Le gouvernement fédéral, qui peine à remplir ses propres engagements dans de nombreux domaines (on n’a qu’à penser à son projet de planter deux milliards d’arbres en 10 ans) et il se veut aujourd’hui le chantre de l’électricité propre. Lui qui aide les pétrolières à engranger autant d’argent que possible… Il a publié récemment son projet de règlement sur l’électricité propre. Le projet de règlement vise à aider le Canada à se doter d’un réseau d’électricité carboneutre d’ici 2035, en étroite collaboration avec les provinces, les territoires, les partenaires autochtones, l’industrie et d’autres intervenants. Rien de moins.
Ce que le gouvernement semble ignorer, c’est que la presque totalité du Canada a déjà une électricité propre, abordable et fiable. Il aura beaucoup de pain sur la planche en Alberta, où le gouvernement met sur pause toutes les approbations de grands projets d’énergie renouvelable. L’industrie se montre d’ailleurs réfractaire à l’idée, mentionnant qu’il s’agit là d’une très mauvaise décision qui, probablement, coutera cher à l’économie de la province.
« One size fits all » semble être le mot d’ordre mais les provinces les plus consommatrices d’électricité, mise à part l’Ontario, sont déjà bien équipée en matière d’électricité propre, ce qui laisse soupçonner que le gouvernement, qui annonce que plus de 40 milliards de nouveaux crédits d’impôt et d’autres grands investissements fédéraux pour contribuer à générer encore plus de possibilités économiques liées à la construction de nouvelles sources d’énergie et à la rénovation de centrales existantes, a reçu des demandes précises de provinces qui pourraient décider de sa réélection ou non. Ça ressemble drôlement aux besoins de l’Ontario et de l’Alberta. Et pour bien trouver des appuis dans le public, ce gouvernement lancera une période de consultation de 75 jours au début de 2024, pour « éclairer la vision définitive du règlement en question ». Pendant que le bon peuple cogitera à la place du gouvernement, il oubliera qu’il aimerait avoir une enquête relative aux ingérences politiques de puissances étrangère. Ah? Bon!
L’IEDM remet son grain de sel
Autrefois nommé l’Institut économique de Montréal, il a aussi maintenant des bureaux à Calgary. L’institut profite de la discussion ouverte sur la production d’électricité au Québec pour apporter sa propre vision, qu’elle fait appuyer par des experts; surtout qu’au Québec on aura besoin de plus de 100 térawattheures (TWh) supplémentaires d’électricité d’ici 2050 pour atteindre la sacro-sainte carboneutralité. Le Québec peut produire présentement jusqu’à 200 TWh annuellement, à plus de 98% de source renouvelable.
Il n’en fallait pas plus pour que l’IEDM revienne avec son idée de faire augmenter le prix de l’électricité, en prenant bien soin de suggérer des mesures d’atténuation des conséquences sur les familles à faible revenu. Rappelons qu’au milieu des années ’70, un baril de pétrole se vendait 4$; il frôle aujourd’hui les 100$, et la proposition de l’IDEM viendrait probablement donner la même poussée aux prix de l’électricité. Surtout, l’IEDM revient avec l’idée de délier les mains des producteurs d’électricité indépendants afin qu’ils puissent augmenter l’offre et réduire la pression sur Hydro-Québec. L’Institut suggère notamment d’abroger la limite de 50 mégawatts de capacité que Québec impose aux barrages de producteurs indépendants souhaitant revendre leur énergie à Hydro-Québec.
Sachant que l’influence de la famille Desmarais est majeure à l’IEDM (c’est Hélène Desmarais qui est la Présidente du conseil d’administration), il est plutôt ironique de constater qu’une fois de plus l’IEDM prône une présence active du privé dans la propriété de l’électricité au Québec alors que la fortune de la famille Desmarais a l’électricité comme origine. Rappelons que Power Corporation a rempli ses coffres lors de la nationalisation de l’électricité et que Paul Desmarais père a mis la main sur cette entreprise alors que son seul actif était de l’argent.
Ce qui dérange un peu aussi, et qui est désolant, c’est de constater que l’expert Pierre-Olivier Pineau, de la Chaire de gestion de l’énergie de HEC Montréal, prône même la vente d’électricité de sources privées directement à des entreprises, sans passer par Hydro-Québec et même, dans un deuxième temps, aux ménages. Si ce n’est pas de la privatisation de l’électricité, qu’est-ce que c’est? Et toujours on parle d’Hydro-Québec, sans considérer les autres producteurs d’électricité au Québec, comme Hydro-Sherbrooke, Hydro-Joliette et tous les autres membres de l’AREQ (Association des redistributeurs d’électricité du Québec) qui possèdent de petites installations de production. Cependant, donnons le bénéfice du doute à Monsieur Pineau comme quoi il est de bonne foi.
Les ainés peuvent nous parler de l’époque où l’électricité appartenait au privé. Horesco referens ! À peu près personne qui a connu ce système au comportement parfois sauvage ne voudrait y retourner. Surtout que les profits d’Hydro-Québec viennent réduire nos taxes et impôts tout en limitant le cout de l’électricité pour les usagers. La famille Desmarais pourrait acheter à elle seule Hydro-Québec grâce aux importants tentacules financiers de Power Corporation du Canada, société de gestion et de portefeuille contrôlée par la famille Desmarais.
Bien sûr, question d’avoir une apparente bonne conscience, on parle que les producteurs privés pourraient être des MRC, des municipalités et des coopératives de pair avec les entreprises privées. Mais réalisons bien que pendant le temps qu’il faut à ces organismes pour analyser les projets et les rendre jusqu’à une décision, l’entreprise privée a eu le temps de faire ses études, prendre les décisions, assurer le financement, construire le tout et commencer son exploitation. Pas pareil… Hydro-Québec accorde beaucoup d’importance à l’acceptabilité sociale, ce qui n’est pas nécessairement le cas du privé.
Il devient capital que les partis d’opposition à Québec accentuent leurs actions contre toute forme de privatisation d’Hydro-Québec et d’abolition de son monopole (presque) sur l’électricité. Pour les particuliers, il est dommage qu’ils ne puissent autoproduire plus de 20 mégawatts avec leurs ressources alternatives et les entreprises pas plus de 50 mégawatts. Mais c’est le mur de sécurité (le firewall) en place pour empêcher la mainmise sur l’électricité par le privé qui ne se priverait pas d’augmenter le prix de l’électricité au même niveau que nos voisins, question d’équité, croit-on…
Pourquoi changer quelque chose qui fonctionne bien?