Il n’est pas rare qu’une installation de câbles (monoconducteurs ou multiconducteurs) parcoure plus d’un endroit (lieu). Cette situation engendre parfois des cas où la grosseur des conducteurs devra être sélectionnée selon une logique intuitive puisqu’il s’agit de s’assurer que la température de l’isolant ne dépasse pas la limite permise par ce type d’isolant lorsque le courant nominal circule dans chaque conducteur.
Introduction
Or, lorsqu’un câble traverse justement différents endroits, on devine que c’est la situation la plus pénalisante qui déterminera le courant admissible que le Code permet d’utiliser sur toute sa longueur. Cela arrive assez fréquemment, mais heureusement ce n’est pas toujours le cas puisque dans certaines situations bien définies, il est permis d’ignorer l’existence de telles circonstances désavantageuses. Nous verrons les détails à ce sujet dans la présente chronique et tenterons d’en clarifier l’interprétation.
Exigences
Les paragraphes 14) et 15) de l’article 4-004 sont rédigés ainsi :
« 4 -004 Courants admissibles dans les fils et les câbles (voir les appendices B et I)
14) Si plus d’un courant admissible peut convenir à un circuit donné composé de câbles monoconducteurs ou multiconducteurs, étant donné qu’une partie d’une installation souterraine se prolonge à découvert, la valeur la plus faible s’applique, sauf si permis au paragraphe 15).
15) Si la partie à faible courant admissible d’un câble constitué d’au plus quatre conducteurs n’excède pas 10 % de la longueur du circuit ou 3 m, en retenant la plus faible de ces deux valeurs, il est permis d’utiliser le courant admissible le plus élevé. »
En résumé, le paragraphe 14) est catégorique. Il exige que la valeur du courant admissible calculée pour les conducteurs qui composent un câble monoconducteur ou multiconducteur soit toujours la valeur la plus faible calculée, et ce, peu importe l’endroit où se situe n’importe quelle portion du câble. Par contre, il précise tout de même que l’assouplissement général prévu au paragraphe 15), lorsqu’on est en présence de câbles d’au plus quatre conducteurs, peut être appliqué, pourvu que les conditions énumérées soient respectées. Dans un tel cas, ce dernier paragraphe permet tout simplement d’ignorer la partie où le calcul donne un courant admissible plus faible.
Il s’agit là d’un assouplissement très intéressant qui procure une certaine flexibilité dans la détermination du courant admissible des conducteurs qui composent un câble qui traverse différents endroits. Cependant, il ne faut pas croire au miracle, puisque nos bons conducteurs ne sont malheureusement pas des supraconducteurs. Il est essentiel de considérer leur surchauffe possible et de s’assurer que la température limite de leur isolant n’est pas dépassée.
Interprétation
Tout d’abord, il est essentiel de préciser que le paragraphe 14) ne concerne que les câbles qu’on dénomme souvent aérosouterrains (câbles qui sont en partie enfouis et émergent du sol pour leurs raccords éventuels). Cela dit, l’objectif derrière cette exigence ne s’applique pas seulement à ces types de câbles. En effet, les exigences contenues dans cet article et toutes celles qui touchent la dévaluation du courant admissible d’un quelconque conducteur ont exactement le même objectif, mais il est implicite plutôt que d’être clairement décrit. En effet, dès qu’il y a transition d’endroit, ou de lieu si l’on préfère, la valeur du courant admissible de chaque conducteur doit être calculée pour y établir le courant admissible de l’ensemble de l’installation. Logiquement, si les mêmes conducteurs se voient attribuer un courant admissible différent dans chaque endroit (portion de l’installation), ce sera la plus faible des valeurs qui devrait être considérée pour l’ensemble de l’installation.
Autrement dit, si des conducteurs qui composent un câble ou une canalisation quelconque traversent différents endroits, la plus faible des valeurs des différents courants admissibles calculées selon les différents endroits devient automatiquement la référence pour toute la longueur de l’installation de câblage. C’est à partir de cette interprétation que le contenu du paragraphe 15) devient encore plus utile.
En effet, dans le cas où tous les conducteurs sont à l’intérieur d’un câble qui ne contient pas plus de quatre conducteurs (tous en contact), l’assouplissement prévu au paragraphe 15) peut être appliqué, et ce, même si le câble n’est pas du tout enfoui (souterrain). Cependant, dans le fameux parcours du câble, la portion de longueur qui est dévaluée ne doit pas dépasser 3 m ou 10 % de la longueur totale de ce câble. Sinon, c’est la partie calculée à plus faible courant admissible qui détermine le courant admissible de toute l’installation.
