Le sourire paisible de la satisfaction du devoir accompli. Quelques jours avant sa retraite commencée le 1er juillet 2018, Waguih Geadah démontrait une sérénité hors du commun. Aucune nostalgie pour mettre un terme à 32 années consacrées à la santé et à la sécurité de travailleurs en usine pour le compte de l’ASFETM (Association sectorielle, Fabrication d’équipement de transport et de machines). Il savait bien qu’en réalité ce n’était qu’une transition vers d’autres activités qui, pour lui, sont une sorte de loisir alors que pour d’autres ce serait une carrière.
Plutôt qu’être des rêves, il s’agissait de projets puisqu’il avait déterminé une période pour la période d’entre «deux vies», des vacances, et une date pour la continuation de sa passion: être utile à la société, remettre au suivant. Mais son attachement à l’ASFETM se démontre bien, près de trois ans plus tard, par ses visites hebdomadaires au bureau où il était jadis coordonnateur de l’équipe d’intervention, incluant la conception des formations et de la documentation pour les travailleurs et leurs formateurs.
Pourquoi parler de Waguih Geadah dans une publication dédiée à l’électricité? Parce qu’il a été un acteur important de la santé et la sécurité du travail d’un grand nombre de professionnel.le.s de l’électricité œuvrant en usine. Santé et sécurité du travail sous toutes leurs formes, dont la ventilation industrielle, ce dont il est question un peu plus loin dans cet article.
À l’université à 16 ans
Waguih Geadah est arrivé au Québec avec sa famille, en provenance de l’Égypte, à l’âge de 18 ans. Sa précocité lui ayant permis d’être admis à l’université à l’âge de 16 ans, il a toujours été deux ans plus jeune que ses compagnons de classe. Une de ses tantes lui avait enseigné ce que «tout enfant devrait savoir» avant d’entrer à l’école. C’est donc directement en troisième année du bac en génie à Polytechnique Montréal que Waguih Geadah a continué ses études, en 1967. Bac qu’il a obtenu à l’âge de 20 ans.
Considéré comme beaucoup trop jeune par les employeurs de l’époque pour être ingénieur, il a choisi de continuer ses études et a obtenu sa maitrise en génie mécanique, toujours à Polytechnique Montréal. Question de finances et de passion, pendant ses études de maitrise il a enseigné la physique et le cinéma à l’école secondaire privée Marie-Clarac, à Montréal.
L’éducation était au cœur de sa famille. Son père, instituteur, a enseigné en Égypte et ensuite à Montréal, pendant le reste de sa vie active. Waguih a trois sœurs, dont deux sont ingénieures. La troisième, Yolande, détentrice d’un doctorat en sociologie, est bien connue par la publication de trois livres, mais aussi pour sa vie d’activiste. Elle travaille dans le domaine du développement international et des relations interculturelles.
Une retraite active
Pour Waguih, l’âge n’est qu’un chiffre; l’état d’esprit est une attitude, convaincu qu’il est que l’activité garde en forme et lui permet justement d’être utile à la société. Aussitôt les vacances de 2018 passées, il a enseigné l’introduction à la santé et à la sécurité aux étudiants en ressources humaines à l’UQAM. Voulant suivre les traces de son père et enseigner les sciences au secondaire, il a dû prendre des cours de maitrise en enseignement à l’UQAM, sa maitrise en génie et plus de 45 ans d’expérience ne suffisaient pas, selon les critères québécois de l’enseignement. Heureusement que malgré ses 70 ans passés, il a toujours soif d’apprendre. La chroniqueuse de La Presse Rima Elkouri lui a consacré un premier article en avril 2019.
Dans sa vision de remettre au suivant, Waguih fait aussi du bénévolat auprès de décrocheurs et nos antennes signalent qu’il y réussit bien. Il œuvre au Centre Jeunesse Unie de Parc-Extension via l’aide aux devoirs. Un immigré devenu tout ce qu’il y a de plus québécois depuis 54 ans, il est le bénévole idéal pour être bien accepté auprès des jeunes du quartier habité en presque totalité par des immigrés et enfants d’immigrés.
C’est d’ailleurs ce travail dans un secteur et une école où les budgets ne débordent pas qui lui a donné l’idée de réaliser un système de ventilation avec les moyens du bord – système D typique – afin de combattre à sa manière la propagation de la COVID-19. Une fois de plus, Rima Elkouri lui a consacré une importante partie de sa chronique du 9 janvier, dans La Presse.
Waguih Geadah, c’est un phénomène! Justement le genre d’immigré dont le Québec a besoin pour évoluer. Et c’est sans parler de son doigté diplomatique qui fait de lui un rassembleur, un leader dans le vrai sens du mot. Souhaitons que le Québec lui donne autant que ce qu’il donne au Québec. Un être à connaitre.