Les microréseaux existent depuis des années. On les trouve dans les communautés isolées du nord du Québec et aux Îles-de-la-Madeleine, où les lignes de transport d’électricité d’Hydro-Québec ne se rendent pas, mais également dans des hôpitaux, où ils prennent la relève en cas de panne électrique. La nouveauté vient du fait que les microréseaux intègrent de plus en plus les énergies renouvelables qui jouissent d’une meilleure acceptabilité sociale et sont de plus en plus abordables. Zoom sur ce phénomène en émergence.
Bien qu’Hydro-Québec défende le faible cout de l’hydroélectricité, la société d’État explore avec intérêt d’autres avenues énergétiques, comme les panneaux solaires et leur intégration dans un microréseau. Elle prépare d’ailleurs un parc solaire d’une capacité de production de 10 MW pour tester la fiabilité de la production d’énergie solaire sur deux sites, l’un à La Prairie et l’autre à Varennes, d’ici la fin de 2019, ainsi qu’un microréseau à Lac-Mégantic.
Aux Îles-de-la-Madeleine, où l’installation de deux éoliennes a été approuvée, Hydro-Québec examine la faisabilité de relier l’archipel par un câble sous-marin de 220 km pour alimenter en électricité les Madelinots – un concept intégré à un microréseau.
« Le microréseau est une solution technologique qui se trouve au cœur de la transition énergétique et de la stratégie québécoise entourant la politique énergétique », glisse Frédéric Côté, directeur général de Nergica, un centre de recherche appliquée en matière d’intégration des énergies renouvelables (solaire et éolien) qui exploite un site de recherche sur le microréseau multisources à Rivière-au-Renard, en Gaspésie. Il intègre une centrale thermique, des sources d’énergies renouvelables et des technologies de stockage.
Selon M. Côté, le contexte est favorable à l’éclosion des microréseaux en raison de la technologie des panneaux solaires de plus en plus accessible et performante, des enjeux de diminution des gaz à effet de serre et du mouvement en faveur d’une diminution de l’utilisation des combustibles fossiles, appuyé par plusieurs incitatifs gouvernementaux. Ceci, en considérant que le modèle énergétique converge vers le consom’acteur, ce citoyen autoproducteur qui consomme et produit de l’énergie.
Lac-Mégantic 2020
Initialement prévu pour la fin de 2019, le projet de vitrine technologique de microréseau à Lac-Mégantic, installé dans le cadre de la reconstruction du centre-ville après la tragédie ferroviaire de 2013, devrait voir le jour à l’automne 2020. Depuis son annonce, il y a un an, le projet a évolué en passant de 1000 à 3000 panneaux solaires au potentiel de génération de 700 kW, dont la majorité s’élèvera sur le toit du centre sportif, un peu en retrait, mais tout près du centre-ville que le microréseau alimentera. Il sera doté d’une batterie de stockage de 300 kWh à près de 1000 kWh.
Il s’agit en fait de la batterie développée par Technologies Esstalion, une coentreprise née d’une entente entre l’Institut de recherche d’Hydro-Québec et Sony. Depuis que Sony a vendu sa division de batteries à la japonaise Murata, en 2016, la société d’État a poursuivi seule le développement de cette batterie avec sa filiale Stockage d’énergie Hydro-Québec.
Ce microréseau, un projet d’investissement de 9 M$, prévoit desservir une trentaine de bâtiments, dont trois maisons unifamiliales et 18 copropriétés. Le reste est constitué de commerces ou d’institutions.
« Au départ, nous avions prévu les panneaux solaires au sol, mais après l’analyse de bâtiments, nous avons saisi l’opportunité d’en intégrer plus, soit environ 2000, sur le toit du centre sportif raccordé au réseau de distribution », explique Patrick Martineau, ingénieur à la direction Intégration des nouvelles technologies chez Hydro-Québec, affecté au projet à Lac-Mégantic. Les 1000 autres panneaux seront installés sur le toit des bâtiments du centre-ville et devant la gare patrimoniale, qui aura des abris multifonctionnels.
Un microréseau autonome
Même relié au réseau principal d’Hydro-Québec, le microréseau pourra fonctionner de manière autonome, notamment en été lorsque la demande d’énergie est peu élevée ou en cas de panne du réseau principal, selon le principe d’îlotage. Le microréseau fonctionnera de pair avec des bâtiments intelligents opérés par un système de contrôle. Il intègre des panneaux solaires, un système de stockage d’énergie et des bornes de recharge pour voiture électrique, dont deux nouvelles installées au stationnement de la gare patrimoniale.
L’installation de bornes bidirectionnelles avec le réseau a été considérée, mais l’idée a été mise au rancart pour l’instant.
Un appel d’offres circule afin de recueillir, d’ici le 30 mai, les soumissions pour la fourniture et l’installation du microréseau de Lac-Mégantic. La durée du contrat, qui doit osciller entre 3 et 5 M$, est prévue sur une période de trois à cinq ans. (Pour retrouver l’appel d’offres sur SEAO.)
Pas de prolifération des microréseaux
Malgré son projet de Lac-Mégantic, Hydro-Québec n’entrevoit pas que de tels groupes électrogènes se multiplient au Québec. « L’énergie hydroélectrique est trop peu chère face au cout du solaire qui est plus élevé. Les microréseaux ne sont pas prêts à se multiplier, mais peut-être que d’autres villes ou petites communautés seront intéressées », estime Vincent-Michel Duval, chargé d’équipe à Hydro-Québec.
Les données recueillies dans le microréseau de Lac-Mégantic pourraient toutefois accélérer la transition énergétique des 22 réseaux électriques autonomes qui alimentent des communautés isolées à l’aide d’une centrale thermique au diésel. Seul celui du village de Quaqtaq dispose d’une source d’énergie renouvelable grâce aux 80 panneaux solaires photovoltaïques installés à la fin 2017 pour tester leur efficacité en climat nordique.
En intégrant les énergies renouvelables au microréseau, Hydro-Québec souhaite éventuellement faire des économies – les 22 réseaux autonomes qui alimentent 35 000 personnes lui coutent quelque 200 M$ par année – et réduire le recours aux énergies fossiles.
Convaincu par la perspective prochaine de la parité entre l’énergie hydroélectrique et le solaire, Frédéric Côté croit que le projet de microréseau à Lac-Mégantic aura des retombées tangibles.
« Hydro-Québec développe une expertise. Elle teste un nouveau produit qui, en même temps, offre une mise en valeur à Lac-Mégantic, qui se positionne comme un milieu innovant, à l’avant-garde. Je pense que nous allons voir cette technologie mise à contribution plutôt que de continuer le développement et l’entretien à long terme des grandes infrastructures de transport d’électricité. »
Pour poursuivre la lecture de notre dossier et en savoir plus sur l’implication de Nergica dans le projet, consulter les articles Le microréseau : par et pour une communauté locale et Comment ça fonctionne un microréseau?.
Laisser un commentaire