L’électricité québécoise à 6,12 cents le kWh est trop dispendieuse pour l’Ontario, selon le ministre de l’Énergie Glenn Thibeault. C’est ce que rapporte ICI Radio-Canada Toronto dans un topo mis en onde le jour même de la publication de l’article de Joël-Denis Bellavance de La Presse, le 8 aout dernier, dont les propos ont été relayés par Électricité Plus dès le lendemain.
Selon ce topo de ICI Radio-Canada Toronto, le porte-parole de l’opposition conservatrice en matière d’Énergie de l’Ontario, Todd Smith, est d’avis que ces pourparlers ne devraient même pas avoir lieu. « Pourquoi le ministre de l’Énergie se tourne-t-il vers Hydro-Québec alors que nous avons déjà un surplus important d’électricité? », se demande-t-il.
Pour sa part l’Ontario Clean Air Alliance voudrait voir les centrales nucléaires de l’Ontario être abandonnées. Elles sont vieillissante, ont besoin de rénovations majeures, et coutent un prix exorbitant. Rappelons simplement que la centrale de Darlington située sur la côte nord du Lac Ontario, à Clarington en Ontario, à 60 km à l’est de Toronto, construite progressivement de 1981 à 1993, a couté près de six fois le prix initial estimé, passant de 2,5 milliards $ à 14,4 milliards $. Les rénovations à venir n’augurent pas tellement rose, surtout lorsqu’on pense au cout de la réfection de la centrale nucléaire Point Lepreau au Nouveau-Brunswick, construite entre 1975 et 1983. D’abord prévus à 1,4 milliard $, La Presse Canadienne mentionnait dans un article du 11 juillet 2013 que les couts s’élevaient plutôt à 3,3 milliards $; elle compte un seul réacteur dont la puissance est de 640 MW.
Les trois principales centrales nucléaires de l’Ontario en sont à l’époque de prévoir une réfection complète, ayant été construite sensiblement à la même époque que Point Lepreau. Là où il y aurait intérêt à scruter les projets d’un peu plus près, c’est en considérant que les centrales nucléaires de Pickering, Darlington et Bruce ont une puissance cumulative de 13 880 MW, soit près de 22 fois celle de Point Lepreau. Au moment où le gouvernement ontarien vient de rééchelonner sa dette liée à ses investissements dans le secteur de l’électricité dans le but de réduire de 25 % la facture d’électricité des citoyens, les dizaines de milliards nécessaires à la réfection de ces trois centrales sont un pensez-y-bien. Selon les autorités ontariennes dans le domaine de l’électricité, 60 % de l’électricité serait produite par leurs centrales nucléaires.
Facile pour l’opposition politique de parler de surplus important d’électricité et du fait que les négociations ne devraient même pas avoir lieu (le député Todd Smith ne mentionne pas à quelle période de l’année il y a ce surplus d’électricité); il a probablement oublié qu’on aurait besoin de quelques panneaux solaires et quelques éoliennes supplémentaires pour remplacer 13 880 MW de production. Rappelons également que les surplus ontariens d’électricité sont dus au fait qu’on ne peut réduire ou arrêter la production d’électricité par le nucléaire, contrairement à l’hydroélectricité qui peut réduire sa production à volonté et la repartir avec un minimum d’inconvénients. Selon ce que l’on sait, les surplus ontariens ont lieu pendant l’hiver et… les revend au Québec qui est en déficit de production à cette époque-là de l’année : 500 MW!
Trop cher, vous dites, 6,12 cents/kWh? L’Ontario Clean Air Alliance avait délégué sa responsable des communications avec le public, Angela Bischoff, au colloque de l’AQPER, à Québec, les 19 et 20 février 2014. Sa mission était de faire valoir le bien-fondé d’éliminer le nucléaire autant que les centrales au charbon en Ontario. Son idée était d’acheter l’électricité du Québec à 4,1 cents/kWh. On peut s’imaginer qu’Hydro-Québec ne signera pas un contrat d’approvisionnement dans les conditions semblables à ce qu’elle a elle-même obtenues de Churchill Falls (Labrador) Corporation Limited, bien qu’elle soit quand même propriétaire de Churchill Falls à hauteur de 34,2 %, qu’elle débourse les couts supplémentaires du financement et qu’elle ait sauvé le projet de la faillite en endossant inconditionnellement sa complétion.
En réalité, le projet d’achat d’électricité par l’Ontario vise à compenser le manque de production d’électricité pendant la période de réfection des centrales nucléaires, soit pendant 20 ans. N’en déplaise à Mme Bischoff et aux 90 associations membres de l’Ontario Clean Air Alliance qu’elle représente, l’Ontario ne semble pas disposée, pour l’instant du moins, à se départir de ses centrales nucléaires. Est-ce que 6,12 cents/kWh est vraiment si dispendieux? À chacun sa stratégie de négociation. Mais en fait, peut-être qu’Hydro-Québec devrait se retirer des négociations et conserver ces surplus pour attirer de l’industrie utilisant de grandes quantités d’énergie, industries qui habituellement offrent d’excellentes conditions salariales et autres.
Pendant ce temps, l’Institut C.D. Howe a publié le 15 aout le rapport de l’étude L’expérience ontarienne en énergie verte : des leçons qui portent à réfléchir sur les politiques de changements climatiques durables (publié en anglais sous le titre Ontario’s Green Energy Experience: Sobering Lessons for Sustainable Climate Change Policies). Ce rapport découle de l’étude du Professeur Michael Trebilcock, éminent expert en droit et en économie, directeur du programme de Droit et d’Économie de l’Université de Toronto. En bref, le Professeur Trebilcock considère que ces politiques ont eu un effet dévastateur sur les couts de l’électricité en Ontario, faisant passer le cout de 9,3 cents à 18 cents le kWh en période de pointe entre novembre 2009 et novembre 2016, alors que les gains environnementaux ont été plus que modestes. Le Professeur suggère surtout qu’on ne doit pas faire porter le fardeau des politiques de changements climatiques principalement par le secteur privé, générateur d’emplois et moteur de l’économie…
On peut consulter le rapport complet de cette étude en cliquant ici.
Pour lire l’article d’Électricité Plus Futures ventes à l’Ontario : Hydro-Québec remporterait un autre gros lot, cliquer ici.
Pour accéder au topo de ICI Radio-Canada Toronto L’Ontario nie avoir conclu une méga-entente avec Hydro-Québec, cliquer ici.
Pour revoir l’article publié en mars 2014 par Électricité Plus Ontario Clean Air veut l’électricité du Québec, cliquer ici.