affirme qu’il incombe au gouvernement de mettre au monde des programmes précis avec une échéance et des budgets dédiés. « Les programmes doivent être encadrés et ciblés sur des jalons avec Hydro-Québec, le gouvernement et les start-ups, plaide-t-il, tout en misant sur la qualité de nos universités, nos centres de formation et nos chaires de recherche. Il ne faut pas travailler en silo, mais ensemble, et mettre en place des ateliers d’échange pour l’avancement des technologies. »
La concurrence
M. Zaghib a invoqué que l’industrie automobile se trouve en pleine mutation puisque les automobilistes n’ont plus besoin d’une voiture à quatre places. « Des concurrents comme Tesla bousculent les modèles d’affaires établis. Il y a maintenant beaucoup de PME majoritairement dans le secteur des batteries et des logiciels intelligents, alors que la majorité des grands fabricants automobiles investissent dans la mécanique. Il faudra changer les modèles d’affaires pour investir dans les aspects plus scientifiques. »
Se disant au fait de ce que veulent les consommateurs, le chercheur rapporte que la subvention Roulez électrique du gouvernement qui offre jusqu’à 8 000 $ pour l’achat d’une voiture électrique est une mesure appréciée, comme le fait que cette technologie est sans bruit. « Maintenant, nous devons travailler sur l’autonomie », réitère-t-il.
Chaîne de production et recyclage de batteries
Défenseur d’une chaîne de production québécoise alimentée par les mines d’ici recelant une grande richesse en matière de ressources naturelles, Karim Zaghib estime qu’il serait peu couteux d’exploiter ces matériaux avec une chaîne de développement locale. Le chercheur rappelle qu’Hydro-Québec vient de signer une entente avec Nouveau Monde Graphite pour la recherche et le développement de cette ressource utilisée dans la fabrication des batteries au lithium-ion, capable de remplacer – et même surpasser – le silicium.
En effet, le graphène conduit mieux l’électricité, en plus d’être plus mince et de ne pas chauffer. « On veut créer des procédés respectant l’environnement, évoque M. Zaghib. Dans cette mine de graphite, nous pourrons enlever les impuretés de ce matériau avec de l’électricité. » Au-delà de l’enjeu de la production, il se dit autrement plus préoccupé par le recyclage des batteries auxquelles il faut absolument donner une deuxième vie, que ce soit pour en fabriquer d’autres ou, si leur capacité le permet, les utiliser au stockage d’électricité dans les maisons.
Des discussions sont en cours pour installer une usine de recyclage de ces batteries au Québec, a laissé entendre Jonathan Côté, porte-parole pour Hydro-Québec. « On doit être responsables de nos déchets, de l’étape de la fabrication à celle du recyclage, résume M. Zaghib. Même si ce n’est pas lucratif, il faut faire attention à recycler nos matériaux. Si jamais il y avait un incendie qui se déclarait dans un chantier de batteries, les gaz toxiques qui s’en dégageraient seraient mortels! »
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