Au moment d’insérer ce texte en ligne, David Gagnon est à Londres, avec son instructeur Philippe Brasseur, enseignant en électricité au CRIF, de Granby. David participe à une compétition de métiers dans le but d’apprendre, de vivre le stress dans un contexte de compétition sous les regards du public et, surtout, de se familiariser avec le matériel et les équipements européens. L’équipe de David Gagnon a rencontré les médias au cours d’une conférence de presse au CRIF, le 28 février dernier, ce dont nous reparlerons un peu plus loin dans cet article.
Pour le Canada, le premier électricien à participer à un Mondial fut Éric Tourangeau, en 1993, à Taipei (Taiwan). M. Tourangeau est aujourd’hui enseignant au CFP Le Chantier, à Laval, et il contribue également à la rédaction de Guides d’apprentissage en électricité, édités par le CEMEQ (le Centre d’élaboration des moyens d’enseignement du Québec) ; en fait, ce sont les livres utilisés pour l’enseignement de l’électricité.
M. Tourangeau a ouvert la route pour les étudiants électriciens d’aujourd’hui qui se rendent au Mondial des métiers. Sa mission à Taipei fut beaucoup plus de colliger de l’information pour les prochains participants. Le manque de connaissance et d’expérience du groupe de Compétences Canada de l’époque rendaient la victoire pour ainsi dire hors de la portée de M. Tourangeau.
M. Tourangeau avait gravi les échelons un par un : il avait d’abord remporté la victoire dans son école, la polyvalente Deux-Montagnes, en 1990, puis au niveau régional, ensuite à la grandeur du Québec. Compétences Canada en était à ses débuts donc, après sa victoire provinciale, il s’est rendu à la compétition aux États-Unis, où il est arrivé 2e. Il était dès lors qualifié pour représenter le Canada au Mondial.
Les différences entre cette première compétition pour le Canada et le Mondial de Leipzig sont énormes. À l’époque, le participant apportait tous les outils et instruments qu’il désirait. Certains pays, surtout asiatiques, sont très habitués à ce type de compétition et tiennent absolument à gagner ; ils arrivaient donc avec des caisses d’outils et d’instruments tous plus sophistiqués les uns que les autres. Aujourd’hui, le participant reçoit une liste de ce qu’il a droit d’utiliser et n’a le droit à aucun autre outil. Surtout, le participant d’aujourd’hui reçoit un entrainement supplémentaire important tant de la part de son instructeur que de certains instructeurs délégués par Compétences Canada. Aussi, ce voyage à Londres, puis celui à Vancouver en juin, ainsi qu’une formation en France à la mi-mars, sont une extraordinaire préparation. Sans compter qu’autant voyager ne peut qu’ouvrir les horizons du jeune compétiteur. Au point de vue équipe aussi c’est très différent; à Leipzig, il y aura 35 canadiens dans l’équipe nationale, dont 11 québécois. M. Tourangeau faisait partie d’une équipe de neuf canadiens, dont trois québécois. Le support du groupe y est pour beaucoup, particulièrement en dehors des heures de compétition alors que les participants s’encouragent mutuellement.
M. Tourangeau a pour sa part ajouté à sa formation après son DEP. Il est allé chercher une ASP à Compétence 2000 de Laval, puis une AEC en électronique industrielle (automatisation) à l’Institut Teccart, avant de finalement obtenir un certificat en pédagogie de l’Université de Sherbrooke. Il a obtenu sa certification Sceau Rouge avec une quasi perfection : résultat de 106/110 !
Au point de vue carrière, M. Tourangeau est bien conscient que cette participation à Taipei a été tout un actif à son CV. Il a travaillé pour une douzaine d’entrepreneurs en électricité, tant avant de devenir professeur que pendant les vacances d’été depuis qu’il est professeur. Il a entre autres travaillé pendant un an à former le personnel du service électrique de GM à Ste-Thérèse (aujourd’hui Boisbriand), en plus de rédiger le guide des employés en électricité de Rona, en collaboration avec la CSDM.
M. Tourangeau a servi d’instructeur à l’électricien québécois lors de quatre Olympiades nationales des métiers, soit à Calgary, à Halifax, à Vancouver et à Québec. Seul ombre au tableau : il déplore que de nombreux CFP ne participent pas à ces compétitions qui ont comme effet de stimuler les étudiants à se dépasser. Plusieurs CFP préfèrent investir cet argent dans le hockey ou d’autres activités à participation populaire. Mais pour lui, quand on va à l’école, c’est pour devenir un professionnel de son métier et non pour faire des activités parascolaires. La compétition est quand même quelque chose qui va très bien aux gars, même si les filles aussi aiment mesurer leurs capacités et leurs connaissances. Cependant, il respecte pleinement la décision des CFP qui préfèrent investir dans les sports et les loisirs, qui sont des activités favorisant l’esprit d’équipe et le sentiment d’appartenance.
