Puisque les éoliennes poussent comme des champignons au Québec, la sécurité du travail sur les éoliennes prend toute sa signification et la CSST publie dans son magazine Prévention au travail, qu’elle édite en collaboration avec l’IRSST, des textes recherchés en matière de sécurité. Le Magazine Électricité Plus tient à appuyer sans réserve toute sensibilisation à la sécurité au travail, c’est pourquoi Prévention au travail, nous a autorisés à reproduire intégralement certains textes, dont celui-ci.
Texte tiré de Prévention au travail / Hiver 2012-2013.
Le potentiel éolien est considérable au Québec. En 2010, la firme Hatch et l’économiste Jean-Claude Thibodeau ont mesuré les répercussions économiques de la filière éolienne québécoise. Ils ont estimé qu’en 2015, plus de 1 380 emplois seraient créés pour exploiter les parcs éoliens. En plus, la taille de ces centrales électriques ne cesse d’augmenter ; elle atteint maintenant les 100 mètres de hauteur. Il devient donc crucial que les employeurs dans ce domaine choisissent le bon équipement pour leurs techniciens en entretien et en inspection des éoliennes.
« Les éoliennes sont bien plus que de grosses marguerites qui tournent dans les champs», indique d’emblée Jean-Louis Chaumel, chercheur au Laboratoire de recherche en énergie éolienne de l’Université du Québec à Rimouski. Les travailleurs qui entretiennent et inspectent les éoliennes possèdent un équipement permettant de les retenir en cas de chute. En effet, ils doivent porter un harnais, qui est relié à un rail installé sur une échelle grâce à une pièce métallique appelée « coulisseau ». C’est cette pièce qui se verrouille et qui retient le travailleur s’il glisse ou chute.
Il existe beaucoup de types de coulisseaux et de rails, mais ils ne sont pas tous efficaces. En effet, un accident de travail ayant eu lieu en Ontario en 2010 a prouvé qu’un de ces coulisseaux – qui était pourtant certifié selon la norme CSA Z259.2.1-F98 des dispositifs antichute, cordes d’assurance verticales et guides – ne protégeait pas efficacement les travailleurs en cas de chute vers l’arrière. Le travailleur ontarien, en entretenant une éolienne, est tombé à la renverse et a fait une chute de 20 mètres. « Le fait de se pencher vers l’arrière désengage ce système de freinage. C’est en effet la position que prennent les travailleurs lorsqu’ils montent, moment durant lequel ils ne veulent pas être freinés », explique Pierre Bouchard, ingénieur et conseiller expert en prévention-inspection à la CSST. Le ministère du Travail de l’Ontario, en collaboration avec l’Association canadienne de normalisation (CSA), a alors déterminé que ce dispositif « ne répondait pas à toutes les exigences de protection contre les chutes1 ». La CSA a donc retiré momentanément l’accréditation de ce genre de dispositif.
Un coulisseau semblable au dispositif responsable de l’accident de travail – appelé Bornack RS-02 – a fait l’objet d’une interdiction d’utilisation dans un parc d’éoliennes situé en Gaspésie. Ce système a subi de nombreuses modifications et a été remplacé par le coulisseau Bornack RS-05, un modèle largement amélioré et plus sécuritaire, grâce à un système de freinage double. Le conseiller expert explique que « deux pièces de métal, indépendantes l’une de l’autre, permettent de freiner lors d’une chute. Ainsi, si la première ne s’enclenche pas, la seconde s’enclenchera à une vitesse programmée par le fabricant (celle d’une chute) afin d’arrêter le travailleur ».
Avant la parution d’une norme remplaçant la CSA Z259.2.1-F98, quelques experts, dont Pierre Bouchard, ont voulu s’assurer de la fiabilité du Bornack RS-05. Pour ce faire, un groupe de travail2 formé d’inspecteurs de la CSST, d’un expert de la CSA responsable de l’élaboration des normes sur la protection contre les chutes et de représentants d’une compagnie d’installation et d’entretien d’éoliennes a testé le nouvel équipement, l’hiver dernier. Ils se sont rendus à l’usine de la compagnie, qui est située à Matane.
M. Bouchard indique qu’ils ont effectué les tests « dans la base d’une éolienne, en plaçant un mannequin de 100 kilos sur son échelle ». Le mannequin portait un harnais qui était relié au rail par une courroie et un coulisseau Bornack RS-05. Le rail était, à son tour, fixé sur l’échelle de l’éolienne. L’équipe a fait chuter le mannequin à cinq reprises, de façon à ce qu’il tombe inévitablement vers l’arrière. La chute a été amortie chaque fois, prouvant l’efficacité du coulisseau.
Des conditions particulières
« Au Québec, les travailleurs ont des conditions de travail uniques au monde, ce qui exige un équipement particulier. La température varie radicalement d’une saison à l’autre, comme ça se voit peu ailleurs », affirme le chercheur Jean-Louis Chaumel, qui participe à une étude de l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail sur les risques liés à la santé et à la sécurité qui sont associés aux tâches des travailleurs du secteur éolien. « Parfois, les rails sont tellement gelés que les travailleurs ont beaucoup de difficulté à monter jusqu’au nez de l’éolienne. Pourtant, avant que ne survienne un incident en Ontario, les tests de la CSA n’étaient pas faits dans le froid, ni avec des rails givrés », ajoute Pierre Bouchard.
C’est pourquoi l’équipe d’experts a tenu à reproduire avec exactitude les conditions de travail, lors des essais du nouveau modèle de coulisseau. « Nous avons fait les tests entre trois et sept heures du matin, pour nous assurer que la température était d’environ - 15 °C. Nous avons également givré les rails », précise M. Bouchard.
Après l’incident survenu en 2010, la norme CSA Z259.2.1-F98 a été modifiée. La nouvelle mouture de la norme prévoit un plus grand nombre de tests d’accréditation des dispositifs, faits dans des conditions de froid et incluant un programme de certification qui comporte une garantie contre le risque de chute arrière. [PT]
ndlr :on peut voir la totalité du magazine Prévention au travail en cliquant http://www.csst.qc.ca/prevention/magazine/2012/hiver_2012-2013/Pages/prevention-au-travail.aspx
Les tests ont été effectués dans la base d’une éolienne, en plaçant un mannequin de 100 kilos sur une échelle. Ils ont été faits entre trois heures et sept heures du matin pour qu’ils aient lieu à une température d’environ - 15 °C.
Photo : Pierre Jobin