
À quelques jours de son entrée officielle à la bourse de New York, le président-fondateur de Lion Électrique a parlé en long et en large de l’entreprise qui fera de lui et de son associé de longue date, Camil Chartrand, des multimillionnaires. Plusieurs autres québécois profiteront de cette manne générée par les succès de plus de 13 ans de dur labeur, des gens qui ont cru en cette entreprise et qui y ont investi leurs deniers.
Autobus Scolaires Chartrand a été le premier transporteur à utiliser les autobus scolaires électriques de Lion au début de 2015; Électricité Plus en avait parlé dans un article qu’on peut consulter en cliquant ici. Autobus Lion avait mis moins d’un an à développer et produire son premier prototype d’autobus scolaire électrique après l’obtention d’une subvention du gouvernement Marois accordée justement dans le but de développer ce type de véhicule électrique.
De comptable à entrepreneur
Comptable agréé, Marc Bédard a toujours su qu’il œuvrerait dans le domaine manufacturier. Pour lui, le secteur manufacturier est la base d’une saine économie qui progresse. Ayant été associé principal chez Price Waterhouse Cooper, il a eu là une vue d’ensemble lui permettant un choix des plus éclairés des industries parmi lesquelles faire son choix. La question qu’il s’est posée fut déterminante : comment puis-je faire du bien à la planète, en particulier aux enfants?
Sa longue expérience dans le domaine des autobus scolaires lui a surtout indiqué que sa propension à l’innovation était bienvenue. Ses dix années à titre de membre du conseil d’administration du manufacturier d’autobus scolaires de Saint-Lin dans les Laurentides, Les Entreprises Michel Corbeil inc., lui ont fourni d’excellentes pistes. Après la vente des Entreprises Michel Corbeil inc. à une société américaine qui a transféré la production au Kansas, Marc Bédard a décidé que c’était le bon moment pour se lancer dans ce domaine, ayant déjà en tête certaines innovations qui allaient devenir des atouts indéniables.
Innovations, vous dites? Marc Bédard a décidé que Lion tracerait la ligne. Dès le départ, il a choisi que la carrosserie de ses autobus serait en matériel composite plutôt qu’en métal, réduisant le poids des véhicules, tout en éliminant la rouille qui était alors l’un des très grands problèmes des transporteurs scolaires. Autre épine aux pieds des transporteurs scolaires? Les ceintures de sécurité. Celles-ci réduisaient à deux le nombre d’enfants assis par banquette, alors que la rentabilité des entreprises exigeait qu’il y en ait trois. Les autobus Lion ont donc été construits 15 cm plus larges et les attachements repensés, permettant l’utilisation de ceintures de sécurité à trois enfants par banquette. Évidemment, l’ajout de ceintures de sécurité signifiait également un prix plus élevé pour ces autobus, donc ce ne sont pas tous les transporteurs qui ont adopté cet élément de sécurité pour les enfants. En voyant un autobus Lion sur les routes, on constate que les enfants ont un élément de sécurité de plus que s’ils voyageaient dans d’autres autobus scolaires.
L’état actuel de Lion Électrique
L’entreprise compte actuellement 500 employé.e.s et pourrait en compter jusqu’à 1000 dans les mêmes locaux, à raison de deux quarts de travail, cinq jours par semaine. Marc Bédard a adopté la philosophie que pour avoir une entreprise florissante, elle doit compter sur des employés heureux d’y travailler. À ses yeux, le travail de nuit et de fin de semaine n’obtiennent pas l’approbation des travailleurs, donc pas question pour lui d’emprunter cette voie qui, en fait, permettrait un usage plus productif des lieux et des équipements. L’humain d’abord, dit-il, et le plaisir des travailleurs d’oeuvrer dans un cadre agréable assure une meilleure qualité des produits et, par conséquent, une meilleure rentabilité pour l’entreprise. Puisque Lion Électrique prévoit construire 650 véhicules en 2021, mieux vaut compter sur un personnel heureux. Ce nombre de véhicules électriques est deux fois plus que le nombre de véhicules produits entre 2014 et aujourd’hui!
Parmi les 500 employé.e.s, 150 sont des ingénieur.e.s, travaillant soit au siège social à Saint-Jérôme ou au bureau de Montréal, situé à l’angle du Boulevard Saint-Laurent et de la rue Rachel. Pandémie oblige, ce personnel affecté à la conception des produits est actif en télétravail, se présentant au bureau quelques jours par semaine seulement. Innovation, disions-nous? Ceci expliquant cela, plusieurs entreprises dans le monde ont annoncé qu’elles produiraient des véhicules lourds électriques, mais Lion les a tous dépassés au fil d’arrivée.