Concernant la longueur de 3 m, il s’agit de la longueur maximale permise. C’est donc dire que si 10 % de la longueur totale représente 4 m par exemple, l’assouplissement ne pourra être appliqué pour cette portion de l’installation, car il dépasse le maximum prévu de 3 m, et c’est la plus faible des deux valeurs qui doit être retenue. Par conséquent, dès qu’un calcul de courant admissible excède 10 % ou 3 m, il faudra tenir compte de la valeur du courant admissible pour cette portion, et si elle est la plus faible des valeurs calculées, ce sera cette valeur du courant admissible qui sera celle à appliquer pour toute la longueur de la course du câble.
Sans entrer dans les détails, il faut rappeler que l’objectif de l’assouplissement dont on discute prend sa source dans la possibilité de refroidissement que le matériau (cuivre ou aluminium) possède, en raison de sa conductivité thermique favorable. En effet, le cuivre et l’aluminium étant d’assez bons conducteurs thermiques, cette caractéristique constitue donc la base pour comprendre que si une faible portion tend à chauffer, ce sera la plus grosse portion à proximité qui l’aidera à évacuer la chaleur qu’elle produit.
Particularité
Il est à noter que certains interprètent cet assouplissement de façon un peu trop restrictive. En effet, il n’est pas dit dans le texte du paragraphe 15) qu’il faut faire la somme des courtes distances parcourues par le câble pour ne pas dépasser la distance limite de 10 % ou 3 m de la longueur totale. L’interprétation à faire est qu’il faut un minimum de 90 % de la longueur totale
du câble d’une certaine valeur de courant admissible pour ignorer la portion avec courant admissible plus pénalisant, à moins que la portion dépasse 3 m de longueur. Il se pourrait donc que le câble transite à différents endroits, sur de courtes distances qui ont un courant admissible plus faible que la portion principale et que ce soit le courant admissible de la portion principale qui puisse être appliqué. Par conséquent, il faut établir la valeur du courant admissible du circuit en établissant d’abord un tableau des résultats des courants admissibles en fonction des proportions de longueurs associées aux différents endroits. À partir de ce tableau, on établit le calcul par itérations, en commençant par la valeur du courant admissible la plus élevée jusqu’à la plus faible. Il y aura donc autant d’itération qu’il y a de valeurs différentes de courants admissibles dans la course complète du câble. Enfin, dès que l’on atteint une longueur totalisant au moins 90 % de la longueur totale du câble, on retient la valeur du courant admissible en cours de calcul, et il n’est plus nécessaire de poursuivre les itérations, sauf si une portion dépasse 3 m de longueur, bien sûr.
Exemples
Afin de bien saisir le contenu de cette interprétation, voici quelques exemples qui aideront vraisemblablement à clarifier le tout. Bien sûr, on s’en tiendra à traiter de cas où le câble se retrouve dans trois endroits différents, même s’il arrive parfois qu’il y en ait un plus grand nombre.
Exemple 1 :
À partir de la figure 1, qui nous présente de façon schématique des situations assez courantes où un câble qui ne contient pas plus de quatre conducteurs traverse différents endroits pour effectuer le branchement du consommateur, on peut discuter de l’interprétation à y avoir concernant les deux paragraphes discutés plus haut. Ainsi, en supposant qu’après avoir calculé la valeur du courant admissible pour chaque endroit traversé par le câble, nous arrivions à ceci :
Portion du câble | Courant admissible | Proportion |
D1 | 330 A | 1,5 m (5 %) |
D2 | 361 A | 27 m (90 %) |
D3 | 297 A | 1,5 m (5 %) |
DT | À déterminer (voir plus bas) | 30 m (100 %) |
Puisque les longueurs des portions D1 etD3 ne dépassent pas 3 m, on peut donc partir de la valeur de 361 A pour la portion D2 et on regarde si elle représente au moins 90 % de la longueur totale du câble. Comme c’est le cas, on arrête ici les itérations en précisant que le câble aura donc un courant admissible de 361 A.
