Le débat autour de l’électricité au Québec a plus de volets qu’un pieuvre a de pattes! Hydro-Québec est critiquée de toutes parts, malgré qu’elle soit le plus beau succès entrepreneurial d’État de toute l’histoire du Québec. Rappelons que les deux nationalisations qui ont conduit à la création d’Hydro-Québec, la première en 1944 et la deuxième en 1963, ont exigé quelques centaines de millions de dollars seulement de mise de fonds de la part du gouvernement. Les acquisitions ont été réalisées par voie d’emprunts, remboursés par Hydro-Québec, capital et intérêts. Et les profits annuels, 50 ans plus tard, sont de l’ordre de près de trois milliards $. Si on transpose le cout de la nationalisation en 1963 (604 milliards $) en dollars d’aujourd’hui (4,6 milliards $ environ), ce cout représente à peine 18 mois de profits de 2012 ! Pas mal comme placement. Et il y a eu de nombreux milliards de profits au cours des ans – jamais de déficit.
Ça n’empêche pas la critique de se faire virulente. Les journaux du groupe Gesca en particulier n’y vont pas de main morte, parlant de revenus qui stagnent et de dette qui explose. Plus souvent qu’autrement, les textes qu’on peut y lire se logent à l’adresse de la critique plutôt que de l’analyse. Toujours est-il que si on regarde l’économie québécoise, si on enlevait tout ce qu’Hydro-Québec dépense et investit, la période d’accalmie économique que nous connaissons présentement s’aggraverait considérablement.
Et parlant de mauvaise gestion, la revue l’Actualité en kiosque au moment d’écrire ces lignes (1er mai 2013) publie un texte/entrevue avec Pierre-Olivier Pineau, professeur agrégé du service de l’enseignement des méthodes quantitatives de gestion à HÉC Montréal. Sous le titre L’erreur électrique, M. Pineau parle de la mauvaise gestion de notre ressource naturelle qui a une valeur pour ainsi dire inestimable.
Dans le même numéro de l’Actualité, Pierre Duhamel signe l’article Québec et Terre-Neuve : quand le courant ne passe pas. Cet article parle abondamment du fameux contrat entre Hydro-Québec et Terre-Neuve qui fait réaliser d’importants profits à notre société d’état mais qui développe des ennemis virulents contre le Québec. Pierre Duhamel y explique pourquoi Hydro-Québec développe encore la production d’électricité alors qu’il y a des surplus. Un jour, le contrat avec Terre-Neuve va prendre fin et il est fort douteux qu’il soit renouvelé; il nous faut donc un plan B.
De son côté, le gouvernement du Québec a abandonné le programme de minicentrales et il semble que cette fois le gouvernement ait pris une décision irrévocable. La ministre Martine Ouellet, de qui relève Hydro-Québec, connait très bien le dossier. Elle est bachelière en génie mécanique, diplômée de l’École des hautes études commerciales et membre de l’Ordre des ingénieurs du Québec. À la fin de ses études, elle est recrutée par Hydro-Québec. Elle y œuvre d’abord comme ingénieure de réseau de distribution, ensuite comme conseillère en matière de coûts, de recherche et de développement. Elle gravit rapidement les échelons au sein de cette société d’État et accède à des postes stratégiques de haut niveau : chef des services techniques, chef de l’efficacité énergétique et chef des projets spéciaux.
Du même souffle, le gouvernement autorise des projets d’éoliennes et parle d’hydroliennes. Pour l’éolien, en plus de créer une expertise, une industrie particulière, c’est une énergie environnementale qui plait aux clients étrangers d’Hydro-Québec, énergie qui nous donne une belle image, surtout aux États-Unis. Quant à l’hydrolienne, ça aussi pourrait devenir une industrie intéressante pour le Québec et surtout pourrait devenir une source supplémentaire d’électricité à frais limités. Avec ses quelque 60 barrages, Hydro-Québec pourrait installer une quantité incroyable de ces appareils pouvant produire régulièrement de l’électricité grâce aux courants marins. Imaginons effectivement la quantité d’hydroliennes qui pourraient être installées dans l’aire d’évacuation d’eau des centrales, à débit rapide, à l’endroit où on peut « cueillir » l’électricité produite à même des installations existantes qui demanderaient peu d’équipements supplémentaires, sans routes à construire, etc.
Peut-être a-t-on raison de vouloir administrer notre richesse différemment de ce qu’elle est présentement. Mais on devrait probablement penser en termes d’ajustements plutôt que de grandes réformes.