Note : il s’agit ici du questionnement de l’auteur
Les élections d’octobre prochain apportent leur lot de promesses, de déclarations – parfois plus ou moins habiles ou pertinentes – mais surtout étalent les orientations que chaque parti aimerait mettre de l’avant, advenant qu’il soit élu. Le premier ministre François Legault a déclaré mardi, le 6 septembre, qu’il allait demander à Hydro-Québec d’analyser les possibilités de construire un ou des nouveaux barrages. Il parle même du chantier le plus important dans l’histoire du Québec. Bien sûr, puisque seulement 38% des québécois.es ont voté pour la CAQ en 2018 et qu’il serait surprenant qu’il y en ait plus cette année, 62% des québécois.es ne croient pas en ses politiques, donc les critiques ont fusé de toutes parts.
Les médias se sont empressés de demander l’opinion de Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire en énergie de HEC Montréal, de Sylvain M. Audette, expert en politiques énergétiques à HEC Montréal, et de Normand Mousseau, directeur scientifique de l’Institut de l’énergie Trottier de Polytechnique Montréal, et de plusieurs autres experts moins connus du grand public. Inévitablement, ces messieurs – mais aucune femme scientifique – ont vite parlé d’éoliennes et d’énergie solaire. Il faut cependant rappeler que ces sources de production sont intermittentes : s’il ne vente pas assez, ou trop, les pales géantes ne tournent pas; lorsque le soleil boude le Québec, oublions l’électricité. Oui, ces formes de production sont moins couteuses; mais ne dit-on pas souvent « qu’on en a pour notre argent » dans tout domaine.
L’illustration en introduction de ce texte montre la canalisation empruntée par l’eau dans les centrales à réservoir. Au Québec, 27 des 59 centrales de l’entreprise d’État Hydro-Québec ont un réservoir, donc produisent de l’électricité par la force du courant qui dévale les chutes construites à cet effet. On constate donc que l’eau qui a actionné les turbines est retournée à la rivière. En visitant de telles centrales, on se rend compte de la vélocité du courant. Et si on y installait des hydroliennes? Pourquoi n’en parle-t-on jamais?
RER Hydro a fait la preuve, il y a plus de 10 ans, que cet appareil fonctionne bien et à faible cout puisque qu’il est construit en usine, qu’il s’installe en peu de temps et à peu de frais, sans compter qu’il n’y a pas de routes ni de tracé de lignes de transmissions à construire puisqu’on utiliserait les infrastructures existantes. Lorsque le gouvernement du Québec a investi des dizaines de millions de dollars dans le projet qui devait voir le jour à Bécancour en plus de se porter acquéreur de 40 unités sur une période de cinq ans, la preuve avait été faite à Hydro-Québec que l’une de ces «turbines de récupération de l’énergie cinétique», ou TRÉC, installée dans le fleuve St-Laurent, à Montréal, a fonctionné plus de 28 300 heures sur une période d’un peu plus de trois ans au pied du pont de la Concorde, «sans aucune défaillance». À cet endroit, le courant est de 2,8 mètres par seconde, ce qui produit une puissance de 100 kilowatts, acheminée sur le réseau d’Hydro-Québec presque en permanence. Cette machine de première génération était conçue pour générer jusqu’à 340 kilowatts, lorsqu’elle est installée dans un courant de 4,5 mètres par seconde. Combien d’hydroliennes pourrait-on installer au pied du courant des centrales électriques du Québec?
Cette hydrolienne a tellement fait ses preuves que la multinationale de l’aviation Boeing a signé une entente de partenariat avec RER en 2012. Boeing détenait alors les droits exclusifs de commercialiser et de vendre cette technologie de la fine pointe d’hydroliennes TRÉC de RER à travers le monde et les hydroliennes devaient être construites au Québec pendant au moins 25 ans. La direction de Boeing serait-elle à ce point incompétente qu’elle aurait accepté un marché de dupes?
Qu’est-il advenu de tous les brevets pour cet équipement dont la compagnie a fait faillite quelque part en 2014? Aucune information n’a circulé, à savoir ce qui est advenu de l’hydrolienne qui était au fond du fleuve non plus. Boeing contribuait au développement de l’hydrolienne en y affectant les conseils de son service de génie. Elle connait donc très bien cet équipement et si les québécois ne prennent pas la peine de reprendre ce projet qui devait employer quelque 600 personnes à Bécancour, Boeing est en bonne position de tirer le tapis sous les pieds de La Belle Province pour continuer le développement et finalement en devenir maitre d’œuvre.
La question qui tue : pourquoi ni Hydro-Québec, ni le gouvernement, ne démontrent-ils pas d’intérêt pour cette technologie qui mériterait au moins qu’on s’y attarde? De mémoire d’homme, on n’a pas pu prendre connaissance de l’opinion des experts cités ci-avant sur quelque projet d’hydrolienne que ce soit. Curieux. Est-ce que l’idée déplait tellement aux autorités que même les experts indépendants n’osent la prendre en considération?
Puisque le Québec se dit le champion de l’innovation, il pourrait replacer ce projet sur les rails, créer de bons emplois payants, et produire de l’électricité avec un minimum d’investissement. De plus, il s’agit d’une technologie exportable, à la condition de posséder les brevets qui y sont rattachés.
P.S. Les autres producteurs d’électricité présents au Québec n’ont pas eux non plus annoncé de projets d’hydroliennes.