Germain Trudeau est sur le point de conclure de belle façon une longue et prolifique carrière en électricité, lui qui participe ces jours-ci à la révision du Code canadien de l’électricité (CCÉ), document qui doit voir le jour au début 2018. Retraité du métier d’électricien depuis les années 2000, M. Trudeau s’implique encore aujourd’hui dans l’Association des constructeurs-propriétaires en électricité et des électriciens d’entretien du Québec (AcpééeQ) afin de contribuer à l’évolution de la pratique du métier qui l’a allumé durant 68 ans.
Ce métier, du plus loin qu’il se souvienne, l’a toujours profondément passionné. Issu d’une famille modeste de sept enfants dont le père était laitier, Germain Trudeau a grandi dans le quartier Saint-Henri à Montréal. À 16 ans, après avoir obtenu son diplôme de 10e année à l’école Supérieure, il travaillait déjà dans une usine de fabrication de meubles – un emploi qu’il détestait. Deux de ses amis, des frères, avaient été embauchés en tant qu’apprentis par leur autre frère, qui était électricien. « Jean m’a dit un jour : viens-t’en donc travailler avec nous! On t’engage, tu commences lundi! »
Germain Trudeau se souvient de son premier contrat en électricité, au tournant des années 1950 : il travaillait à la construction d’un garage d’Hydro-Québec. Les gars sur le chantier le taquinaient sans relâche parce qu’il était le petit nouveau. « Va chercher la chaudière-ampère », lui a-t-on déjà lancé. « Et moi, je courrais pour aller chercher ça!, avoue-t-il, dans un rire. J’étais fou du métier. Des anecdotes, je pourrais vous en raconter pendant trois ans », a-t-il confié à Électricité Plus, lors de l’entrevue.
Il se rappelle, par exemple, le jour où il a coupé un tuyau dans lequel le courant électrique circulait encore, alors que l’électricien lui avait assuré que le courant avait été coupé. « J’entendais le transformateur d’Hydro-Québec, j’ai coupé, et je suis tombé en bas de l’échafaud. Par chance, je suis tombé sur le gars qui posait la tuile sur un madrier en dessous; lui s’est blessé par contre. J’étais fâché contre l’électricien, je lui ai couru après avec mes pinces dans les mains! »
En même temps qu’il a été apprenti, Germain Trudeau suivait ses cours d’électricité à l’École des métiers de la construction de Montréal les soirs et les samedis. Après quatre ans d’apprentissage, il a finalement obtenu sa carte d’électricien en construction.
De la construction à l’inspection
M. Trudeau a exercé le métier sous toutes ses coutures. Alors qu’il a commencé en tant qu’électricien sur les chantiers de construction au début des années 50, il s’est tourné vers l’entretien au courant des années 60, quand il a été embauché par la Ville de Montréal. Durant les 20 dernières années de sa carrière, il a été inspecteur d’installations en électricité pour la Régie du bâtiment du Québec (RBQ).
Posant un regard sur le passé, Germain Trudeau peut être fier de ce qu’il a accompli. Il conserve plusieurs bons souvenirs des chantiers sur lesquels il a œuvré en construction, dans ses débuts en électricité, dont ceux de l’hôpital Sainte-Justine à Montréal, des écluses Saint-Lambert et Sainte-Catherine de la voie maritime du Saint-Laurent, de l’Autoroute 15 entre Montréal et Saint-Jérôme et de l’Hôtel Holiday Inn sur la rue Sherbrooke.
Sans oublier son expérience à l’entretien des réseaux électriques d’alimentation pour les différents pavillons de l’Expo 67, puis pour l’exposition Terre des Hommes. Ce dernier contrat marque son transfert vers l’électricité hors construction, poste qu’il a occupé à la Ville de Montréal jusque vers la fin des années 70. Par la suite, en 1978, il a été embauché en tant qu’inspecteur des installations électriques à la Régie du Bâtiment du Québec.
« J’ai été inspecteur principal à la RBQ jusqu’à ma retraite, en 2000. Dans ce rôle, j’ai été responsable entre autres de faire appliquer des lois et règlements de la Loi sur les installations électriques, je donnais de la formation aux inspecteurs, aux entrepreneurs et aux constructeurs-propriétaires en électricité. J’étais appelé aussi pour défendre en cour des dossiers de la RBQ concernant des installations en électricité non conformes au Code, mais aussi pour faire des inspections spéciales lors d’incendies, d’électrocutions ou d’électrifications, et je faisais des recherches pour proposer des mesures compensatoires. »
Homme impliqué, il s’est engagé en tant que bénévole au sein du conseil de l’Association des électriciens d’entretien de Montréal (AEEM), devenue depuis l’AcpééeQ, dès les années 80. Encore animé par la mission de participer à la progression du métier, même s’il a pris sa retraite il y a 20 ans, il agit encore en tant que vérificateur interne pour l’AcpééeQ, ainsi qu’en tant que président du comité du Code de l’électricité et il représente son organisme au comité consultatif sur le Code de construction du Québec, Chapitre V – Électricité depuis 2003. Il est d’ailleurs à l’origine de l’adhésion de l’AcpééeQ au comité consultatif provincial sur l’électricité (CCPÉ), qui collabore aux mises à jour du Code canadien de l’électricité.
