Coup de massue en plein front pour la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) de la part du Vérificateur général du Québec, même si ce n’est que le coin du voile qui a été soulevé. Le rapport du Vérificateur général remis à l’Assemblée nationale mentionne :
Selon la Loi sur le bâtiment, une licence de la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) devrait être gage de qualité et de confiance pour le public. Cette licence devrait faire foi de la compétence, de la probité et de la solvabilité de l’entrepreneur. Toutefois, 1) la RBQ ne prend pas tous les moyens appropriés pour qu’il en soit ainsi. En effet, sa stratégie pour s’assurer de la compétence des entrepreneurs est insuffisante. De plus, 2) la RBQ n’intervient pas toujours au moment opportun auprès des entrepreneurs qui ne respectent pas les conditions pour obtenir et conserver une licence. En outre, 3) les mesures de compensation financière qu’elle a mises en place et l’information qu’elle publie dans le Registre des détenteurs de licence ne protègent pas non plus adéquatement les consommateurs. 4) Quant à son mode de tarification, il ne lui permet pas d’arrimer ses revenus à ses dépenses pour chacune de ses clientèles, comme l’exige la Politique de financement des services publics.
Le Vérificateur général a formulé des recommandations pour chacun de ces quatre éléments.
Accéder au rapport complet du Vérificateur général du Québec
Portrait de la Régie du bâtiment du Québec
Pour remplir son mandat, la RBQ réalise notamment les activités suivantes :
■ elle adopte, par règlement, des normes de construction, de sécurité, de qualification professionnelle et de garanties financières ;
■ elle délivre des licences conférant des droits d’exercice aux entrepreneurs en construction et aux constructeurs-propriétaires ;
■ elle surveille l’application de la Loi sur le bâtiment et des normes, au moyen de vérifications, d’inspections et d’enquêtes, en appliquant les recours prévus par la loi lors de manquements.
Au 31 mars 2020, la RBQ employait 514 employés. Ses dépenses ont atteint 62,7 millions de dollars en 2019-2020, et elle a généré un excédent de 16,4 millions de dollars. Son excédent cumulé a atteint 157,8 millions de dollars à la fin de cette année financière.
Le rapport de la vérificatrice générale, Madame Guylaine Leclerc, mentionne qu’en trois ans la RBQ a inspecté les chantiers de seulement 7 % des 20 449 entrepreneurs généraux et de 12 % des 12 899 entrepreneurs spécialisés (les entrepreneurs en électricité et les constructeurs-propriétaires en électricité comptent pour environ 3 800 entrepreneurs spécialisés).
ndlr : Le rapport de Madame Leclerc ne mentionne cependant pas ce qu’il est advenu des 157,8 millions de dollars encaissés en excédent des dépenses réelles de la RBQ.
La CMEQ réagit
La Corporation des maîtres électriciens du Québec (CMEQ) est plus que satisfaite du rapport de la vérificatrice générale du Québec (VGQ) qui confirme ce que la CMEQ dénonce depuis plusieurs années : les consommateurs payent pour l’inspection des travaux d’électricité que la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) ne fait pas. La qualité des travaux de construction et la protection du public ne peuvent être assurées que par un processus d’inspection des travaux d’électricité efficace et efficient.
23 M$ perçus pour une dépense de moins de 4,1 M$
En 2019-2020, c’est 23 millions de dollars qui ont été versés en cotisations par les entrepreneurs électriciens à la RBQ pour l’inspection des travaux d’électricité, alors que l’analyse de la VGQ révèle que moins de 4,1 millions de dollars ont été dépensés pour l’ensemble des activités liées à l’électricité, dont les inspections. Comme le mentionne la vérificatrice générale, « (…) les entrepreneurs en électricité ont financé près de six fois les dépenses liées aux activités qui les concernent » : une inéquation qui augmente année après année.
En effet, le nombre notoirement insuffisant d’inspections des travaux de nature électrique continue de diminuer, même dans un contexte d’augmentation des travaux de construction. Une situation préoccupante pour la sécurité des Québécois, d’autant que selon la Sécurité publique, 35 % des incendies sont déclarés d’origine électrique.
La CMEQ est d’avis que la situation peut être corrigée et offre sa pleine collaboration au gouvernement : « Le rapport de la VGQ mentionne que seulement 12 % des 12 899 entrepreneurs spécialisés ont été inspectés entre le 1er avril 2017 et le 31 mars 2020 (ndlr : ce qui est tout de même beaucoup plus que les 7% d’entrepreneurs généraux ayant subi une inspection). Nous pensons qu’il est possible de revoir le système d’inspection des travaux de nature électrique pour que tous les entrepreneurs soient inspectés » de dire Simon Bussière, directeur général de la CMEQ.
