Depuis cinq ans, les consommateurs qui troquent l’énergie hydroélectrique pour l’énergie solaire profitent de couts de plus en plus abordables pour leurs installations solaires. Cependant, malgré la baisse de prix qui se poursuit ainsi que la baisse du seuil de rentabilité par rapport au prix local de l’électricité, il n’est toujours pas avantageux financièrement de se convertir à l’énergie solaire, ni aujourd’hui, ni dans un avenir rapproché ou dans un avenir à couts faibles, conclut l’Office national de l’énergie (ONÉ).
Le rapport titré Rentabilité de l’énergie solaire au Canada a voulu sonder la viabilité financière de projets d’énergie solaire dans plus de 20 000 collectivités au pays en estimant la quantité d’énergie produite par le soleil et son cout de production, en comparaison du prix local de l’électricité, tant dans les installations résidentielles, commerciales, communautaires qu’à des fins commerciales – soit des grandes centrales qui alimentent le réseau.
Dans chaque scénario au Québec, le réseau solaire résidentiel ne vaut pas la peine financièrement parlant. Seules les collectivités de l’Île-du-Prince-Édouard, de la Saskatchewan et de nombreux foyers de l’Ontario, à condition que leur résidence soit munie d’un compteur intelligent qui permet d’appliquer des tarifs selon l’heure de consommation, en profiteraient. À l’autre bout du spectre, au Québec et au Manitoba, où l’hydroélectricité abonde et s’achète à bas prix, les propriétaires ne feraient pas d’économies avec un réseau solaire, affirme l’ONÉ.
Énergie solaire Québec réagit
Ce rapport a fait bondir Patrick Goulet, directeur-bénévole de l’organisme à but non lucratif Énergie solaire Québec. « L’ONÉ est dans le champ, ils n’ont pas fait leurs devoirs, a-t-il réagi. Le rapport comporte plusieurs lacunes puisqu’il n’a pas tâté le pouls du marché et qu’il ne s’appuie pas sur de bonnes bases. » Foncièrement en désaccord avec cet outil, M. Goulet dit avoir un tout autre portrait de la situation où l’énergie solaire arrive presque à parité avec celle d’Hydro-Québec.
« Les résultats vont à l’opposé des chiffres que nous avons colligés auprès des installateurs », indique-t-il. Le bénévole d’Énergie solaire Québec réalise présentement un second tour de piste pour sonder ses sources afin de s’assurer de détenir les bons chiffres avant de répliquer à l’ONÉ, avec deux autres experts. « Nous avons fait l’exercice. Maintenant, nous voulons voir avec les clients le rendement réel – plutôt que de s’appuyer sur des statistiques théoriques – plusieurs années après l’installation. »
Patrick Goulet déplore qu’une fois de plus, des informations erronées nuisent au développement de l’industrie de l’énergie solaire. L’automne dernier, la mise en ligne d’un calculateur de rentabilité d’une installation solaire par Hydro-Québec avait également fait réagir M. Goulet. (Pour revoir cet article d’Électricité Plus, cliquer ici)
Alors qu’Hydro-Québec chiffrait l’installation résidentielle en moyenne à 2 $ du watt, l’ONÉ se base sur une installation au cout de 3,197 $ du watt et à 2,595 $ dans son scénario d’un proche avenir. Ce facteur avait d’ailleurs été dénoncé par le représentant d’Énergie solaire Québec, parce qu’il varie en fonction du nombre de panneaux solaires et de la superficie de l’installation.
Seuil de rentabilité de 223 %
Dans la première figure, le rapport Rentabilité de l’énergie solaire au Canada démontre que les réseaux solaires résidentiels au Québec ont un seuil de rentabilité moyen de 223 % en fonction d’un tarif fixe – 100 % étant le seuil à parité. Même dans le scénario d’un avenir à couts faibles en carbone et en fonction de tarifs selon l’heure de consommation, le seuil de rentabilité des réseaux solaires arrive à 136 % au Québec.
Dans la province québécoise, peu importe le scénario (tarif fixe ou selon l’heure de consommation), il sera toujours plus avantageux pour un particulier d’acheter de l’électricité d’un service public – soit Hydro-Québec – plutôt que d’autoproduire son énergie. Les quelque 600 consommateurs (nombre d’autoproducteurs en date de septembre) qui ont fait ce choix se sont-ils trompés?
Les réseaux commerciaux québécois, dans un avenir rapproché, pourraient toutefois tirer avantage de l’énergie solaire en étant facturés en fonction de l’heure de consommation. À ce moment-là, le seuil de rentabilité atteindrait 92 %, et même, 81 % dans un avenir à couts faibles. Dans tous les cas de figure concernant le tarif selon l’heure de consommation, les réseaux solaires communautaires – moins taxés, parce que sans but lucratif – sont plus avantageux.
Enfin, à peu près partout, sauf au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest, les réseaux solaires à des fins commerciales ne sont pas rentables, en raison des droits provinciaux, frais que les producteurs paient pour couvrir, par exemple, les couts de transport de l’électricité. Dans ces régions éloignées du Nord canadien, les consommateurs pourraient économiser, mais l’ONÉ suppose que le cout d’installation serait plus important, justement vu l’éloignement.
Sur la côte ouest, en Colombie-Britannique, et dans Terre-Neuve-et-Labrador, le potentiel solaire demeure encore plus faible qu’ailleurs en raison de l’ennuagement fréquent, qui laisse peu de place à l’ensoleillement.
(Pour consulter le rapport complet, cliquer ici.)