Contributions marquantes
Spécialiste de la Loi sur les installations électriques, Germain Trudeau a plusieurs fois été appelé à la Cour du Québec en tant qu’expert du Code canadien de l’électricité, lors de causes entendues devant les tribunaux. Il se rappelle entre autres cette cause en justice d’un garçon qui avait été électrocuté, en mettant le pied sur une extension, juste avant d’entrer dans un manège.
Dans cette histoire, le coroner avait recommandé une modification du Code de construction (chapitre V, Électricité), auquel a été ajoutée l’obligation d’installer des détecteurs de fuite à la terre aux prises de courant dans les foires, festivals, carnavals et parcs d’attractions ambulants. « J’ai été cent fois en cour, lance M. Trudeau. Cet accident est un exemple parmi tant d’autres. »
M. Trudeau a également collaboré à modifier la règlementation qui exige dorénavant que les luminaires à lampes fluorescentes de 347 V soient munis d’un dispositif de sectionnement intégré, qui coupe le courant entre les conducteurs, lors d’un changement de ballast. Pour Pierre Désilets, directeur des affaires règlementaires et de la gestion de produits de Leviton qui l’a bien connu au comité consultatif sur le Code de l’électricité du Québec, Germain Trudeau incarne la voix du consensus.
« Le dossier de maintenance sécuritaire a été débattu avec vigueur et a pris quatre ou cinq ans à se régler, rappelle le président de la section 30 sur l’installation de l’appareillage d’éclairage du Code québécois de l’électricité. Il n’y avait pas de solution simple. Germain Trudeau, avec gentillesse et considération, a utilisé les mots qu’il fallait, toujours dans un langage imagé et facile à comprendre. Il a expliqué et rédigé le concept en français, j’ai mis ses mots en anglais, et j’ai présenté la solution au national. »
Outre cette contribution marquante, M. Désilets n’a pas manqué de souligner l’apport précieux de M. Trudeau à la section 12 du Code, celle des méthodes de câblage. « Cette manière de faire québécoise est désormais acceptée au travers le Canada depuis juin 2017 et fera partie de la prochaine édition du Code canadien de l’électricité, en 2018 », note au passage Pierre Désilets.
Ayant connu M. Trudeau lorsqu’il a rejoint le comité consultatif sur le Code de l’électricité, il y a une dizaine d’années, Pierre Désilets le décrit comme un homme calme et articulé à la gentillesse innée. « Germain a été pour nous une ressource historique, de par son autorité, son expérience et son expertise, dit-il. Il a une grande mémoire, le don de capter les subtilités et il est reconnu pour sa recherche du détail. C’est aussi un homme très respectueux et à l’écoute des gens. »
Pierre Désilets se souvient d’avoir été convaincu par Germain Trudeau dans les années 2008-2009 de devenir membre corporatif, avec la société Leviton, de l’AcpééeQ. « Il a été un pionnier en ce sens de favoriser un accès aux membres qui œuvrent en maintenance, hors construction, et qui représentent la moitié des électriciens au Québec. Cela nous permet d’apprécier le point de vue original des industriels et clients du commercial lourd. »
Le gout d’apprendre
Ayant toujours cultivé le plaisir d’apprendre, M. Trudeau s’est également spécialisé dans son domaine en suivant le programme Inspection et contrôle en travaux publics au Collège Ahuntsic. Il s’implique par ailleurs en tant que membre de l’Ordre des technologues professionnels du Québec. Même aujourd’hui, il fréquente assidument l’Université du Troisième âge (UTA) et suit des cours de physique, de chimie et même d’histoire. « J’aime les cours techniques, comme la physique, très près de notre métier », souffle l’homme dont la passion pour l’électricité ne s’essouffle pas, même après 68 ans.
Attiré par les différentes cultures, Germain Trudeau a beaucoup voyagé au cours de sa vie, après avoir été choisi par l’Office franco-québécois pour représenter les électriciens du Québec en France, en 1969. Il faut croire qu’il a eu la piqûre du voyage, puisqu’il a ensuite sillonné le monde avec sa conjointe Laure. Ensemble, ils ont parcouru l’Europe, l’Afrique et l’Asie. Il attend ainsi avec impatience le début de son cours sur l’histoire et les traditions du Japon, cet automne, à l’UTA.
Montée du véhicule électrique
Encore très au fait des avancées en électrification des transports, Germain Trudeau s’intéresse de près aux progrès de l’automobile électrique. Il a même assisté à la récente course de la Formule électrique à Montréal. « Dans la révision du Code canadien de l’électricité, il y aura des modifications à la section sur les bornes de recharge de véhicules électriques ainsi que sur les panneaux solaires. La technologie va tellement vite, qu’il est nécessaire de faire des mises à jour constantes », explique-t-il.
Cette révision du Code canadien de l’électricité en 2018 sera la dernière pour Germain Trudeau, qui prendra définitivement sa retraite après une impressionnante carrière à se consacrer à la pratique, puis à l’avancement du métier d’électricien, un métier qui l’aura allumé du début à la fin.