Bruits de corridors*
Lorsque la CMEQ parle, il arrive parfois qu’elle soit écoutée. Pour le commun des mortels, oublions ça, leur parole ne compte souvent d’aucune façon. La publication du rapport de Madame Leclerc a délié de nombreuses langues. Voici donc quelques commentaires recueillis depuis cette publication :
Synchronicité :
La RBQ est vraiment chanceuse; le rapport est sorti le jour de la démission du ministre Pierre Fitzgibbon, nouvelle qui a monopolisé l’attention du public, permettant au rapport de Madame Leclerc de presque passer sous le radar.
Inspections :
Pas tellement surprenant que si peu de travaux électriques soient vérifiés : à l’époque du BEE – le Bureau des examinateurs en électricité – (avant que la gestion de la règlementation en électricité soit confiée à la RBQ) a compté jusqu’à 325 examinateurs au Québec alors que la population était de six millions de personnes. Aujourd’hui, la RBQ compte une poignée d’inspecteurs, moins de 50, et de nombreuses personnes en électricité disent que la compétence n’est pas au rendez-vous là non plus, surtout que ces fonctionnaires inspectent l’ensemble des domaines de la construction et non pas seulement l’électricité, touchant davantage la sécurité que les installations.
Les langues sales racontent que le BEE a été démantelé parce qu’il y avait trop d’enveloppes brunes dans les panneaux de distribution des lieux à examiner. Peut-être. Ça aurait peut-être été mieux accepté si les enveloppes avaient été blanches…
Responsabiliser les utilisateurs :
Là aussi les soupçons se promènent de personne à personne. Pour réduire les budgets, les gouvernements, particulièrement depuis 1985, favorisent et valorisent la responsabilisation des citoyens. Bien sûr! Qui de mieux qu’un loup pour garder la bergerie… Les entrepreneurs devraient demander des inspections?
Si tu veux des informations, cherche :
Électricité Plus réfère régulièrement des professionnel.le.s de l’électricité à la RBQ via son site internet pour obtenir des interprétations de règlementation, des éclaircissements sur le code, car ils doutent sérieusement des réponses obtenues de la part d’inspecteurs.
Formations sur le Code de construction du Québec, Chapitre V – Électricité :
Par le passé, la RBQ déléguait ses inspecteurs/inspectrices pour animer les rencontres de professionnels de l’électricité sur les changements au code lors de la publication d’une nouvelle édition organisées par divers organismes. Encore là, les bruits de corridors disent que la RBQ ne fait pas confiance à ses inspecteurs et inspectrices pour répondre correctement aux questions qui leur seraient posées. D’autres croient plutôt qu’il s’agit de restrictions budgétaires. Que fait-on des 19 millions $ de surplus dégagés l’année dernière par les contributions des entrepreneurs en électricité, sans compter les frais déboursés par les constructeurs-propriétaires en électricité?
Curieux rapports :
Un inspecteur nous a raconté qu’un confrère avait été suspendu pendant deux semaines; pourquoi? Selon son rapport à la RBQ, son inspection avait été réalisée à une certaine date, à une certaine heure. Or, vérification faite, cet inspecteur dévalait les pentes d’un centre de ski à ce même moment. Le rapport était tout à fait en faveur de l’entrepreneur inspecté. Curieux.
Ne pas faire de vagues et rester tranquille :
Les sonneurs d’alerte ne sont pas tous identifiés publiquement… l’un d’eux a raconté à Électricité Plus que le modus operandi de la RBQ est de ne pas faire de vagues et de ne pas déranger certains représentants syndicaux qui pourraient crier fort si on demandait aux fonctionnaires de vraiment travailler leurs huit heures par jour.
La grande compétence du PDG Michel Beaudoin
Probablement que le commentaire de corridor le plus désagréable concerne le PDG Michel Beaudoin, qui fut nommé vice-président de la RBQ en 2005 alors que personne n’attendait son arrivée, même s’il y agissait à titre de VP aux relations avec la clientèle et opérations ainsi que membre du conseil d’administration. Encore moins attendu le jour où le PDG Daniel Gilbert a été expulsé de la présidence en milieu de mandat, sans raison connue, même s’il était considéré comme un excellent PDG, reconnu pour ses talents de conciliateur et quelqu’un qui savait régler les vrais problèmes. Sans concours de candidature, Michel Beaudoin fut nommé président en 2009, sans que sa nomination soit annoncée, selon ce que rapportent certaines personnes de l’organisation interne. Cependant, on notera qu’il fut, entre autres, candidat libéral dans le comté de Vanier lors de l’élection partielle de 2004. L’ex-premier ministre Jean Charest a dit de Michel Beaudoin, dans une entrevue de Sylvain Lévesque dans le Journal de Québec du 14 avril 2018 : Je me souviens de celui qui parlait de lui à la troisième personne. Michel Beaudoin a été nommé PDG de la RBQ pour la deuxième fois quelques jours avant Noël 2017, avec entrée en fonction le 22 janvier 2018, un peu plus de huit mois avant les élections générales qui ont porté le gouvernement Legault au pouvoir.
