Si l’initiative d’Eaton et de Nissan est avant-gardiste, elle n’est pas l’unique projet de recherche en ce sens. En 2014, Hydro-Québec et Sony ont créé les Technologies Esstalion afin de développer des systèmes de stockage d’énergie de grande capacité destinée aux réseaux électriques. À l’été 2015, le projet a commencé ses premiers essais avec un prototype d’une puissance de 1,2 MWh, l’équivalent de 1 200 kWh ayant la capacité d’alimenter 23 maisons québécoises quotidiennement. (Voir l’article publié par Électricité Plus en juin 2015 en cliquant ici)
De plus, ce que fera Eaton consiste à récupérer et réutiliser les piles lithium-ion pour en faire des systèmes électriques de stockage fixe comme le fait Tesla pour son système Powerwall.
Troquer les énergies polluantes contre des ressources durables, c’est le pari que prend le constructeur automobile japonais Nissan, qui entend se démarquer sur le terrain de jeu des énergies vertes. En signant un accord de partenariat avec l’expert en solutions énergétiques Eaton, Nissan mise sur la batterie modèle 24 kWh, offerte sur la LEAF, et vise à prolonger sa durée de vie utile.
D’une durabilité de 9 à 13 ans, la batterie lithium-ion du véhicule électrique le plus vendu au monde pourrait, en fin de vie, servir à un emploi domestique. En marge de la Conférence de Paris sur le climat, le 8 décembre dernier, Eaton et Nissan ont annoncé leur alliance stratégique dans le combat contre les changements climatiques et vers l’efficacité énergétique en lançant une étude sur les façons d’élargir l’accès à une énergie propre à faible cout.
L’objectif commun des parties: intégrer les sources d’énergies renouvelables aux réseaux de distribution électrique sans compromettre leur stabilité. En combinant leur expertise respective, Eaton et Nissan cherchent à concevoir et mettre en marché un système de stockage et de contrôle autonome de l’énergie afin d’offrir une seconde vie à la batterie automobile LEAF. Concrètement, l’usage de cette batterie recyclée serait combiné par intermittence à des panneaux solaires photovoltaïques afin d’alimenter une résidence en énergie.
« Les batteries ont une longévité bien supérieure à la durée de vie utile d’une voiture, explique Robert Lujan, responsable des véhicules électriques chez Nissan Global. Nous produisons depuis des années les batteries de nos véhicules électriques, et ce projet va nous permettre de prolonger la durée de vie de nos modèles 24 kWh en les utilisant dans d’autres applications après leur usage dans un véhicule ».
Alimentation en continu
Ce système de stockage de l’énergie permettrait de profiter d’une alimentation en électricité continue, stable et efficace, en plus d’éviter les pointes de consommation alors que le réseau électrique est engorgé ou le recours à des générateurs diesel, combustible polluant et dispendieux.
« C’est une solution durable pour récupérer une batterie d’auto en fin de vie et d’en faire de la valorisation directe », de commenter Mourad Ben Amor, directeur et fondateur du Laboratoire interdisciplinaire de recherche en ingénierie durable et écoconception au département de génie civil de l’Université de Sherbrooke. Pour cet expert, cette vision innovante s’avère des plus intéressantes au point de vue environnemental, une façon efficace de diminuer la pression sur le réseau électrique, surtout en période de pointe ou hivernale.
Pour sa part, Cyrille Brisson, vice-président marketing du secteur électrique d’Eaton, estime que « ces systèmes vont faciliter l’adoption et le développement des énergies renouvelables, donnant aux gens une plus grande maitrise de leur approvisionnement et de leur consommation électrique ».
85 % des batteries réutilisables
En plus de limiter le recours constant à des batteries neuves, le constructeur automobile Nissan souhaite éviter le gaspillage de ressources naturelles. Rappelons qu’un rapport de l’Institut des transports Mineta à l’Université d’État de San Jose prévoit que d’ici 20 ans, il y aura de 1,3 à 6,7 millions de batteries usagées disponibles sur le marché. De ces chiffres projetés, 85 % des batteries pourraient être réutilisées, alors que seulement 15% seraient trop détériorés pour servir à d’autres fins.
Toujours selon l’Institut Mineta, la valeur marchande de la batterie usagée 24 kWh de la LEAF de Nissan oscillerait autour de 2 000 et 2 700 $ U.S. Dans cette perspective, il y aurait suffisamment de batteries en circulation pour justifier le besoin de recycler cette ressource énergétique.
Ben Amor croit qu’il faut se pencher dès maintenant sur ces questions de revalorisation, alors que les voitures électriques n’ont pas atteint leur fin de vie utile. « C’est un principe similaire à celui de la biénergie, mais avec une batterie, et pas à partir de matière vierge. Les batteries sont durables, performantes, et d’autres applications peuvent être envisagées », croit-il.