Encore cette année, la Chaire de gestion du secteur de l’énergie d’HEC Montréal trace un bilan sombre de l’état de la situation énergétique dans la province québécoise. Parmi les constats, la 5e édition de l’État de l’énergie au Québec souligne la contradiction québécoise qu’avec 50 % de l’énergie utilisée provenant de source renouvelable et des surplus d’électricité propre exportables, les Québécois achètent toujours plus de gros véhicules utilitaires sports (VUS) et des maisons de plus en plus grandes, faisant fi des économies relatives à l’efficacité énergétique.
En effet, entre 1990 et 2017, l’achat de camions s’est accru de 246 % tandis que l’acquisition de voitures a diminué de 28 %. Les ventes de camions légers, plus énergivores, ont dépassé celles de voitures depuis 2015. Coauteur du rapport rédigé avec Johanne Whitmore, le professeur titulaire de la Chaire Pierre-Olivier Pineau a expliqué ce phénomène en parlant de paradoxe en matière d’énergie et de lutte aux changements climatiques.
« Ces tendances compromettent l’atteinte des cibles que s’est fixées le gouvernement pour réduire de 40 % la consommation de produits pétroliers et de 37,5 % des émissions de GES d’ici 2030 », note-t-il. M. Pineau se dit par ailleurs préoccupé par le paradoxe entourant les véhicules électriques, qui, s’ils se déploient à grande échelle, amplifieront le défi de la gestion de la pointe dans le réseau de distribution d’électricité. Selon lui, un changement de structure tarifaire s’impose « face à la pénétration de nouvelles technologies ».
En un an, le nombre de véhicules électriques sur les routes a grimpé de 85 %, mais représente encore seulement 1,4 % de la flotte des véhicules de promenade. Il y en avait seulement près de 22 000 en janvier 2018, alors que la cible de 100 000 véhicules électriques d’ici 2020 est toujours en vigueur.
Production d’électricité et pertes d’énergie
Quant à la production d’électricité en 2017, elle s’est chiffrée à 212 TWh, provenant à 95 % de l’hydroélectricité, à 3,8 % de l’énergie éolienne et à 1 % de la biomasse, du diésel et de l’énergie solaire. Les exportations d’électricité ont frisé 37 TWh, ayant majoritairement servi aux États du Vermont (30 %) et de New York (26 %) ainsi qu’au Nouveau-Brunswick (16 %). D’un autre côté, les importations d’électricité ont atteint 31,1 TWh en provenance surtout de Terre-Neuve-et-Labrador (94 %).
Le rapport fait également état de pertes énergétiques de l’ordre de 54 % de l’énergie qui transite dans le système énergétique. Ces pertes sont majoritairement attribuables au secteur des transports (35 %), aux systèmes électriques (27 %) et au secteur industriel (26 %). Les transports sont toujours grandement responsables – à 44 % – des émissions de gaz à effet de serre (GES) bien que les industries et procédés industriels engendrent 46 % des GES énergétiques et non énergétiques.
Consommation par habitant et perspectives 2019
Au-delà des pertes énergétiques, le Québec a consommé 193 gigajoules (GJ) d’énergie par habitant en 2017, soit un peu moins que ce qui avait été constaté au dernier bilan énergétique qui affichait 195 GJ, mais tout près des États-Unis qui consomme 196 GJ par habitant. Notons en comparaison que le Canada consomme 221 GJ d’énergie par habitant. Dans les pays comparables au Québec, en termes de climat et d’industries, la consommation d’énergie atteint uniquement 114 GJ en Allemagne et 164 GJ en Norvège.
La part du lion de la consommation énergétique au Québec revient à égalité au secteur du transport et de l’industrie, équivalent à 122 GJ sur 193.
Dans les perspectives de 2019, le Québec devrait voir l’essor des biocombustibles avec le projet d’Enerkem à Varennes qui se construira en cours d’année pour éventuellement produire du biométhanol et de l’éthanol cellulosique, ou encore avec la première usine de Pyrobiom Énergies, construite à Parent en 2018, qui fabrique de la biohuile et du biocharbon issus de la valorisation des résidus forestiers. Un autre projet, Bioénergie La Tuque, doit également contribuer, après sa construction en 2020, à transformer davantage de ces résidus en biocarburants.
(Pour consulter l’édition 2019 de l’État de l’énergie au Québec, cliquer ici.)