Voilà le rêve, le projet, exprimé par Josh Laughren et Marie-Claude Lemieux lors de leur conférence pendant le diner du 19 février devant les membres d’AQPER réunis en colloque à Québec. M. Laughren est le directeur du programme Climat et Énergie de la World Wildlife Federation (WWF) et Mme Lemieux est la directrice pour le Québec de la WWF.
Ce rêve est-il réalisable? Nous sommes à 36 ans de leur date butoir. Les intérêts financiers en jeu sont importants car les énergies fossiles ont exigé des sommes colossales en investissements et rapportent des fortunes tout aussi colossales aux investisseurs. Ces investisseurs ne se laisseront certainement pas tasser sur le bord de la route pour faire plaisir aux environnementalistes et aux écologistes. En plus, il faudra d’autres sommes colossales en investissements pour développer les technologies de génération d’énergie verte.
Afin de pouvoir s’imaginer s’il est pensable de franchir autant de chemin en 36 ans, une bonne idée est de jeter un coup d’œil sur l’avancement des différentes technologies au cours des 36 dernières années, soit en 1978. Les magnétoscopes faisaient leur apparition avec manette de contrôle à distance reliée par câble… Les jeux vidéo, vendus aux environs de 229$, étaient d’une simplicité aujourd’hui déconcertante alors que les consoles de jeux pouvaient en contenir à peine trois… Normand Maurice, de Victoriaville, commençait à peine à parler de récupération et recyclage… Bien que la lumière aux DEL était découverte, elle était pour ainsi dire aucunement utilisée… L’ordinateur personnel était une rareté intrigante… Les étudiants Bill Gates et Paul Allen venaient de créer Microsoft… Il nous restait encore cinq ans à attendre avant que Motorola lance son premier téléphone cellulaire, le Dyna TAC 8000X, qu’on installait uniquement dans les véhicules automobiles… Finalement, le rêve de la WWF n’est peut-être pas si utopique qu’il puisse paraitre. Puisque le rythme des découvertes et des développements augmente sans cesse, avec de la bonne volonté, 36 ans devraient suffire pour que l’énergie soit à 100% renouvelable.
Pour atteindre cet objectif, l’équipe Laughren-Lemieux parle de tabler sur l’efficacité énergétique d’abord, puis, comme le suggère la Ministre Martine Ouellet et le gouvernement du Québec, d’électrifier les transports, en particulier le train. D’ailleurs, Josh Laughren mentionne en entrevue que le Québec est fortement en avance sur le reste de l’Amérique en matière d’électrification des transports.
Il faudra aussi faire une plus grande utilisation du sol, développer nos méthodes de capture des biogaz et d’utilisation de biomasse pour remplacer les énergies fossiles. Surtout, l’humain devra modifier son mode de vie afin de limiter sa dépendance à l’énergie de toute sorte. Encore faut-il aussi se souvenir qu’avec les systèmes intelligents, les distributeurs d’électricité pourront éteindre à distance certains équipements pendant les heures de pointe, comme les climatiseurs et les chauffe-eaux, tout comme la domotique permet aux consommateurs de contrôler l’utilisation de l’électricité à distance; cependant, plusieurs voient dans cette méthode une intrusion de la vie privée.
Pendant le même colloque de l’AQPER, l’économiste et consultant américain Alvaro Pereira disait prévoir la disparition des centrales au charbon des États-Unis entre 2018 et 2024, soit d’ici quatre à dix ans. Bien sûr, l’utilisation du gaz de schiste y est pour beaucoup, mais il a révélé que les États-Unis comptent présentement plus de 60 GW d’électricité produite par éoliennes et prévoient doubler cette capacité d’ici quatre ans. Sans compter l’apport de l’énergie solaire. Pour les gens qui veulent critiquer Hydro-Québec parce qu’elle a d’importants surplus d’électricité, ces quelques chiffres viennent en grande partie expliquer pourquoi son électricité compte moins de preneurs et du même souffle pourquoi les prix à l’exportation ont tellement baissé (dit-on).
Pour le tandem Laughren-Lemieux, il est bien évident qu’on fait d’abord face au dilemme environnement vs économie. Certains investisseurs perdront nécessairement une partie de leur mise alors que les technologies vertes ou en développement exigeront de fortes mises de fonds. Et les gouvernements qui retirent une grande partie de leurs revenus des énergies fossiles vont certainement faire augmenter le prix de ces nouvelles énergies. Toujours est-il que le secret de la réussite à venir réside dans le fait de se donner le temps de discuter socialement des solutions les plus acceptables par la majorité, d’éduquer les utilisateurs.
Lorsqu’on regarde la production d’électricité par des micro-producteurs et même par des consommateurs, il reste encore beaucoup de chemin à faire pour que les systèmes de distribution d’électricité puissent aisément accueillir leurs surplus, surtout lorsqu’ils sont aussi nombreux que c’est le cas en Ontario.
Beaucoup de chemin à faire, oui, mais l’enthousiasme des ingénieurs constaté pendant le colloque de l’AQPER est garant de la progression rapide nécessaire à l’atteinte de cet objectif de 100% de l’énergie qui soit de source renouvelable.