
Lorsqu’elle a accepté de prendre la tête d’Hydro-Québec, Sophie Brochu pressentait qu’elle allait devoir gérer une entreprise affectée par des pertes de dizaines de millions de dollars en raison d’une pandémie mondiale. Malgré tout, elle n’a pas hésité. Prête à relever le défi qui se présentait.
« Avec la chute de l’économie mondiale qui pointait le bout de son nez et voyant le poste qui s’ouvrait chez Hydro-Québec, j’ai tout simplement levé la main en disant au conseil d’administration de la société d’État: “ si vous avez besoin de moi, je suis disponible ” », a-t-elle raconté lors d’une entrevue au Réseau de l’information.
C’est donc dans un contexte un peu chaotique de confinement, alors que la plupart des employés sont en télétravail, que Sophie Brochu entre en fonction. La nouvelle patronne ne perd pas de temps et remanie son équipe. Elle nomme d’abord deux femmes à la haute direction, Claudine Bouchard et Johanne Duhaime, pour en faire une équipe paritaire. Elle va ensuite chercher deux anciens collègues d’Énergir: Martin Imbleau, qui sera responsable du développement des affaires, et Pierre Fortin, qui s’occupera de la gestion intégrée des risques. Sophie Brochu se penche ensuite sur son plan d’action pour la société d’État.
Le confinement a cependant ses avantages. « Les circonstances ont créé entre les gens une grande proximité. La webconférence nous permet d’entrer en contact directement avec 10, 15, 200 personnes, dans un cadre assez intime où la posture mentale des gens en est une d’essentielle. On n’a pas le temps pour l’accessoire. On a besoin d’authenticité, d’avoir des propos simples et de l’écoute. Pour moi, ça a été un cadre stimulant pour recevoir l’authenticité, et leur donner de la mienne », explique-t-elle.
25 ans dans le domaine de l’énergie
Originaire de la Rive-Sud de Québec, Sophie Brochu baigne depuis longtemps dans le monde des affaires. Son grand-père a longtemps tenu un magasin général, devenu Les Salaisons Brochu, toujours en activité à Saint-Henri-de-Lévis. Après un bref parcours d’un an au Conservatoire d’art dramatique de Québec, elle obtient un diplôme en sciences économiques à l’Université Laval. C’est là, au contact du professeur Antoine Ayoub, qu’elle se découvre une passion pour la filière énergétique, un enjeu majeur pour la planète.
Sophie Brochu passera dix ans à la Société québécoise d’initiatives pétrolières (SOQUIP), la société d’État qui rêvait de trouver du pétrole au Québec. Elle est ensuite embauchée chez Gaz Métro, devenu Énergir, où elle deviendra pdg en 2007.
La nomination de Sophie Brochu à la tête d’Hydro-Québec, le 2 avril, n’est pas une surprise dans le milieu de l’énergie. Depuis son départ d’Énergir, à la fin de 2019, on la voyait occuper plusieurs postes prestigieux. Elle avait même décliné la direction d’Hydro-Québec une première fois, après le départ de Thierry Vandal, en 2015.
Fin des ambitions internationales
À son arrivée en fonction, Sophie Brochu avait l’ambition de se tourner vers l’étranger pour vendre l’énergie et le savoir-faire en matière de stockage de la société d’État. Un mois plus tard, elle met plutôt un frein aux ambitions internationales d’Hydro pour consacrer ses efforts à la relance économique. « Avant la pandémie nous avions l’intention de faire des investissements dans plusieurs pays à travers le monde. Mais je pose une différence entre l’étranger et l’Amérique du Nord, étant donné que ce sont nos voisins et que c’était entendu dans la planification stratégique de la compagnie », explique Sophie Brochu.
Parmi les projets qui sont sur la table avec nos voisins du sud, il y a l’interconnexion entre le Québec et la ville de New York et la ligne de transport vers le Maine. Le premier prévoit la construction d’une ligne souterraine de 58 km au Québec, entre le poste Hertel et la frontière américaine, où elle rejoindrait le projet de lien connu sous le nom de Champlain Hudson Power Express (CHPE). Quant au projet avec le Maine, il a fait l’objet d’une consultation en ligne auprès des Québécois et sera soumis à un référendum à l’automne au Maine.
La fin des activités internationales ne fait pas l’unanimité. Jean-Benoît Nadeau, auteur du livre Branchée : Hydro-Québec et le futur de l’électricité, mentionne que le pire ennemi de la société d’État est son manque de constance dans ce dossier. « Il y a là-dedans une bonne et une mauvaise nouvelle. La mauvaise, c’est évidemment qu’elle tourne le dos à une avenue de croissance importante. La bonne nouvelle est qu’elle va sans doute orienter ses efforts dans l’approfondissement du marché local, à commencer par l’électrification des transports. »
« Il y a tellement de papiers d’opinion et d’entrevues. Je refuse de commenter ceux que je n’ai pas lu », souligne Sophie Brochu. Elle soutient toutefois que le positionnement d’Hydro-Québec en matière d’électrification des transports est clair. « D’abord, on va toujours inciter nos consommateurs à consommer moins et à consommer mieux, parce que c’est de loin la meilleure énergie. » De son côté, Martin Imbleau devra trouver la meilleure façon d’utiliser des surplus d’électricité qui plombent la rentabilité de la société d’État.
Développer le transport électrique
Parmi les autres projets sur la table, les projets d’économie verte ont une importance capitale. L’avancement du transport électrique en est un exemple. « Que ce soit en transport en commun ou pour la voiture individuelle, nous allons pousser plus loin dans cette direction. On va continuer à se pencher sur des projets de batteries ou de moteurs de véhicules électriques », explique Sophie Brochu.
Hydro-Québec veut aussi développer sa filiale Hilo, créée en octobre 2019, pour inciter les gens à réduire leur empreinte environnementale. La nouvelle entité développera des solutions d’énergie intelligente pour les entreprises et les résidences individuelles.
La fin des barrages?
Est-ce que ces efforts pour diminuer la consommation d’énergie sonne la fin des grands barrages? « Comme je l’avais mentionné lors de mon passage à Tout le monde en parle, en avril, on n’emmure pas la porte, mais elle est fermée pour un bon bout. C’est encore cette réponse que je soutiens aujourd’hui », conclut celle qui cumule plus de 30 ans d’expérience dans le milieu de l’énergie.
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