Pourquoi avoir choisi Saint-Jérôme alors que Marc Bédard est originaire de Montréal et que son complice Camil Chartrand est de Laval? L’intéressant bassin de main-d’œuvre d’abord et avant tout, avec en prime la proximité des fournisseurs. Et Marc Bédard affiche un large sourire puis ses yeux brillent instantanément lorsqu’il parle de la qualité de vie des Laurentides. Autre facteur qui permet d’embaucher des gens heureux d’y travailler et d’y vivre, sans avoir à voyager quelques heures par jour par se rendre au travail. Cinq minutes de transport entre le travail et la maison, ça vous dit quelque chose…?
D’autre part, Lion Électrique loge dans les anciens locaux du manufacturier d’équipements de sport Bauer, à Saint-Jérôme. Est-il utile de rappeler que Bauer appartient à une filiale du groupe Power Corporation, elle-même étant l’actionnaire principal de Lion Électrique, avec 44,2 % des actions, position qui sera réduite à 31,4 % après la fusion avec Northern Genesis Acquisition. L’ensemble des québécois et québécoises possède indirectement une partie de la compagnie jérômienne, via la Caisse de dépôt et placement du Québec ainsi qu’Investissement Québec qui sont des actionnaires de XPND Capital, cette dernière détenant 14 % du capital-actions de Lion Électrique. Et Amazon? Le géant américain a une option ferme d’acquisition de 20 % des actions de Lion, proportion qui sera réduite à 13 % après la fusion avec Northern Genesis. Cette participation est conditionnelle à l’achat de milliers de camions électriques Lion.
Lion Électrique aux États-Unis
Des autobus scolaires électriques de Lion sillonnent déjà les routes de plusieurs États américains et une douzaine négocient présentement l’acquisition de véhicules écologiques. Sans compter qu’on calcule que le marché des camions lourds à usage urbain et semi-urbain, de classe 8, représente quelque 250 à 300 000 nouvelles unités par année. Quant aux autobus scolaires, le marché est tout aussi important. Ces chiffres expliquent pourquoi Lion prévoit construire une usine aux États-Unis.
De quoi aura l’air cette usine? Premièrement, on prévoit que sa capacité maximale de production sera de l’ordre de 20 000 véhicules par année. L’automatisation et la chaine de production avancée en feront une usine à la fine pointe, permettant logiquement d’atteindre les objectifs.
Les précommandes sont au rendez-vous et l’entente d’intention de la part d’Amazon constituent la pierre angulaire du projet. L’annonce de la ville choisie pour accueillir cette usine est prévue pour la fin du trimestre du printemps, c’est-à-dire avant le très important Fourth of July, aussi appelé Independence Day, fête nationale des États-Unis.
Les différents États américains rivalisent d’imagination pour attirer les industries, sachant que les salaires qui y sont offerts aux employé.e.s sont de beaucoup supérieurs à leur salaire minimum de 7,25 $ l’heure! Intéressant pour une entreprise de se laisser courtiser. L’accueil des plus sympathiques que le célèbre Jim Cramer lui a réservé à l’émission Mad Money en janvier a d’ailleurs démontré à quel point Lion Électrique est bienvenue au sud de notre frontière.
Fabrication vs assemblage
Lion Électrique s’est développé tout un réseau de fournisseurs. Marc Bédard croit mordicus à l’écosystème québécois en la matière. Faire produire les composants par des sous-contractants exige moins d’investissements et surtout permet de s’assurer d’avoir le meilleur en tout. Chacun de ses fournisseurs doit être le meilleur de son domaine, tout en demandant un prix raisonnable pour ses produits. Ceci lui permet surtout de concentrer tous ses efforts à développer l’expertise de la main-d’œuvre en assemblage. Le réseau de fournisseur de composants de Lion comprend entre 150 et 200 entreprises québécoises, autant d’entreprises canadiennes hors québec, et un certain nombre aux États-Unis et à l’international. L’entreprise a l’embarras du choix plutôt que le problème de la formation et de la supervision. Tout est concentré.
Les véhicules produits par Lion Électrique
Le choix des autobus scolaires comme produit principal est vite devenu un « cheval gagnant ». Les problèmes de changements climatiques et l’engouement des autorités un peu partout à travers la planète pour l’environnement s’avèrent une véritable autoroute vers le succès.
Lion compte déjà plus de 300 autobus scolaires électriques sur les routes ayant parcouru plus de dix millions de kilomètres, et les commandes ne cessent d’affluer. En Californie, par exemple, près d’une centaine de ses autobus sont en usage. Mais tout récemment elle a obtenu une commande pour ses autobus scolaires 100 % électriques auprès du district scolaire unifié de Los Angeles (LAUSD). Cette commande initiale de 10 autobus scolaires LionC, qui fait suite à la récente livraison par Lion de tels autobus au district scolaire unifié de Twin Rivers à Sacramento, renforce encore le leadership de Lion dans les autobus scolaires zéro émission en Californie et en Amérique du Nord.
