
Le Québec est la seule province canadienne où l’amiante chrysolite n’est pas considérée comme une matière dangereuse. La puissance des lobbys pourrait expliquer la situation.
Dans un dossier matraque publié en septembre 2018 par l’organisme Righton Canada (L’amiante et le Québec: la trahison continue), Kathleen Ruff écrit: «Il semble que le gouvernement québécois refuse de changer la norme d’exposition parce que cela rendrait impossible les projets d’utilisation des résidus d’amiante.»
Les auteurs du dossier blâment le gouvernement du Québec, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) ainsi que les lobbys pro-amiante comme le Mouvement PROchrysotile québécois et l’Association internationale de la chrysolite qui nient les dangers de l’amiante et sont très actifs sur le territoire.
Le registre des lobbyistes du Québec inclut le Groupe des douze associés, des gens d’affaires de la région de Thetford Mines qui œuvrent en construction et camionnage, entre autres. Leur mission: exercer des pressions (sur les pouvoirs politiques) afin que les futurs règlements sur l’amiante chrysolite soient mieux adaptés à la situation régionale. Un des représentants de ce groupe siège dans ce but au comité régional de la CNESST, une explication probable à l’hésitation de la CNESST et du gouvernement à procéder à la révision du Règlement sur la santé et sécurité au travail.
Le gouvernement du Québec et le Mouvement PROchrysotile ont fait des pressions sur le gouvernement fédéral pour qu’il exclue les déchets. Pour l’instant, ils sont tranquilles, puisque le règlement fédéral ne s’applique pas aux 800 millions de tonnes de résidus provenant des mines à Thetford Mines et à Asbestos, comme l’indique l’Institut nationale de santé publique du Québec (INSPQ) pour qui le scandale de l’amiante est toujours d’actualité.
Or, des analyses récentes révèlent que ces résidus contiennent jusqu’à 25 % de fibres d’amiante chrysolite. L’INSPQ a déclaré que les dangers de ces résidus sont accentués par la faiblesse de la législation québécoise.
De plus, de nombreux projets privés visant à recycler les résidus miniers d’amiante en magnésium sont en marche au Québec, avec l’accord et le financement public.
Quatre gros joueurs
Alliance Magnésium
Le dossier de Righton Canada rapporte qu’en 2018 le gouvernement du Québec a prêté 17,5 millions $ à la compagnie Alliance Magnésium (AMI, basée à Brossard) et accepté de devenir actionnaire pour 13,4 millions $ dans un projet d’extraction de magnésium à partir des montagnes de résidus d’amiante après qu’AMI ait racheté l’ancienne usine de Magnola à Danville.
Ce total de 30 millions $ couvre le tiers du financement et transforme les Québécois en copropriétaires du projet. Le gouvernement fédéral a injecté 15 millions $ dans le projet.
Alliance Magnésium vend son magnésium métallique et d’autres minéraux sur les marchés de l’automobile et de l’aéronautique. Elle vise une production annuelle de 50 000 tonnes métriques en 2022 et la création de plus de 300 emplois.
OxyNobel Chemicals
Selon Radio-Canada, OxyNobel Chemicals «embauche depuis 2016 un lobbyiste doté d’un mandat de plus de 100 000 $ par année pour tenter d’obtenir du financement d’Investissement Québec pour une usine d’exploitation des résidus de chrysolite qui serait construite à Richmond.»
KSM
KSM, aussi basée à Thetford Mines, a obtenu en 2017 une subvention de 125 000 $ de Québec pour un projet de production d’engrais à partir des résidus d’amiante. La firme Dundee technologies durables qui a développé le procédé d’extraction avait inscrit en 2014 trois lobbyistes au registre du gouvernement québécois.
Mag One Operations
Un autre joueur important est l’homme d’affaires au passé trouble Nelson Skalbania. Son entreprise Mag One Operations a reçu 495 000 $ de Québec en 2016 pour transformer en magnésium les résidus d’amiante d’Asbestos, cela contre l’avis de la santé publique, ces résidus contenant entre 20 et 25 % d’amiante.
Gillian Holcroft a récemment remplacé Skalbania à la tête de Mag One. Elle a œuvré à l’usine Magnola qui visait le même type de production avant sa fermeture en 2003, malgré 248 millions $ d’investissement public.
Lire la suite de notre dossier: La CNESST accusée de se trainer les pieds dans le dossier de l’amiante et Omerta sur une hécatombe et une révision règlementaire.
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