En 2015, Marc Bédard, président d’Autobus Lion – aujourd’hui La Compagnie électrique Lion –, cherchait déjà à mobiliser des partenaires de premier plan en électrification des transports pour œuvrer au développement de camions électriques dans le secteur du transport. Un an plus tard, à l’automne 2016, Québec lançait un appel à projets et débloquait les sommes nécessaires à la réalisation des ambitions de Lion, qui avait fait jusque-là sa niche dans les autobus scolaires électriques. Depuis, l’eLionM, un autobus à mi-chemin entre le mini et le midibus, ainsi qu’un camion urbain électriques ont été dévoilés sur les quatre prototypes promis.
(Pour revoir le texte d’Électricité Plus sur le lancement du eLionM à l’été et du camion urbain à l’automne 2018, cliquer ici)
Alors que le gouvernement a ouvert en début d’année un deuxième appel pour des projets mobilisateurs en électrification des transports, le tout premier – et seul – projet retenu lors du premier appel, Développement mobilisateur de véhicules lourds innovants 100 % électriques (VLIé), financé à hauteur de 8,6 M$, vient de conclure sa première année d’existence.
Le président du conseil d’administration de VLIé, Marc Bédard, se montre emballé par l’intérêt des opérateurs de partout en Amérique du Nord et à travers le monde envers l’électrification des transports. « Pour le Québec, c’est une fenêtre d’opportunité à saisir. Un véritable écosystème se bâtit, et les fournisseurs québécois étendent leur offre de service. Le Québec pourrait bien devenir le berceau de l’électrification », rêve M. Bédard.
En ce qui a trait aux retombées du projet, une trentaine d’emplois ont été créés à La Compagnie électrique Lion, mais la commercialisation des véhicules aurait potentiel de générer 1500 emplois sur dix ans.
Brochette d’expertises, partenaires complémentaires
Le projet mobilisateur initial visait à concevoir deux autobus électriques pour le transport de personnes et deux camions pour le transport de marchandises et de services, dans lequel les partenaires La Compagnie électrique Lion, TM4, AddÉnergie, Adetel et Alcoa Canada, devenu désormais sous-traitant, ont accepté de s’investir.
L’Institut du véhicule innovant (IVI) de Saint-Jérôme, un sous-traitant stratégique de longue date de Lion, offrant son expertise en ingénierie électrique et Innovation en énergie électrique (InnovÉÉ), qui assure par rapport au choix de produit une veille technologique, se sont joints à l’aventure et siègent au conseil d’administration.
« L’IVI a contribué à plusieurs niveaux, explique Marc Bédard, notamment au développement de bloc-batteries et autres composantes. »
Pour le chef de la direction de La Compagnie électrique Lion, il était important de garder le contrôle sur la fabrication de toutes les composantes, du châssis aux batteries des véhicules. « Nous voulons être en contrôle de toute la chaîne d’approvisionnement des composantes principales pour ne pas dépendre d’un fournisseur en particulier. Ainsi, nous avons développé nous-mêmes un système de gestion des batteries », explique-t-il.
De son côté, AddÉnergie a conçu une borne de recharge rapide de 100 kW afin de raccourcir le temps de charge et d’optimiser le taux d’utilisation des véhicules tandis que TM4, filiale d’Hydro-Québec, a mis au point dans le cadre de ce projet son moteur SUMO d’une puissance de 190 kW et qu’Adetel a créé un système de télémétrie avancé capable de mesurer à distance les performances du véhicule électrique et d’anticiper les besoins de maintenance.
« Nos partenaires, avec qui nous avons une belle complémentarité, rayonnent déjà à l’international et peuvent vendre leurs innovations dans d’autres pays. Nous avons ensemble des ententes commerciales d’exclusivités, par exemple, pour une certaine période de temps ou encore sur un certain segment de marché », poursuit Marc Bédard.
Puissance et batteries permutables
D’une autonomie de plus de 240 km, les deux véhicules lourds présentés par Lion innovent en proposant deux batteries permutables, c’est-à-dire qui peuvent se relayer pour doubler l’autonomie. « C’est du jamais-vu, lance M. Bédard. Les véhicules peuvent transiter entre Montréal et Québec, puis revenir à Montréal en remplaçant la batterie, une opération d’à peine 5 à 10 minutes. » Ainsi, les deux batteries de 80 kWh procurent 160 kWh, ce qui prolonge l’autonomie du véhicule.
Le camion urbain a été bâti sur les mêmes principes, mais plutôt que de miser sur les longues distances comme Tesla avec son Semi qui offrira 1000 km d’autonomie, Lion vise le marché du service et du transport de marchandises de moins de 250 km. « La moitié du secteur du transport réalise des trajets de moins de 250 km, estime Marc Bédard. On vise ce 50 % de marché composé des véhicules d’Hydro-Québec, de Vidéotron ou de Bell, par exemple, ou encore des véhicules ambulanciers. Ce n’est pas le même marché que Tesla. »
Parmi les autres innovations de ses véhicules, Lion a travaillé sur la mise au point d’une cabine de pilotage intelligente et ergonomique, qui offre au conducteur un bon équilibre d’information à portée de main. « On profite de l’électrification pour ajouter des fonctions de télémétrie et d’accès à distance au camion, explique Marc Bédard. On peut ainsi savoir à quel endroit se trouve le camion, comment il se comporte et évaluer les besoins de maintenance préventive. »
Course constante
Somme toute, après un peu plus d’un an à plancher sur le projet, M. Bédard affirme être dans les délais de l’échéancier qu’il s’était fixé. « C’est une course constante contre la montre, car les technologies évoluent rapidement », glisse-t-il. Alors que la moitié de l’enveloppe de financement initialement accordée par Québec a été dédiée au développement des produits, il mentionne que chaque partenaire a également contribué à offrir l’autre 50 % de la somme nécessaire.
Bien que deux des quatre véhicules aient été dévoilés il y a huit mois, Marc Bédard laisse entendre que les autres annonces de véhicules innovants vont « débouler ». « Ce seront des frère et sœur des véhicules déjà annoncés, ils seront plus petits, mais partageront le même ADN. Ces véhicules lourds électriques arriveront sur le marché en 2020, et possiblement dès la fin 2019 », prédit-il.
Le second appel de projets en électrification des transports s’est terminé le 9 mars, et qui sait quels autres projets viendront bonifier l’offre québécoise en matière de mobilité électrique. Des dévoilements devraient suivre dans les prochains mois.