En dessous de notre beau ciel bleu
Bien sûr, quand on parle de ciel étoilé, la couleur bleue est une nuisance. Et avant que Martin Aubé et son équipe du cégep de Sherbrooke mesurent la pollution lumineuse et l’impact du bleu, il y a eu un certain Rayleigh qui a démontré que le violet est environ 16 fois plus diffusé que le rouge (pour les passionnés de maths : la diffusion est inversement proportionnelle à la longueur d’onde à la puissance 4!)…
Pour mieux comprendre, revoyons quelques notions de physique: la lumière blanche est un mélange d’ondes électromagnétiques qui sont perçues et « traduites » en sensation visuelle par l’œil humain. Il y a plein de longueurs d’ondes qui ne sont pas « vues » par l’œil – elles ne font donc pas partie du spectre visible. La lumière blanche est un mélange de couleurs – rouge, orange, jaune, vert, bleu, indigo, violet – et chaque couleur a sa propre longueur d’onde. La longueur d’onde du rouge est plus grande (entre 780 et 625 nm) que celle du violet (435 à 380 nm). Et M. Rayleigh a déterminé que les petites longueurs d’onde se diffusent plus dans l’atmosphère terrestre – le mot clé étant « terrestre » – car cette diffusion dépend de la composition de l’atmosphère. La même lumière émise par le Soleil donnera des effets différents sur la Lune et sur Mars par exemple (voir photos).
En appliquant maintenant le même principe à la lumière artificielle, nous pouvons constater que la lumière bleue (prenons 464nm – très importante dans les lampadaires à DEL) se diffusera presque trois fois plus qu’une émission jaune (580 nm – émission des sources au sodium ou des DEL ambrées).
Qu’est-ce que ça veut dire au concret? Si nous avons une source de lumière bleue dans un luminaire et une autre jaune dans un même type de luminaire (parfaitement identique), ayant la même distribution et le même flux lumineux, grossièrement, l’atmosphère retournera trois fois plus de lumière bleue vers la terre (voir figure – réalisée par l’AstroLAB et la Réserve Internationale de Ciel Étoilé du Mont-Mégantic, qui en ont autorisé la publication).
Et cette lumière bleue a des impacts connus : rend difficiles les observations astronomiques et a un impact incontestable et incontesté sur les cycles circadiens des mammifères (ne pas oublier que l’être humain est un mammifère).
Mais l’intention n’est pas de parler de ces effets, du moins pas maintenant.
Cette chronique a été commencée après un des lunch-éclairs de IES Montréal, durant lequel un confrère ingénieur a parlé des PPP (Daniel Bourgeois – Projets en mode PPP et leurs effets sur l’illumination – http://montreal.iesna.net/). Ce qui m’a choqué et a déclenché ma réflexion a été… Comment le nommer! Un paradoxe? Une évidence? Dans un projet en PPP (Partenariat Publique Privé) le partenaire privé a des objectifs d’efficacité énergétique à atteindre. Des objectifs facilement quantifiables par l’économie d’énergie. Et quelle est la source moderne la plus efficace? Les DEL bleues!
Sans insister trop sur le paragraphe antérieur (impact sur le cycle circadien), une réalité est venue sonner une autre cloche : une conseillère d’une très petite municipalité m’a téléphoné quelques jours à peine après la présentation d’IES. Elle s’était absentée quelques mois pour des raisons familiales et à son retour a constaté qu’un contrat avait été octroyé pour faire la conversion des luminaires de la municipalité. Tout a été fait en grande vitesse car les subventions d’Hydro-Québec pour les DEL cessaient au 31 mars (c’était dans la deuxième moitié de février). Plus que ça, les luminaires venaient d’être installés et… catastrophe! L’éclairage était (et je cite:) « laid et trop puissant »!!! Les citoyens étaient en colère. Aucun contrôle n’avait été prévu. Il ne restait pas grande chose à faire…
J’espère que vous n’avez pas cédé à la pression artificielle créée par certains vendeurs avant le 31 mars. Le changement d’un éclairage de nos jours doit être un processus réfléchi. La technologie a avancé. Si les luminaires doivent durer 100 000 heures, imaginez-vous que quelques générations vont devoir vivre avec ce choix. Si, au contraire, les luminaires lâchent après quelques années, l’investissement ne s’amortira jamais. Je le sais et je suis le premier à le reconnaitre : CE N’EST PAS FACILE!
C’est pour ça qu’IDA Québec, en collaboration avec l’AstroLAB (la Reserve Internationale de Ciel Étoilé du Mont-Mégantic) et l’AQME, a mis sur pied (sous le grand patronage du FAQDD) une formation à ce sujet – voir http://www.aqme.org/56-demarrez-un-projet-formation-sur-leclairage-exterieur-et-la-pollution-lumineuse.html . Durant une journée au complet (8h), un formateur chevronné (professeur universitaire) présente la théorie de la pollution lumineuse, la théorie de l’éclairage, comment réaliser et adopter un règlement pour réduire la pollution lumineuse, et quoi faire pour réussir une conversion de l’éclairage public dans le contexte actuel.
Et si vous voulez en savoir davantage sur la lumière bleue et ses effets néfastes, au mois de mai, à Sherbrooke, aura lieu le Congrès International « Artificial Light At Night – ALAN 2015 » – http://www.artificiallightatnight.org/ .
Si vous ne pouvez pas participer, continuez à suivre cette chronique – ça vous permettra de vous tenir au courant!
Bibliographie et crédits :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Diffusion_Rayleigh#Couleur_du_ciel
http://fr.wikipedia.org/wiki/Couleur_du_ciel
http://fr.wikipedia.org/wiki/Spectre_%C3%A9lectromagn%C3%A9tique
http://www.space.com/15864-nasa-apollo-11-moon-landing-photos.html
http://www.educabra.it/portfolio-items/sistema-solare-1/
Crédits des photos
Terre – http://www.educabra.it/portfolio-items/sistema-solare-1/
Lune – http://www.space.com/15864-nasa-apollo-11-moon-landing-photos.html