Comprendre ce qui a ralenti l’économie en 2013 et tenter de percevoir les signes d’améliorations pour 2014, voilà un bel exercice à faire en cette fin d’année. Cet article est le fruit de l’assemblage de plusieurs informations et d’entrevues avec des gens du milieu. L’année 2013 a été décevante pour de nombreuses entreprises de l’univers de l’électricité, en particulier les manufacturiers et les distributeurs de matériel électrique; certains parlent d’un ralentissement des affaires de quelques pourcents ( 3 – 5 – 6 % ), mais plusieurs parlent de 20 à 30% de perte de chiffre d’affaires. Y a-t-il lieu de paniquer? Jamais ! Les difficultés renforcent les forts et affaiblissement les faibles; à chacun de choisir son camp. Surtout de faire appel à l’imagination.
La logique veut que si les distributeurs vendent moins de matériel électrique, c’est que les entrepreneurs en électricité et les services internes d’électricité en installent moins. Sauf que les distributeurs et les manufacturiers l’admettent plus facilement. Il faut dire que, de mémoire humaine, on ne se souvient pas d’avoir connu une période au cours de laquelle tous les secteurs économiques fonctionnent au ralenti en même temps : l’industrie, la construction, les mines, les institutions et le secteur public, ont tous un pied sur le frein.
Des causes
Beaucoup de gens diront tout-de-go que la cause première est la Commission Charbonneau, que la construction du secteur public fonctionne très peu. De source très bien informée, on sait que la Ville de Montréal aura réalisé au 31 décembre à peine un peu plus de 50% des travaux qu’elle avait prévus à son plan triennal (voir l’article de La Presse du 2 aout dernier De gros retards dans les travaux d’infrastructure à Montréal http://www.lapresse.ca/actualites/montreal/201308/02/01-4676319-de-gros-retards-dans-les-travaux-dinfrastructure-a-montreal.php. Ça, c’est 700 millions $ de moins en circulation.
Oui, la Commission Charbonneau ralentit des choses : à entendre tout ce qui se dépensait de façon illicite en sorties somptueuses, en cadeaux mirobolants, en pots-de-vin d’argent sonnant, bien sûr que le tout a un impact sur l’économie. Mais cette Commission a été réclamée à grands cris par une majorité des Québécois. Il y avait un cancer, le traitement est comparable à une dure chimiothérapie et la convalescence devra se faire à un rythme acceptable. Notre économie subit encore des traitements de chimiothérapie… ça explique l’impatience des gens d’affaires qui sont les plus en souffrance présentement.
Il faut aussi bien réaliser que le cours des métaux a littéralement fondu en 2013 : l’or a perdu 29% de sa valeur, passant de 1 700$ l’once au début de janvier à 1220$ au 3 décembre. De son côté, l’argent a perdu près de 43%, passant de plus de 33$ à 20$ l’once (voir http://www.24hgold.com/francais/cours_or_argent.aspx?money=Loonie). Quant au cuivre, il est passé
de 8 000$ la tonne à moins de 7 000$ au 3 décembre, soit 12%; pour l’aluminium, il est passé de 2 100$ à moins de 1 700$ au 2 décembre, une baisse de près de 20%. Pour l’industrie électrique, la baisse des prix du cuivre et de l’aluminium signifie une baisse du prix du fil et du câble, donc une baisse directe des ventes. Mais selon un distributeur majeur, peu d’autres produits ont baissé de prix, alors que d’autres sont simplement restés stables, plutôt que d’augmenter.
Ces prix des métaux n’ont surtout rien à voir avec la commission Charbonneau; c’est un problème mondial. Mais l’industrie minière, très importante au Québec, a pour ainsi dire coupé à peu près tous les investissements prévus, se bornant à investir en entretien et en remplacement d’équipements en fin de vie utiles – et encore, certains projets sont retenus.
Signes de reprise pour 2014
Du côté de la construction domiciliaire, les spécialistes de ce secteur ne prévoient pas d’amélioration à court terme, peut-être même encore un peu de recul. Ceci amène nécessairement un ralentissement dans le secteur industriel, puisque les consommateurs dépensent moins pour leur résidence. En ce qui concerne les mines, rien de bien certain à l’horizon.
Rattrapage
Là où on peut prévoir une amélioration certaine, c’est dans le secteur public. Toujours dans le cadre de la collusion et de la corruption, le gouvernement a passé sa loi sur l’intégrité en matière de contrats publics en décembre 2012, confiant la gestion du Registre des entreprises non admissibles aux contrats publics (RENA) à l’Autorité des marchés financiers (AMF). L’organisme a eu à mettre en place les structures administratives adéquates et n’a pu livrer les « certificats de bonne conduite » que tard au printemps. Plus ça va, plus il y a d’entreprises éligibles et en 2014 l’AMF sera active tout au long de l’année, donc bonne reprise de ce côté. La Ville de Montréal, entre autres, a attribué des contrats aux soumissionnaires les plus bas mais plusieurs d’entre les entreprises gagnantes attendent toujours ce certificat de bonne conduite pour passer à l’action.
