Il y avait de l’électricité dans l’air à Montréal, à l’occasion du tout premier évènement de Formule électrique (FE), Hydro-Québec ePrix Montréal, les 29 et 30 juillet. Les moteurs chargés à bloc, les bolides électriques des dix écuries en compétition ont pris possession de la piste du centre-ville, lors des deux manches finales de la saison du circuit de la FE de la Fédération internationale de l’automobile (FIA), qui a couronné un nouveau champion du monde; mais qui en trame de fond mettait en vedette l’innovation québécoise en matière d’électrification des transports.
Tribune au génie universitaire
Du côté de l’eVillage Allianz, les familles ont pu s’amuser tout en s’initiant à l’univers du transport électrique. Simulateur de courses, casques de réalité virtuelle, démonstrations et zone d’essai étaient à leur disposition. Encore plus intéressant, les participants ont eu l’occasion de voir de près les projets universitaires en mobilité électrique conçus par les facultés de génie de l’Université Concordia, de l’Université McGill, de l’Université de Sherbrooke ainsi que de l’École de technologie supérieure (ÉTS) et de Polytechnique Montréal.
Au stand de Polytechnique Montréal, les étudiants informaient les passants au sujet de leur plus récente conception, la Poly eRacing, un bolide 100 % électrique monoplace de haute performance de 60 kW de puissance, conçue pour la Formule SAE (Society of Automotive Engineers). « Nous sommes vraiment satisfaits de voir l’intérêt des gens pour les véhicules électriques et les avancées dans les universités du Québec », a exprimé d’emblée Olivier Carpentier, étudiant en génie physique à la Polytechnique faisant partie de l’équipe du POLY eRACING.
Éventuelle course interuniversités?
L’étudiant aurait par ailleurs aimé participer à une course amicale interuniversités sur le circuit de la Formule électrique. « Cela a été discuté avec l’organisation, mais ça n’a pas été possible en raison de la fabrication des véhicules qui doivent être approuvés par la FIA. Les véhicules de course doivent avoir un design particulier selon les spécificités de l’organisation », regrette Olivier Carpentier.
En entretien téléphonique avec Électricité Plus, Simon Pillarella, directeur général de Montréal c’est électrique, organisme sans but lucratif promoteur de l’évènement, confirme qu’une course entre universités a bien été envisagée, mais qu’elle n’a pas pu se concrétiser faute de commanditaire. « C’est certain que nous sommes intéressés à le faire, mais encore faut-il aménager une piste de démonstration près du site. Dans le futur, nous souhaitons intégrer davantage les universités dans les différents volets de l’évènement, car l’électrification des transports passe bien par les jeunes. »
Sur un autre plan, la relève universitaire et leurs projets en électrification des transports ont tout de même eu la chance de compétitionner entre eux, en marge de la Formule E, par le biais des réseaux sociaux. Les internautes pouvaient ainsi voter sur la page Facebook de Montréal c’est électrique jusqu’au 10 juillet pour le véhicule électrique le plus intéressant et novateur. « Ces projets universitaires ont récolté 2 000 mentions « j’aime », dont plus de 600 ont voté en faveur de la moto électrique de l’Université de Sherbrooke, le projet EMUS », a résumé M. Pillarella.
(Pour lire notre article sur la plus récente performance de la moto électrique de l’Université de Sherbrooke, cliquer ici.)
Savoir-faire québécois
Cette course électrique servant de tribune à promouvoir les récentes innovations technologiques en ce qui a trait aux véhicules électriques et sources d’énergie renouvelable, la zone Innovation Montréal c’est électrique présentait le savoir-faire québécois en matière d’électrification des transports.
Sous le chapiteau, on retrouvait les entreprises Elmec, Astria Technologies et MCM Intégration, spécialisées dans les bornes de recharge, de même qu’EcoTuned, Evoto et LTS Marine, proposant des véhicules en démonstration, ainsi que la Compagnie électrique Lion, autrefois nommée Autobus Lion, et Nordresa, concepteur de camions électriques, qui étaient dans les alentours du site de l’ePrix.
En matière de services de transport électrique, Téo Taxi et Communauto avaient aussi un stand, tout comme Nemaska Lithium, fort achalandé lors du passage d’Électricité Plus, et Nouveau Monde Graphite, deux joueurs dans les ressources pour le marché des batteries au lithium-ion. Des représentants de l’Institut du véhicule innovant (IVI) renseignaient également les curieux de la mobilité électrique.
À l’arrière-scène du site, une petite entreprise, Mantis Environnementale, faisait la promotion de ses ateliers de fabrication de mini-panneaux solaires et de mini-éoliennes qu’elle offre dans les écoles de Montréal ou même lors de soirées en formule 5 à 7. « On enseigne le montage de panneaux solaires pour recharger le téléphone cellulaire, explique Margaux Isman. Ceci permet de comprendre le principe, avec de petites cellules solaires. »
Par cette entreprise née il y a trois ans, Margaux et sa collègue Chelsea Scheske souhaitent sensibiliser les citoyens au développement durable.
Il y avait beaucoup à faire et à voir lors de cette première édition de la Formule E à Montréal. Grand-messe des automobiles du futur, l’eVillage a même laissé une place à la mythique Ectomobile tirée du film Ghostbusters (SOS Fantômes) ainsi qu’à la DeLorean DMC-12, popularisée dans le film Back to the future (Retour vers le futur).
