
Quelque 3 000 panneaux solaires, dont 550 kW installés sur des traqueurs solaires et 300 kW installés sur le toit de bâtiments du campus: le plus grand parc solaire dédié à la recherche appliquée au Canada prend forme à l’Université de Sherbrooke, juste derrière l’Institut interdisciplinaire d’innovation technologique (3IT). Vincent Aimez, professeur en génie électrique et vice-recteur à la valorisation et aux partenariats, a guidé Électricité Plus lors d’une visite des installations.
D’une puissance de 1 MW, soit 15 % – en période de pointe – des besoins énergétiques du campus principal, le parc solaire était sur le point d’être raccordé au réseau électrique d’Hydro-Sherbrooke, lors du reportage. La production d’électricité devrait commencer au printemps. Dans sa phase I, le parc alimentera deux centrales solaires thermiques intelligentes tandis que dans sa phase II, prévue pour la fin 2019, il transformera les pertes de chaleur en électricité afin de produire de l’énergie même durant la nuit, 24 heures sur 24.
Le projet Énergie solaire Technologies renouvelables Innovation énergétique (ESTRIE) a été estimé à 5 M$, montant financé à 75 % par les deux paliers de gouvernement, provincial et fédéral. Bien que le parc solaire prévoie injecter 1 MW d’énergie dans le réseau électrique d’Hydro-Sherbrooke, les travaux de recherche visent à récupérer l’énergie solaire produite pour tester les technologies de stockage de l’énergie.
« Ce sera l’Eldorado des étudiants en génie électrique, prédit avec humour Vincent Aimez, surtout pour tester le stockage de l’énergie. » Le parc solaire, très proche de la réalité des réseaux isolés et des microréseaux connectés, servira ainsi aux étudiants et professeurs, qui pourront étudier les différentes configurations : stockage de l’énergie, envoi sur le réseau ainsi que le mode batterie pour augmenter l’efficacité et réduire les perturbations sur le réseau.
« On peut très bien imaginer un partenariat avec Hydro-Québec pour valider les types de revenus que pourraient générer à l’exportation l’énergie solaire », poursuit M. Aimez. L’enjeu principal est le stockage de l’énergie solaire, qui pourrait éventuellement servir à la mobilité propre avec notre centre de mise à l’échelle qui mène des travaux sur les biocarburants. » Le Centre, stratégiquement situé à un jet de pierre du parc solaire, aura des panneaux solaires installés sur son toit, tout comme le centre sportif de l’Université.
Applications et expertises
En discussion avec différents partenaires industriels, l’UdeS souhaite notamment tester des unités de production des hydrocarburants et d’hydrogène.
« Plusieurs idées circulent, et des joueurs nous sollicitent déjà, indique M. Aimez. Il y a de nombreuses configurations possibles, par exemple nous pourrions injecter l’énergie du réseau pour recharger une batterie, sinon il y a de l’intérêt pour d’autres types de stockage, par exemple via l’utilisation de réservoirs d’air comprimé possiblement couplé à du solaire thermique ou encore des roues à inertie. Une capacité de 1 MW, c’est énorme pour des projets de recherche. »
Autre application potentielle, l’énergie produite par le parc solaire pourrait éventuellement intéresser les entreprises spécialisées en chaines de bloc, dont les mines de cryptomonnaies, qui cherchent présentement à s’approvisionner en énergie au Québec. Ces entreprises de stockage et transmission d’informations servant à la sécurité des documents et des transactions pourraient être séduites par l’énergie solaire ici produite pouvant être stockée et réutilisée ultérieurement.
Quatre technologies testées
L’une des technologies testées au parc solaire est le panneau solaire traqueur à deux axes, appelé Photovoltaïque concentré (CPV), une technologie ultraperformante développée par l’entreprise québécoise Stace, qui conçoit et fabrique des modules et systèmes solaires pour de grands producteurs d’énergie partout dans le monde. « Ce panneau solaire offre 40 % d’efficacité de conversion en électricité, explique M. Aimez. Le projet permettra ainsi de comparer la performance relative des panneaux avec traqueurs qui suivent le soleil à des panneaux solaires plus classiques, en silicium. »
Les autres technologies mises à l’épreuve sont le panneau biface, le panneau monocristallin ainsi que le polycristallin. Les panneaux à double face, une technologie en émergence, récolteront des données sur la lumière réfléchie à l’arrière du panneau. Les panneaux solaires instrumentés génèreront une foule de données concernant la température, le courant et la tension électrique ainsi que leur rendement énergétique.
Côté performance, l’Université de Sherbrooke explorera divers scénarios avec ses panneaux solaires, le réseau de ville de 25 kV, le microréseau de 15 kV au campus principal et les traqueurs connectés derrière le 3IT, sur le réseau de 550 kV. Une autre variable à explorer sera la réflectivité du sol : on installera sous les panneaux différentes natures de sol, de la pelouse à certains endroits et des cailloux clairs à d’autres, ce qui permettra d’évaluer la performance de ces panneaux en comparaison avec ceux installés sur les toits blancs plutôt que gris ou de couleur plus sombre.
Par ailleurs, des discussions ont également été entamées avec Nergica, centre de recherche appliquée en énergies renouvelables, pour évaluer l’impact de la neige et des températures hivernales sur les panneaux solaires. « Notre partenariat permettrait d’améliorer nos données de gestion énergétique tandis que notre expertise se situe surtout sur les cellules photovoltaïques. »
Solaire thermique à l’étude
Autant l’énergie solaire photovoltaïque profite d’une grande vitrine, autant l’énergie solaire thermique s’avère souvent une grande oubliée. Or, le parc solaire de l’Université de Sherbrooke entend mettre cette technologie à l’épreuve en complicité avec l’entreprise sherbrookoise Rackam, qui développera une centrale solaire thermique automatisée sur le toit du Service des immeubles, au campus principal.
Deux centrales thermiques se relaieront pour envoyer de la chaleur à la bouilloire centrale de l’université afin d’économiser plus de 6 800 m³ de gaz naturel par année et expérimenter des technologies de stockage de l’énergie thermique en dehors des heures d’ensoleillement. Ce projet sera intégré au programme de Validation d’Innovation Technologique à l’Essai (VITE) de Sherbrooke Innopole pour optimiser les outils de contrôle et de gestion à distance, alors que l’Internet des objets prend de plus en plus de place.
« Nous aurons des systèmes de stockage à haute et à basse température qui viendront appuyer les procédés industriels pour former un hybride d’énergie solaire et de gaz naturel », expose Vincent Aimez. La chaleur thermique permettra également de chauffer l’eau des chaudières à la vapeur du campus principal.
Une nouvelle ère s’amorce à l’Université de Sherbrooke en matière d’expérimentation de l’énergie solaire et de ses multiples applications. Un dossier qui sera à suivre, tant en termes de partenariats avec les entreprises, de développements et d’exportation à l’international que de découvertes scientifiques dans le secteur des énergies renouvelables.
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