Ceci aura possiblement comme effet que la Ville de Montréal devra rattraper le retard de 2013 et réaliser son plan d’investissement en infrastructure prévu pour 2014, d’où un total qui pourrait facilement atteindre trois fois les investissements de 2013 ( le 700 millions $ de retard, plus son 1,6 milliard $ prévu pour 2014, pour un total de 2,3 milliards $, comparativement à moins de 800 millions $ en 2013).
Virginité retrouvée
La firme d’ingénieurs Dessau a fait le grand nettoyage, se départissant des membres de la famille Sauriol, fortement impliqués dans les scandales de pots-de-vin et de collusion, ainsi que d’une dizaine d’autres membres de la haute direction. Le résultat : Dessau et ses filiales ont été retirées de la liste noire (RENA), le 28 novembre dernier. Voir l’article de La Presse http://www.lapresse.ca/actualites/dossiers/commission-charbonneau/201311/28/01-4715631-la-firme-dessau-retiree-de-la-liste-noire.php.
La future loi 61, loi visant principalement le recouvrement de l’argent de la corruption et de la collusion dans l’industrie de la construction, parle du programme qui permettra aux entreprises de rembourser volontairement, avant que des recours soient enclenchés, des sommes perçues en trop. Ce programme serait administré par une personne neutre et indépendante, comme un juge à la retraite.
Cette loi est bien accueillie de toutes parts, à commencer par l’Association des ingénieurs-conseils du Québec (AICQ) ; voir leur communiqué de presse http://www.aicq.qc.ca/nouvelles/complete/615 .
De son côté, l’Ordre des ingénieurs du Québec fait un appel à la modification rapide de la Loi sur les ingénieurs
Pour lutter efficacement contre la corruption et la crise de confiance actuelle, le présent gouvernement a décidé de proposer différentes lois, règlements, mesures et autres outils. Le projet de loi no 49, visant à moderniser la Loi sur les ingénieurs est un jalon important pour l’atteinte de cet objectif. L’Ordre des ingénieurs du Québec a donc rappelé aux parlementaires l’importance de procéder dans les plus brefs délais à l’adoption de ce projet de loi afin de mieux outiller une profession secouée par une crise sans précédent et ainsi ramener la confiance du public à son égard – voir son communiqué http://www.rimq.qc.ca/detail_news.php?ID=462152&cat=;11 .
Il est bien connu que près d’un millier d’ingénieurs, soit 1 ½% des 60 000 ingénieurs, font présentement l’objet d’une enquête de la part du syndic de l’Ordre des ingénieurs, qui a embauché toute une équipe de policiers-enquêteurs aguerris pour mener ce vaste chantier à terme. Ceci malgré le fait que l’Ordre a connu une importante perte de membres et que les membres restant ont refusé d’augmenter leur cotisation, proposée dans le but de faire ce grand ménage.
À l’Association de la Construction du Québec, la présidente, Madame Manon Bertrand souligne dans un communiqué de presse : « La nature même du projet de loi démontre à quel point nous n’étions pas préparés collectivement à faire face à un phénomène de collusion et de corruption de l’ampleur de celui qui a été mis à jour au Québec ». Voir le communiqué http://www.acq.org/salle-de-presse/communiques/2013/1148-projet-de-loi61-acq-recommande-que-les-fonctionnaires-elus-et-fournisseurs-soient-soumis-aux-memes-regles.html.
Tout ceci pour dire que la voie est pavée pour que les firmes de génie-conseil puissent elles-mêmes payer pour les pots qu’elles ont cassés (ou les pots-de-vin qu’elles ont distribués). Elles obtiendront ainsi le pardon qui leur est indispensable.
Il reste au public à accepter tout ceci et à pardonner aux firmes vraiment repentantes, celles qui remettront le butin illégalement acquis. La soif de voir l’économie se relever fera probablement sa part pour convaincre les Québécois d’accepter ce qui était inacceptable il y a un an à peine.
Un signal important
Admettons que la Caisse de Dépôt et de Placement du Québec, notre bas de laine collectif, est pas mal près du gouvernement… Or elle vient d’acquérir 445 000 actions de … SNC Lavalin ! Elle a payé 44,44$ chacune pour un total de 19,8 millions$, ce qui porte son portefeuille d’actions de SNC Lavalin à plus de 15 millions d’actions, valant aujourd’hui plus de 700 millions$. Voir l’article de TVA nouvelles http://tvanouvelles.ca/lcn/economie/archives/2013/10/20131002-210853.html. Cette transaction suit la logique d’investissement de Jarislowsky-Fraser, qui est d’investir en pensant au long terme : la Caisse donne son signal…! Rappelons que Jarislowsky-Fraser est l’un des investisseurs les plus profitables au Canada depuis plusieurs décennies. À l’heure d’écrire ces lignes, l’action achetée par la Caisse a gagné 3,03$, soit 6,8% en deux mois.