Exemple 2 :
On reprend l’exemple 1, mais cette fois avec les valeurs suivantes :
Portion du câble | Courant admissible | Proportion |
D1 | 330 A | 3,6 m (12 %) |
D2 | 361 A | 24 m (80 %) |
D3 | 297 A | 2,4 m (8 %) |
DT | À déterminer (voir plus bas) | 30 m (100 %) |
Dans cet exemple, la première itération considère encore et toujours la portion ayant la valeur la plus grosse du courant admissible, soit D2 (361 A). Or, comme elle n’atteint pas le minimum de 90 % de la longueur totale, il faut considérer la seconde portion ayant le courant admissible le plus élevé, soit D1 (330 A). Comme cette dernière est supérieure à 3 m de longueur, on n’a même pas besoin de regarder son pourcentage. Il faut donc considérer cette valeur de courant admissible pour cette itération. À l’itération suivante, on a donc l’équivalent de 92 % de la longueur totale ayant un courant admissible de 330 A. C’est par conséquent cette valeur de 330 A qu’on applique comme courant admissible pour le câble. On peut donc ignorer la portion D3 dont le courant admissible est le plus faible (297 A) car elle représente moins de 10 % de la longueur totale (8 %) et qu’elle est inférieure à 3 m. Dans un cas où elle aurait représenté moins de 10 % de la longueur totale, mais aurait été supérieure à 3 m, il aurait alors été interdit d’ignorer cette portion.
Exemple 3 :
Toujours à partir de la figure 1, mais cette fois-ci avec les valeurs du tableau suivant :
Portion du câble | Courant admissible | Proportion |
D1 | 225 A | 1,5 m (5 %) |
D2 | 250 A | 24 m (80 %) |
D3 | 200 A | 4,5 m (15 %) |
DT | À déterminer (voir plus bas) | 30 m (100 %) |
En procédant avec le même algorithme, la première itération donne un résultat de 24 m (80 %) avec un courant admissible de 250 A. À la seconde itération (nécessaire puisqu’on n’a pas atteint au moins 90 % de la longueur totale), on voit ici qu’il faut considérer la portion D3 qui d’ailleurs est supérieure à 3 m. La réponse est donc que le courant admissible du câble est de 200 A.
Exemple 4 :
Prenons maintenant le cas de la figure 2 qui propose le passage du câble qui origine d’un local utilitaire vers le procédé, mais en effectuant un passage obligatoire par la salle de chauffage (cas hypothétique bien sûr) du bâtiment. Dû à cela, on devine que la température ambiante maximale dans cette salle est supposée être aussi élevée que 40 °C.
On propose donc dans cet exemple que les distances parcourues et les différents courants admissibles sont ceux représentés au tableau qui suit :
Portion du câble | Courant admissible | Proportion |
A | 180 A | 2 m (13,3 %) |
B | 150 A | 1 m (6,7 %) |
C | 180 A | 12 m (80 %) |
D | À déterminer (voir plus bas) | 15 m (100 %) |
Encore à l’aide de la figure 2, et cette fois-ci en supposant que la température ambiante maximale de la portion A est de 45 °C, on suppose les valeurs suivantes :
Portion du câble | Courant admissible | Proportion |
A | 190 A | 2,5 m (8,3 %) |
B | 200 A | 1,5 m (5 %) |
C | 225 A | 26 m (86,7 %) |
D | À déterminer (voir plus bas) | 30 m (100 %) |
Toujours en appliquant le processus itératif, la valeur du courant admissible permis de ce câble est de 200 A. En effet, les portions B et C totalisent au moins 90 %, ce qui permet d’ignorer la valeur du courant admissible de la portion A, et ce, bien que les portions A et B totalisent plus de 10 % de la longueur totale du câble.
Cependant, si la portion A avait été d’une longueur de plus de 3 m, il aurait fallu la considérer et le courant admissible du câble aurait passé d’une valeur finale de 200 A à 190 A.
Conclusion
Aussi simple que logique, le Code permet d’éviter de pénaliser toute une installation pour ce qui est du courant admissible permis des conducteurs qui composent un câble qui traverse divers endroits, si certaines conditions sont respectées. Autrement, une dévaluation pénalisante diminue parfois considérablement la valeur du courant admissible. L’installation peut ainsi bénéficier d’une telle possibilité qui permet même de contourner un problème en modifiant la méthode de câblage prévue dans certains cas. Chose certaine, il ne faut pas oublier de calculer la valeur du courant admissible pour chaque portion de l’installation qui change d’endroit afin de s’assurer que la sécurité de l’installation ne présente, en pratique, aucun danger de surchauffe des conducteurs.
Gilbert Montminy, ing.
Responsable du secteur « Électricité »
Direction de la réglementation et du soutien technique
Régie du bâtiment du Québec