Si le Québec doit électrifier son économie et ses transports, la capacité de production d’Hydro-Québec sera insuffisante et il faudra se tourner vers d’autres sources d’énergie, notamment le gaz naturel, souligne un cahier de recherche déposé le 13 mai par l’Institut économique de Montréal (IEDM). Des conclusions qui ont fait bondir la société d’État qui accuse les chercheurs d’utiliser des données inexactes et de ne pas tenir compte des évolutions technologiques que connaitra le secteur de l’électricité dans les prochaines années.
Les auteurs du rapport intitulé L’énergie au Québec: Quel rôle pour le gaz naturel dans un contexte d’électrification? soulignent qu’en principe la capacité de production d’Hydro-Québec est suffisante pour réaliser l’électrification des transports en période creuse. Par contre, la société d’État ne pourrait répondre à la demande en période de pointe hivernale quand un pourcentage « trop élevé de sa capacité » est utilisé pour chauffer des bâtiments.
Hydro ne pourra faire face
En période de pointe, Hydro-Québec aura besoin de 42 038 MW en 2018-2019 et de 44 380 MW en 2025-2026, alors que sa capacité de génération totale est de 44 050 MW, si on exclut les sources d’énergie peu fiables, comme l’éolien.
La société d’État a donc peu de marge de manœuvre pour faire face à une électrification de l’économie et des transports, indiquent les signataires du rapport, Jean Michaud, ingénieur, et Germain Belzile, chercheur senior associé à l’IEDM.
Ils expliquent que si les 5,4 millions de propriétaires de voitures et de camions légers les remplaçaient par des véhicules électriques, le faudrait quotidiennement 37 350 MW pour assurer leur recharge. Le Québec aurait donc besoin de près de 14 TWh supplémentaires annuellement pour recharger les véhicules personnels. Il faudrait en ajouter autant, pour un total de 28 TWh, si les camions immatriculés dans la province passaient aussi à l’électricité.
Électrifier l’ensemble de l’économie québécoise, à l’exception des transports, exigerait qu’Hydro-Québec augmente sa production d’environ 10 000 MW par décennie pour la faire passer à environ 70 000 MW en 2050, soit presque le double de la production actuelle. S’il est toujours possible d’harnacher des rivières, l’opinion publique y est de moins en moins favorable, soulignent les experts de l’IEDM qui proposent plutôt de se tourner vers le gaz naturel. Ils soulignent également que si le Québec se chauffait au gaz naturel plutôt qu’à l’électricité, cela libérerait une grande quantité d’électricité et faciliterait l’électrification d’autres secteurs de notre économie.
La société d’État se défend
Hydro-Québec soutient pour sa part que le volume d’électricité disponible est largement supérieur à ce qui est avancé par l’IEDM et que « la capacité de production des centrales d’Hydro-Québec et de ses autres sources d’approvisionnement dépasse les besoins de l’entreprise de plus de 40 TWh d’énergie disponible par année ». Avec cette énergie, l’entreprise pourra alimenter le développement économique du Québec et contribuer davantage à la décarbonation des marchés voisins en signant de nouveaux contrats d’exportation à long terme.
Pour la société d’État, les chercheurs de l’Institut se basent sur de mauvaises hypothèses pour remettre en question la capacité du réseau électrique québécois pour assurer la recharge d’un nombre important de véhicules électriques pendant la pointe hivernale.
En évaluant les données de 500 bornes de recharge résidentielles, Hydro-Québec a noté que les jours de grand froid la consommation d’électricité augmente pendant les quelques heures les plus critiques d’au maximum 1 kW par véhicule, et non de 7 kW. Et il n’est pas prévu que les véhicules lourds soient convertis à l’électricité, ajoute la société d’État.
Quant à la capacité de production d’Hydro-Québec, il faut penser aux efforts consacrés à améliorer l’efficacité énergétique et aux avancées technologiques qui se déploient et qui permettront à Hydro-Québec de gérer la pointe de demande associée au chauffage électrique. De nouvelles mesures seront toutefois nécessaires pour assurer l’électrification de l’économie, reconnait la société d’État.
Le cahier de recherche intitulé L’énergie au Québec: Quel rôle pour le gaz naturel dans un contexte d’électrification? est disponible sur le site d’IEDM.