Si SNC Lavalin n’était pas à la veille de renouveler elle aussi sa virginité, la Caisse aurait-elle posé ce geste? Ça ressemble un peu à de l’information privilégiée, mais n’allons pas qualifier le geste de délit d’initié… quand même ! Avons-nous les moyens de faire disparaitre 5 000 parmi les emplois les mieux payés au Québec ?
Lorsque SNC Lavalin aura fait pattes blanches, et il est à prévoir que ce sera bientôt plutôt que tard, elle pourra reprendre son rythme normal de travail et activer encore une fois l’économie québécoise. À ce jour, SNC-Lavalin n’a toujours pas obtenu ce feu vert de l’AMF pour avoir le droit de soumissionner aux contrats publics québécois supérieurs à 10 millions. Dans le cadre de ses démarches pour réintégrer ce lucratif secteur, SNC Lavalin vient de réaliser tout un coup fumant, selon ce que rapporte La Presse, dans son édition du 5 décembre :
Le grand responsable de la lutte contre le crime organisé de la Sûreté du Québec (SQ), l’inspecteur Lino Maurizio, grand responsable de la lutte contre le crime organisé pour la Sûreté du Québec (SQ), vient d’être embauché par la firme SNC-Lavalin. «M. Maurizio apportera à SNC-Lavalin son expérience et ses connaissances en matière d’éthique, de conformité et d’enquêtes. «M. Maurizio sera en charge, avec son équipe, de contribuer à la mise en place du programme de conformité permettant à SNC-Lavalin de devenir un chef de file en matière d’éthique et de conformité, écrit Lilly Nguyen. SNC-Lavalin est confiante dans les mesures éthiques qu’elle a prises jusqu’à présent.»
Pour lire l’article de La Presse, cliquer http://www.lapresse.ca/actualites/justice-et-affaires-criminelles/affaires-criminelles/201312/04/01-4717736-haut-grade-de-la-sq-et-cadre-chez-snc-lavalin.php.
Pour l’industrie électrique
Toujours selon un cadre supérieur d’un distributeur majeur de matériel électrique, le prix du fil et du câble a baissé d’environ 8% en 2013, provoquant une baisse des ventes, mais on doit aussi reconnaitre que les prix en général on baissé d’environ 4 à 5% au cours des cinq dernières années. Ceci est dû à la compétition de plus en plus forte, de même qu’au dumping de matériaux d’outre-mer. En réalité, c’est le profit brut des distributeurs surtout qui a chuté, rendant ce marché de plus en plus difficile. Ce haut dirigeant parlait d’ailleurs du fait qu’une des premières vagues de réduction des prix est arrivée avec l’adoption généralisée du télécopieur, au tournant de 1987. Selon lui, plusieurs acheteurs se sont mis à demander des soumissions pour fourniture à plusieurs distributeurs, créant une compétition qui en a fait périr plus d’un, qui ont été absorbés par de plus grandes firmes.
Oui, 2013 a été difficile, et notre cadre supérieur, qui bénéficie de plusieurs décennies d’expérience dans le domaine, prévoit que 2014 sera plutôt une année de stabilisation, de rajustement dans l’administration. À noter qu’il y a eu très peu de licenciements malgré la période grise.
Lorsqu’on regarde et analyse ce qui se passe en Europe et ailleurs dans le monde, le vieil adage remonte à la surface : Quand on se regarde, on se désole; quand on se compare, on se console…!
Pour le magazine Électricité Plus
L’année 2014 s’annonce très positive. Du côté des textes, à la demande de plusieurs de ses abonnés, le magazine publiera beaucoup plus d’information sur le volet éclairage, tant sur l’aspect technique que sur la nouvelle en général de ce secteur de l’industrie électrique.
L’augmentation importante du nombre d’abonnés en fin d’année 2013 est un encouragement de taille, tout comme l’arrivée de plusieurs nouveaux annonceurs à compter de janvier et février 2014. Puisque le magazine est gratuit, ce sont les annonceurs qui le font vivre.
Souhaits des Fêtes
Électricité Plus tient à offrir de Bonnes et Joyeuses Fêtes à toute personne impliquée dans l’univers de l’électricité au Québec, et surtout une année 2014 qui soit plus agréable pour chacun de nous, à la mesure de nos aspirations.