Controverse et succès populaire
Après s’être amorcée à Hong Kong, en Chine, le 9 octobre, la 3e édition du Championnat de Formule E concluait ainsi son parcours sur cinq continents à Montréal. Sur fond de controverse alimentée par les médias nationaux – en raison des 24 M$ versés par la Ville de Montréal pour la tenue de l’évènement durant les trois prochaines années –, les Montréalais n’ont pas boudé leur plaisir d’assister à une course de voitures électriques en circuit urbain. En effet, selon l’organisateur evenko, l’Hydro-Québec ePrix à Montréal aurait attiré 45 000 personnes au cours du week-end.
« C’est un gros succès, nous pouvons dire mission accomplie d’avoir monté un évènement aussi gros et complexe en quelques mois », a pour sa part commenté Simon Pillarella, de Montréal c’est électrique, au lendemain de la fin de semaine de Formule E. Ces propos faisaient écho à ceux du maire Denis Coderre, qui a tenu un point de presse lundi matin afin de tracer un bilan à l’issue du weekend du premier ePrix de Montréal.
Si la Formule électrique fait le pari d’accélérer le virage en électrification des transports et vers l’adoption de la mobilité durable, l’impact sur les énergies vertes devrait se mesurer, selon Simon Pillarella, par une étude sur les retombées socioéconomiques, dont les critères n’ont pas encore été dévoilés.
Quant aux résultats de courses, la Formule E a couronné un nouveau champion mondial, Lucas di Grassi, qui a devancé son rival, le Suisse Sébastien Buemi, favori dans la course et détenteur du titre depuis deux ans. L’écurie Abt Schaeffler Audi Sport a ainsi ravi le titre mondial à Renault e.dams.
Comment c’est fait?
La voiture de Formule E étant fortement règlementée, sa charpente doit faire une longueur maximale de 5 000 mm et une largeur de 1 800 mm. La hauteur de la caisse se limite à 75 mm tandis que son poids minimal doit atteindre 880 kg, incluant le pilote, mais excluant la batterie, qui pèse jusqu’à 320 kg. Les pneus signés Michelin font 18 pouces.
Les véhicules de course électriques développent une puissance de 200 kW, équivalent à 270 chevaux – ou 170 kW, équivalent à 228 chevaux en mode course. Le bolide accélère ainsi de 0 à 100 km/h en trois secondes et peut atteindre une vitesse vertigineuse de 225 km/h. Le bloc-batterie demeure restreint à 28 kWh. Seul le moteur diffère d’une voiture à l’autre – ce qui est permis seulement depuis la saison 2016-2017 en FE – ainsi que le pilote derrière le volant.
Autre facteur qui peut aussi influencer le résultat de la course, et qui invite les spectateurs à participer à celle-ci activement, est le FanBoost permettant par vote du public d’offrir 100 kJ supplémentaires de puissance à la deuxième voiture de l’écurie. Car en effet, pour chacune des écuries, une seconde voiture doit se substituer à la première à mi-chemin du parcours puisque la longueur du circuit ne permet pas à une seule batterie d’accomplir le travail. Comme il est interdit de changer de batterie au cours du championnat, un deuxième bolide à bord duquel siège un autre pilote de la même équipe, assure la fin de la course.
Précisons que lors de la première saison en FE, les équipes utilisaient la même voiture ainsi que le même groupe motopropulseur. Depuis la deuxième saison, les règles ont été assouplies et chaque équipe peut désormais concevoir son propre moteur électrique, accompagné d’un ondulateur et d’une boîte de vitesse maison de un à quatre rapports. Les technologies se développant à vitesse grand V, la FIA estime que dès la saison 2018-2019, une seule voiture électrique de course pourra effectuer le parcours complet de la piste. Quant à la piste de course, le circuit montréalais – l’un des plus longs en FE – comportait 35 tours sur une longueur de parcours de 2,75 km jalonné de 14 virages.
Laboratoire technologique
« Le sport automobile a toujours été un laboratoire pour le développement technologique de l’industrie automobile, a indiqué par communiqué Alejandro Agag, fondateur et président-directeur général de la Formule E, auparavant , avec les voitures à combustion, et à présent, avec les voitures électriques. Dix équipes souhaitent gagner et elles vont développer la technologie pour gagner, technologie qu’elles utiliseront pour les véhicules de route contemporains de tous les jours, qui seront ainsi améliorés, tout comme l’expérience des automobilistes à travers le monde. Ceci incitera de plus en plus de gens à acheter et à conduire des voitures électriques. »
On en sait bien peu sur la prochaine édition de l’ePrix Montréal, sauf que l’évènement se tiendra les 28 et 29 juillet 2018. Sans trop s’avancer quant à la seconde édition de l’ePrix l’an prochain, Simon Pillarella a entre autres convenu que le volet sensibilisation à l’électrification des transports pourrait se rapprocher davantage du grand public, qui n’assiste pas nécessairement aux courses de la FE. « Nous commencerons à réfléchir à cela, pour que l’évènement reste accessible et populaire », a-t-il conclu.