L’Institut économique de Montréal (IDEM) a publié un communiqué de presse pour le moins vitriolique contre le projet d’investissement du gouvernement du Québec, un pavé dans la mare pour l’achat de 2 148 autobus urbains électriques, soit plus de 50% du parc existant. Alors que de nombreux décideurs sont réunis à Glasgow dans le cadre de la COP 26, le gouvernement du Québec a annoncé en grande pompe des dépenses de plus de 5 milliards de dollars d’ici 2030 pour l’acquisition d’autobus urbains électriques et l’adaptation/construction des garages devant les accueillir. Selon les calculs préliminaires de l’Institut économique de Montréal, cette mesure s’avérerait être l’une des plus dispendieuses et des moins efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) du Québec de dire Miguel Ouellette, directeur des opérations et économiste à l’IEDM, qui a souhaité réagir.
« Nous sommes tous d’accord pour dire que le Québec peut et doit agir afin d’atteindre ses cibles de réduction de ses émissions de GES [de 37,5% d’ici 2030]. Or, le gouvernement a l’obligation morale de réaliser ces réductions au cout le plus faible possible. Malheureusement, il fait tout le contraire », fait valoir M. Ouellette. « Sans même tenir compte des 2,6 milliards de dollars qui serviront à adapter les garages pour ces bus électriques, il en coutera plus de 1500 $ pour chaque tonne de GES qui ne sera pas émise grâce à cette dépense pharaonique de 2,4 milliards de dollars pour l’achat des [2 148] autobus électriques concernés. De plus, même si l’on suppose que l’argent économisé en n’achetant pas de nouveaux bus à essence est remis aux contribuables, le cout avoisine encore 500 $ par tonne évitée. Pendant ce temps, une tonne d’émissions se négocie à quelque 29 $ sur le marché du carbone. Quant à la taxe fédérale sur le carbone, elle se chiffre actuellement à 40 $, pour atteindre 170 $ en 2030 », ajoute l’économiste. Accéder au texte original du communiqué de presse de l’IDEM.
Ce projet est d’envergure telle que le gouvernement du Québec devra lancer un appel d’offres international, ce qui ne garantit pas que tous ces autobus soient construits au Québec. Bien sûr, l’appel d’offres comprendra des éléments qui favoriseront Novabus et La Compagnie électrique Lion et tout autre manufacturier d’autobus électriques qui s’installera au Québec d’ici le début du processus d’acquisition, soit d’ici six mois.
L’Institut économique de Montréal n’a toutefois pas pris en considération les économies en carburant et en entretien des véhicules dans ses calculs, pas plus que les retombées fiscales et économiques découlant de ces acquisitions. Rappelons que M. Stéphane Boisvert, PDG d’Autobus Groupe Séguin, déclarait récemment en entrevue que les économies sur l’entretien des véhicules avoisineraient fort probablement les 60%, ce qui représente 3-4 000$ par année par autobus. Quant au carburant, qui exporte les dollars québécois par milliards, l’économie sera non seulement importante, mais elle augmentera les revenus d’Hydro-Québec et des dix autres redistributeurs d’électricité. D’autre part, les autobus électriques achetés au Québec rapportent 9,975% en TVQ, soit plus 239 millions de dollars, en plus d’autres millions en provenance des fournisseurs liés à la construction de ces véhicules. Bref, avec ces retours d’argent, plus la fiscalité des entreprises et de ses employé.e.s, effaceront une grande partie de ce que l’IDEM considère comme étant une «dépense pharaonique ». Il est utile de rappeler ici que la contribution réelle du gouvernement québécois est prévue à 3,65 milliards de dollars, soit 73% du cout total du projet.
D’autres considérations devraient aussi entrer dans l’équation. Présentement, le Québec permet qu’un autobus scolaire soit utilisé pendant 12 ans; cependant, il est difficile, compte tenu de nos conditions routières et du déglacement de la chaussée, qu’un autobus scolaire roule pendant plus de 10 ans. Avec les carrosseries en fibre de verre des autobus Lion et les mécaniques de véhicules électriques qui ont une durée de vie prévue pour environ un million de kilomètres, il se peut fort bien que le gouvernement rallonge la période permise d’utilisation des autobus scolaires, ce qui amortirait plus doucement l’investissement des transporteurs. Quant aux batteries, la règlementation actuellement en discussion obligerait leur recyclage au bout de 10 ans. Quand on considère toute l’évolution de l’électromobilité au cours des 10 dernières années, il y a fort à parier que les fabricants auront développé des batteries ayant une durée de vie plus longue. Tout ceci pour dire qu’en considérant toutes les avancées technologiques, probablement que la R&D conduira à davantage d’économies dans un avenir assez prévisibles.
La réduction des GES et les économies sont au cœur des discussions. Cependant on doit aussi tenir compte des bénéfices collatéraux, comme la réduction de la pollution par le bruit des moteurs à essence et diesel, ainsi que la réduction du bruit à l’intérieur des autobus scolaires, c’est-à-dire que le véhicule produisant moins de bruit, les enfants parleront moins fort, au grand soulagement de leurs oreilles et de celles de la personne qui conduit le véhicule!
Réactions de l’ATUQ et de Propulsion Québec
Les membres de l’Association du transport urbain du Québec (ATUQ) sont déjà bien engagés dans le processus de transformation vers l’électrification de leur réseau d’autobus. À leurs yeux, l’agilité des programmes d’investissement annoncés demeure un défi pour permettre aux sociétés de transport en commun de respecter les échéanciers et d’aller au rythme des objectifs gouvernementaux. « Nos échanges en continu avec le gouvernement du Québec sont essentiels pour la suite des choses. Nous devons trouver le juste équilibre entre les directives ministérielles associées aux grands projets et acquisitions, la saine gestion des deniers publics et la souplesse qui favoriseraient l’accélération de ce très grand projet », de dire Marc-André Varin, directeur général de l’Association.
Pour sa part, Sarah Houde, présidente-directrice générale de Propulsion Québec, à mentionné : « cette annonce [du gouvernement] est un pas dans la bonne direction pour l’atteinte de la cible de réduction des émissions de GES d’ici 2030. Il faudra poursuivre ce travail pour électrifier tous les parcs de véhicules, y compris de types moyens et lourds. [Ce projet] se traduira par des appels d’offres, des contrats et des emplois au Québec pour les 10 prochaines années », conclut-elle.
À propos de l’Institut économique de Montréal
L’Institut économique de Montréal est un think tank sur les politiques publiques. Il offre sans frais ses services consultatifs aux décideurs politiques. La présidente du Conseil d’administration est Hélène Desmarais. Des membres de ce conseil d’administration sont des experts du marché des produits pétroliers, en particulier Jean Bernier et Jacques Drouin.
Laisser un commentaire