LAUSD est le deuxième plus grand district scolaire des États-Unis, desservant plus de 600 000 élèves de la maternelle à la douzième année dans plus de 1000 écoles. Les limites du district s’étendent sur 1865 kilomètres carrés et comprennent la ville de Los Angeles ainsi que tout, ou une partie, de 31 municipalités et plusieurs régions non constituées en municipalités du sud de la Californie. La commande est en fait une sorte de test des autobus de Lion, question de confirmer ce que d’autres regroupements scolaires de Californie ont pu constater. Petite différence avec les autobus scolaires du Québec : la température, la force du soleil en Californie est beaucoup plus grande donc les autobus construits pour l’état du Pacifique ont un toit blanc.
Il a fallu peu de temps pour que le succès remporté par les autobus scolaires électriques déclenche le gout de développer d’autres véhicules électriques parcourant peu de kilométrage. Une analyse de marché a vite révélé que 80 % des camions lourds parcourent moins de 250 km par jour et arrêtent fréquemment. L’idée était lancée et le marché des camions lourds l’adopte rapidement; la commande de 50 camions de classe 8 par le Canadien National en aout dernier, en plus d’une cinquantaine d’autres commandes placées par différentes entreprises, confirment la volonté des acheteurs d’éliminer les carburants fossiles. Électricité Plus a aussi produit un article lors de l’annonce de cette importante commande, article qu’on peut consulter en cliquant ici.
Mais pourquoi avoir choisi de produire des véhicules lourds plutôt que des camionnettes et des véhicules électriques? C’est une niche que Lion a choisi de développer. On oublie la concurrence avec les grands fabricants automobiles et on se concentre à répondre aux besoins très spécifiques des camions à courts trajets. Le Canadien National a besoin de tracteurs remorques, mais d’autres secteurs ont aussi besoin de véhicules qui durent longtemps sans parcourir des millions de kilomètres, tel que les camions nacelles, les camions de collecte des ordures, etc. On pourrait même un jour ajouter les camions de pompiers. L’autonomie de ces camions peut atteindre 400 km s’ils ont le nombre de batteries adéquat. Un camion de collecte des ordures peut facilement couvrir une route de 1200 portes; ses fréquents arrêts permettent au camion de récupérer de l’énergie lors de chaque freinage. Questions monétaires, un autobus scolaire électrique vaut le prix d’environ sept véhicules électriques et un camion de classe 8 environ dix.
Là où Lion Électrique marque davantage de points, c’est lorsqu’elle travaille avec des fabricants de spécialités, comme par exemple les fabricants de nacelles. Lion n’essaie pas de tout prendre, elle laisse beaucoup de place à ses partenaires, et c’est justement ce qui fait de cet écosystème des alliés plutôt que des concurrents. Mais attention, Lion tient à ce que tout soit électrique. Une commande pour un camion hybride ou encore avec des composants hydrauliques est refusée; sur ce point, pas de concession, Lion tient, ici aussi, à faire du bien à la planète.
Et les batteries dans tout ça?
Lion a choisi d’acquérir des composants de différents fournisseurs et les assemble selon les spécifications de ses ingénieur.e.s. De cette manière les clients n’auront pas à se faire dire : « nous ne sommes pas responsable, le fabricant de batteries est xyz »; Lion se veut responsable de tous ses produits et veut régler elle-même les problèmes lorsqu’ils surviendront. Quant à son usine de batteries qu’elle doit construire et pour laquelle la ville de Saint-Jérôme lui « prête » un terrain à long terme, avec option d’achat, la décision n’est pas finale et la ville où elle sera construite sera elle aussi annoncée avant l’arrivée de l’été. Différentes négociations sont en cours et il y a fort à parier que les possibles subventions gouvernementales auront aussi une importante influence dans la décision finale.
Des emplois payants, comme le gouvernement provincial les aime! Dans l’industrie du camion, on peut soupçonner qu’un emploi en usine en génère au moins cinq autres connexes. De très nombreux petits fabricants de composants se voient ainsi assurer un chiffre d’affaires intéressant.
Marc Bédard met-il les mains à la pâte? Jusqu’aux coudes! Il est à l’usine chaque jour, les employé.e.s sont habitué.e.s de le voir venir s’informer, les saluer, les encourager. L’usine, il la connait par cœur. Sur la photo en introduction, on reconnait son grand sourire habituel, pendant que le jeune technicien Pascal Alarie s’affaire à assembler les connexions qui permettront au camion de fonctionner. Marc Bédard est tellement enthousiaste face à tous ces développements de Lion Électrique qu’il pourrait marcher sur les eaux!
NDLR: Électricité Plus a des intérêts financiers dans Northern Genesis Acquisitions avec qui Lion Électrique fusionnera, lui permettant l’entrée à la bourse de New York sous le symbole boursier LEV.
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