Helen Smart, une enseignante retraitée, conduisait tranquillement son véhicule électrique quand elle s’est mise à ressentir des picotements dans le genou qui remontaient vers ses extrémités lorsque le temps passé au volant s’allongeait. L’auteur-compositeur-interprète Christian-Marc Gendron, lui, a commencé à ressentir de fortes palpitations cardiaques alors qu’il relaxait dans sa maison dotée de plusieurs appareils électriques et électromagnétiques. Voyant que leurs symptômes s’intensifiaient avec la durée d’exposition, tous deux ont soupçonné une électrosensibilité. Un mal peu connu qu’ils ont eu de la difficulté à faire reconnaitre par un médecin.
Officiellement reconnue par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2005, l’électrosensibilité, ou plus précisément l’hypersensibilité électromagnétique, se caractérise par des symptômes peu spécifiques : rougeurs, picotements et sensations de brûlures, fatigue, lassitude, difficultés de concentration, étourdissements, nausées, palpitations cardiaques et troubles digestifs, non expliqués par un examen clinique.
« Le tiers des personnes affectées par cette maladie le sont par les basses fréquences, comme celles qui viennent des réseaux électriques, et les deux tiers restants sont davantage affectées par les hautes fréquences, soit les micro-ondes, le wi-fi et les cellulaires », explique le Dr Paul Héroux, physicien et directeur du programme de santé au travail du Département d’épidémiologie biostatistique et santé au travail à l’Université McGill.
Un mal peu reconnu
La santé publique provinciale a reconnu les symptômes rapportés par les électrosensibles comme étant réels en 2016. Malgré tout, les personnes se disant hypersensibles aux radiofréquences – elles seraient entre 2 % et 15 % de la population selon les études analysées par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) – doivent souvent se battre pour que leur mal soit identifié par leur médecin. C’est que l’électrosensibilité n’est pas reconnue comme une pathologie et que le ministère de la Santé et des Services sociaux tarde à appliquer des recommandations en ce sens.
D’ailleurs, même le rapport de l’INSPQ de 2016 arrive à la conclusion qu’il n’y a pas de lien à faire entre les symptômes qui sont rapportés par les gens qui se disent hypersensibles et l’exposition aux champs électromagnétiques. Il existe tout de même une cause aux problèmes de santé de ces personnes et leurs symptômes doivent être traités, estiment les auteurs du document.
« Vivre en tant qu’électrosensible peut parfois se ressentir comme une bouteille d’eau. À chaque fois que tu rencontres un objet sensible, elle se remplit, allant parfois jusqu’à déborder, explique Christian-Marc Gendron. Dans une journée normale, si je prends la voiture pour me rendre à Montréal, il y a des antennes cellulaires, du wi-fi partout, tout le monde a des cellulaires, ma bouteille d’eau se remplit, se remplit. Mais à la maison, où j’ai fait les ajustements nécessaires, ma bouteille se vide. Mon internet est câblé, mon cellulaire est toujours en mode avion, j’ai fait changer mon compteur d’Hydro-Québec, où les employés ont été très compréhensifs face à la situation. Ma maison est un sanctuaire. »
La solution par le contrôle?
Pour le Dr Héroux, il n’y a aucun doute : les ondes sont un risque évident pour le cerveau. « Non seulement les études sont nombreuses, mais également très anciennes », soutient-t-il. Pour minimiser les risques, il estime que les systèmes doivent impérativement être altérés, que ce soient les systèmes électriques ou les réseaux de télécommunications. « Avec le déni actuel, on se retrouve dans la même situation qu’en 1900, alors qu’on croyait que la pollution de l’air n’était pas importante », poursuit-t-il.
Pour Helen Smart, tout est une question d’équilibre. « Notre milieu de vie est de plus en plus électrifié et j’en ne vois pas le besoin, malgré qu’on vive rapidement et qu’on veuille tout avoir rapidement. Je pense qu’à quelque part il va falloir doser et trouver une balance là-dedans. »
Dans son Évaluation des effets sur la santé des champs électromagnétiques dans le domaine des radiofréquences, l’INSPQ demandait notamment au ministère de la Santé et des Services sociaux d’assurer la prise en charge des gens qui se disent hypersensibles aux radiofréquences. Voici les mesures proposées :
- Poursuivre la veille scientifique sur les effets possibles des radiofréquences, notamment sur l’utilisation du téléphone cellulaire à long terme.
- Favoriser le maintien d’une expertise dans ce domaine au Québec et le développement d’un réseau d’échange avec d’autres experts sur le sujet.
- Mettre en place des outils d’information, qui permettraient à la population d’avoir accès aux données scientifiques les plus récentes sur le lien entre l’exposition aux radiofréquences et leurs effets sur la santé des populations.
- Proposer des mesures pour venir en aide aux personnes rapportant des symptômes qu’elles attribuent aux radiofréquences.
- Collaborer à des projets de recherche, qui permettraient de faciliter la mise en œuvre des autres mesures proposées.
Laisser un commentaire