Depuis la publication d’une lettre ouverte, le 24 mai dernier dans Le Devoir, le débat autour des dangers pour la santé des nouveaux compteurs électriques dits « intelligents » n’a pas cessé. Dans cette lettre, plus de cinquante scientifiques et ingénieurs indiquaient être en désaccord avec les principaux arguments contre l’installation des compteurs intelligents et ayant trait à leurs effets sur la santé. Depuis, le magazine La Maison du 21e siècle a publié un article dénonçant ce qu’ils qualifient de « désinformation flagrante ». Plus récemment, l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) revenait sur le sujet des ondes électromagnétiques en émettant un communiqué dans lequel elle porte un regard critique sur un projet de recherche de l’École Polytechnique de Montréal. La précaution est de mise, croit l’association.
Les radiofréquences ont-ils des effets sur la santé ? Les avis divergent et le débat a pris de l’ampleur depuis qu’Hydro-Québec a annoncé l’installation de 3,8 millions de compteurs intelligents dans les foyers québécois. Une pétition signée par 10 000 citoyens a même été déposée à l’Assemblée nationale du Québec pour réclamer un moratoire sur l’installation de ces compteurs. Dans une lettre publiée en mai dernier dans Le Devoir, scientifiques et ingénieurs indiquent pourtant que les actions et revendications de plusieurs groupes se basent sur des arguments qui manquent de preuves scientifiques. « Il est vrai que, dans chacun des cas susmentionnés, un certain nombre de publications scientifiques rapportent des observations préoccupantes, mais cela n’élève aucunement ces observations au rang de preuve, disent-ils. La publication par un ou plusieurs chercheurs d’une étude dans une revue avec comité de lecture ne constitue pas la preuve d’un effet. »
Les risques pour la santé
Les citoyens opposés aux compteurs intelligents évoquent de nombreux problèmes de santé attribuables à la présence de radiofréquences, notamment des maux de tête, de l’insomnie, des palpitations cardiaques, mais aussi une augmentation des risques de cancer. Ces craintes ont été réitérées par le Dr David O. Carpenter, professeur de santé publique à l’Université d’Albany (New-York), le 9 juillet dernier, dans le magazine québécois La Maison du 21e siècle. Le Dr Carpenter a cosigné, avec des scientifiques et professionnels de la santé, des centaines d’études sur les effets des champs électromagnétiques sur la santé. Il n’hésite pas à qualifier de « désinformation flagrante » la lettre publiée quelques mois plus tôt dans Le Devoir et indique que les études qui affirment que l’exposition aux radiofréquences de faible intensité ne montrent pas de hausse de cas de cancer ont, pour la plupart, été financées par l’industrie des télécommunications sans fil et comportaient des failles de conception importantes. « Des études non financées par l’industrie ont clairement démontré l’augmentation notable de l’incidence de cancer chez les individus surexposés de façon prolongée à de faibles doses de micro-ondes, émises notamment par des antennes radio, a déclaré le Dr Carpenter dans La Maison du 21e siècle. Ces effets ont été bien documentés lors des méta-analyses des résultats regroupés de plusieurs études portant sur les usagers d’un téléphone cellulaire : ces analyses ont systématiquement démontré un doublement du risque de cancer du cerveau chez les usagers exposés aux RF/micro-ondes d’un cellulaire depuis au moins dix ans. »
La prudence est de mise
L’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) se montre également très inquiète au sujet de l’impact des compteurs intelligents sur la santé. Dans un communiqué diffusé le 31 janvier 2013, l’organisme émet des doutes concernant une étude universitaire annoncée par une équipe de recherche du département de génie physique de l’École Polytechnique de Montréal. Cette recherche devrait, selon l’AQLPA, être initiée et dirigée par des spécialistes de la santé humaine, ce qui n’est pas le cas. De plus, l’association souligne que le chargé de cours qui dirige vraisemblablement cette équipe, M. Thomas Gervais, serait l’initiateur et le cosignataire de la lettre publiée en mai dernier dans Le Devoir. « Connaissant les opinions de M. Gervais sur la question de l’hypersensibilité grâce à des propos désobligeants au sujet des personnes atteintes et à la lettre ouverte devenue pétition, on peut penser que l’étude a pour objectif de discréditer les personnes se disant hypersensibles ainsi que les spécialistes de la santé ayant signée une lettre publique dénonçant la « désinformation flagrante » qu’on retrouvait dans la lettre de M. Gervais et cie publiée dans le journal Le Devoir », peut-on lire dans le communiqué de l’AQLPA. L’association se joint donc aux scientifiques inquiets et demande l’application du principe de précaution quant aux ondes électromagnétiques. De plus, l’AQLPA réclame une commission du BAPE sur les risques liés à l’exposition aux ondes électromagnétiques ainsi qu’un moratoire sur le déploiement des compteurs intelligents dans l’attente des résultats de cette commission. »
De leur côté, les scientifiques signataires de la lettre publiée dans Le Devoir craignent qu’un moratoire sur les compteurs intelligents basé sur des raisons de santé « mène, par analogie directe, à un moratoire sur les émetteurs Wifi dans l’environnement urbain. En effet, si nous condamnons les compteurs, il faut aussi logiquement condamner les émetteurs WiFi, les téléphones cellulaires, les téléphones sans fil de maison et les fours à micro-ondes, puisque ces appareils émettent des radiofréquences à des niveaux d’intensité égaux ou plus élevés que les compteurs. » Le débat risque d’être encore long.
(Sources : Le Devoir, La Maison du 21e siècle, l’AQLPA)
Cette photo est pour illustration, seulement comme exemple de ce qu’est un compteur intelligent. Ceux d’Hydro-Québec ne sont pas nécessairement identiques à celui-ci.