À noter que M. Michel Beaudoin bénéficie d’une solide formation universitaire et de formations additionnelles. Son éloquente feuille de route professionnelle remonte à 1984, alors qu’il était adjoint au ministre progressiste-conservateur de la Consommation et des Corporations Canada, Michel Côté, jusqu’en 1986. Il a travaillé successivement à la fonction publique fédérale et comme attaché politique pendant une dizaine d’années. Il a également été vice-président adjoint pour le Groupe-conseil Roche Ltée de 1998 à 2004 (aujourd’hui Norda Stelo). Ce parcours lui permet de bien comprendre les rouages gouvernementaux, en plus de lui fournir un carnet d’adresses bien rempli.
Commentaires de la RBQ
« La Régie du bâtiment du Québec (RBQ) accueille favorablement les recommandations du Vérificateur général du Québec (VGQ). « La RBQ apprécie le regard externe du VGQ sur ses pratiques, qui lui confirme qu’elle est sur la bonne voie avec les projets majeurs qu’elle a entrepris, lesquels permettront, à terme, de répondre aux constats du rapport.
« La RBQ mise sur la collaboration de ses partenaires gouvernementaux pour lutter contre les pratiques frauduleuses dans le domaine de la construction en agissant directement à la porte d’entrée de l’industrie, lors de la délivrance de la licence.
« Depuis 2018, la RBQ a repris des travaux pour réformer et réviser sa tarification afin qu’elle soit simplifiée et en adéquation avec les services que la RBQ rend dans les différents domaines d’activité, le tout basé sur le cout de revient.
Conclusion-opinion
On aurait pu croire qu’il y aurait eu une révision complète de la RBQ lors de la commission Charbonneau, mais il n’en fut rien. Le moment est peut-être venu de venir en aide à la direction après presque 30 ans d’existence de la RBQ. Rien de plus normal que réviser les structures et le mode d’opération d’un organisme gouvernemental, même s’il n’est pas budgétaire. Elle finance ses dépenses à même des sources de revenus autonomes. Toutefois, elle demeure assujettie à la Loi sur la fonction publique et au cadre de gestion budgétaire gouvernemental.
Son énoncé de mission dit :
Dans un objectif de protection du public, la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) contribue à la qualité et à la sécurité des bâtiments et des installations. Elle voit également à la qualification des entrepreneurs de construction et des constructeurs-propriétaires, de même qu’elle veille à leur probité. Elle mentionne que ses valeurs sont : compétence, respect, impartialité, qualité des services, intégrité et loyauté.
Selon le rapport du Vérificateur général du Québec, la RBQ a failli sur toute la ligne à sa mission, donc on doit la réviser en profondeur ou la démanteler. Si Hercule et Astérix ont chacun eu leurs 12 travaux, il semble que le gouvernement actuel soit en voie d’en accumuler autant que ces deux légendes. Pour le bien du peuple de la Nation Québécoise, l’analyse, et peut-être la refonte, de la RBQ devient inévitable. La haute direction de la RBQ pose-t-elle les gestes nécessaires à l’accomplissement de son mandat? Peut-être a-t-elle besoin de cette intervention du gouvernement pour éliminer les harmoniques sur ses fils conducteurs?
Rappelons que le Québec est la seule province canadienne ayant balayé sous le tapis les inspections systématiques des travaux de construction, à part l’Alberta qui confie ces inspections à des entreprises privées, qui elles-mêmes doivent être inspectées par des collègues. En ce qui concerne l’électricité, est-il nécessaire de rappeler qu’il s’agit d’un élément à risque?…
Chapeau à la CMEQ qui a osé mentionner dans son communiqué que : selon la Sécurité publique, 35 % des incendies sont déclarés d’origine électrique. Les lobbyistes des assureurs de dommages auraient certainement avantage à parler avec les autorités gouvernementales et même exiger une attestation d’inspection du système électrique d’un bâtiment avant de l’assurer.
De son côté, l’Association des consommateurs pour la qualité dans la construction (ACQC), tout en relayant les informations publiées par les médias, n’a pas commenté le dossier. L’ACQC est le seul organisme à but non lucratif qui se consacre entièrement à la défense et à la promotion des intérêts des consommateurs dans le milieu de la construction et de la rénovation résidentielle depuis 1994. Sa mission est de guider les consommateurs et promouvoir leurs intérêts dans les domaines de l’immobilier et de la construction résidentielle.
* Les bruits de corridor sont des informations, parfois vraies, parfois non vérifiées, qui circulent sur un sujet ou une personne en particulier. Ce sont souvent les bruits de corridor qui déclenchent des enquêtes importantes, comme lorsque Madame Marlène Cordato, actuelle maire de Boisbriand, a accordé de l’importance à ces bruits de corridor, que d’autres appellent des placotages; elle les a écoutés, puis a fait enregistrer une conversation impliquant M. Lino Zambito. C’est à partir de là que l’émission de Radio-Canada « Enquête » a alerté le public en 2009, ce qui a conduit à la mise sur pied, quelques années plus tard, de la célèbre Commission Charbonneau. Comme quoi les placotages, les bruits de corridor, sont habituellement basés sur des éléments de vérité.
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