Pour revenir à notre ami David Gagnon et à la conférence de presse du 28 février, il était accompagné de son instructeur, Philippe Brasseur, et de M. Luc Morin, chef d’équipe Canada pour le Mondial 2013 (WorldSkills). Le directeur du CRIF, M. Sylvain Desruisseaux était aussi de partie, de même que plusieurs personnes clé du CRIF.
David n’a pas encore établi de plan de carrière à long terme. C’est bien certain qu’un pareil cheminement lui ouvre de nombreuses portes. Optera-t-il éventuellement pour l’enseignement, ou poursuivra-t-il des études pour devenir ingénieur? Alors que la plupart des électriciens ont le minimum d’études secondaires en poche, soit certains éléments de Secondaire IV, David a complété son Secondaire V et a une année de cégep à son crédit. Ce n’est qu’après plusieurs mois de réflexion, après son cégep, qu’il s’est dirigé vers le métier d’électricien.
Ou encore optera-t-il pour devenir entrepreneur électricien? Probablement que des patrons clairvoyants lui offriront un poste cadre et, qui sait, peut-être aussi un partenariat dans l’entreprise. Il y a fort à parier qu’il est l’un des chanceux qui aura le choix. Toujours est-il que ses nombreux voyages vont lui faire savoir qu’il y a tant et plus qui s’offre à la personne qui élargit ses horizons, quelqu’un qui voit plus loin. Le jeune homme d’Eastman a déjà beaucoup de millage dans le corps, et ça ne fait que commencer. Les voyages forment la jeunesse, dit-on…
Après la conférence de presse, le directeur du CRIF, M. Sylvain Desruisseaux, a fait un superbe plaidoyer en faveur des métiers au cours d’une entrevue avec des journalistes. Il a expliqué ce qui motive la commission scolaire de Val des Cerfs à investir autant dans un jeune homme et dans une pareille aventure. « Voyez-vous, dit-il, les métiers sont mal connus. Nous devons promouvoir les métiers tout autant que d’autres font la promotion de la musique ou du sport professionnels. On doit faire connaitre à tous la valeur profonde des métiers. Même l’industrie et les employeurs en général ne tiennent pas compte de ce qu’est vraiment un métier. On voit souvent des offres d’emploi pour plombiers ou électriciens, exigeant un diplôme de Secondaire V, plus un DEP. Il y a là un petit manque de logique, de congruence : pour être admis dans un CFP (centre de formation professionnelle), on n’a pas besoin d’un Secondaire V; ces étudiants ont besoin d’avoir réussi l’examen de Secondaire IV pour la langue d’enseignement, pour la langue seconde et pour les mathématiques. Bien sûr que c’est préférable d’avoir complété été réussi un Secondaire V, mais ce n’est pas obligatoire. On ne me fera pas croire qu’en général les détenteurs d’un Secondaire V deviennent de meilleurs électriciens que ceux qui ont la formation de Secondaire minimum. Un métier comme celui-là, c’est manuel et la dextérité est beaucoup plus importante que d’avoir réussi un examen d’histoire de la Mésopotamie ! Il est capital que l’on valorise les métiers. » Superbe envolée oratoire que cet élan de passion de M. Desruisseaux. Il est à souhaiter qu’il la répétera devant d’autres foules, surtout devant de futurs employeurs.
L’influence d’une participation internationale comme celle-ci fait rêver de nombreux autres jeunes. David a gradué en juin dernier et son aventure en compétition n’est pas encore complétée qu’elle influence déjà des débutants : une classe entière d’étudiants en électricité de première année a tenu à assister à la conférence de presse. C’est M. Desruisseaux et son équipe qui sont en train de gagner : ils vont former plus qu’un champion – ils incitent de nombreux autres à le devenir. C’était une merveilleuse façon de dire à David : « bonne chance, vas-y, on est derrière toi ». Et d’autres futurs électriciens de la région de Granby vont certainement tenter de suivre ses traces, pour le plus grand bien de la compétence des électriciens de la région.
Photo du haut :
Le logo de l’équipe canadienne de Compétences Canada est une œuvre de créativité en soi, représentant très bien un grand nombre de métiers.
Pour David, c’est une première participation au Mondial des métiers. Pour M. Morin, il s’agira d’une sixième participation, en plus de deux autres participations internationales. Quant à Philippe Brasseur, qui enseigne depuis quatre ans, c’est son premier « poulain » mais il est en train de tracer un guide d’entrainement qui servira certainement à d’autres instructeurs éventuellement. Il est considéré comme un excellent enseignant et le lien qu’il établit avec ses étudiants vaut la peine d’être vu. Ça explique un peu pourquoi le CEMEQ utilise ses services pour valider certains Guides d’apprentissage en électricité.
Pour M. Tourangeau, participer à une compétition internationale était tout un acquis à inscrire au CV. Ça lui a d’ailleurs ouvert de nombreuses portes. Quand on parle d’atteindre des sommets, quoi de mieux pour un enseignant que de se voir confier la tâche de rédiger le matériel dont tous les enseignants se serviront pour transmettre leurs connaissances aux étudiants !