Après que le Québec eut connu une importante vague d’inondations au printemps, l’Université de Sherbrooke annonçait, quelques semaines plus tard, la création d’une Chaire de recherche industrielle du CRSNG sur la valorisation de la Terre en ressources hydriques. La Chaire à laquelle s’associent Hydro-Québec, Énergie Brookfield et la Ville de Sherbrooke vise à mieux prévoir les débits en rivière, incluant les crues printanières, et aider tant les producteurs que les distributeurs d’électricité à moduler le débit de leurs barrages en conséquence.
Le titulaire de la nouvelle Chaire de recherche Robert Leconte s’appuie sur l’utilisation d’images satellites pour connaitre l’état hydrologique des bassins versants, à savoir l’humidité du sol ainsi que les quantités de neige au sol, ceci afin d’améliorer le processus de prévision des débits lors de précipitations liquides et lors de la fonte des neiges. La pertinence de cette Chaire s’impose dans le contexte où les changements climatiques provoquent un bouleversement météorologique, qui se fait ressentir un peu partout sur la planète.
« Je ne sais pas si on peut attribuer ceci aux changements climatiques, mais c’est certain qu’en Amérique du Nord, on vit maintenant les inondations plus fréquemment et plus intensément, concède le professeur Leconte, en entrevue avec Électricité Plus. Le problème, c’est qu’il y a des centaines de kilomètres carrés de bassins versants dont la taille varie et desquels nous devons collecter de l’information. Il y a des stations de mesures pour la météo, les débits et les stocks de neige au Québec, mais ils donnent un portrait incomplet du contexte hydrométéorologique des bassins versants. »
Pour mener à bien ses travaux de recherche, la Chaire disposera d’un budget de 2,1 M$ sur cinq ans, et l’équipe travaillera en partenariat avec le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG). « Les entreprises productrices d’énergie comme Hydro-Québec et Brookfield ont tout intérêt à connaitre leurs rivières afin de bien gérer leur parc d’équipements pour optimiser la production tout en respectant diverses contraintes environnementales et autres. Pour Hydro-Sherbrooke, dont le parc de centrales hydroélectriques est plus modeste et dont les centrales sont installées au fil de l’eau plutôt que dans des réservoirs, cette connaissance des rivières permet de mieux protéger la ville contre les inondations », explique le professeur Leconte.
Prévisions en temps réel
Anticiper les débits d’eau peut s’avérer une opération délicate puisqu’il faut s’appuyer sur des modèles mathématiques en hydrologie complexes, poursuit Robert Leconte, et entrer les données sur les précipitations dans ce modèle pour estimer les débits qui s’écouleront dans la rivière. L’équipe de la Chaire veut se servir de la télédétection – l’étude de la surface terrestre par l’analyse d’images satellites – pour obtenir des données en amont sur les bassins versants, dont l’eau s’écoule par les rivières.
On prévoit notamment le déploiement sur le terrain de sondes pour faire le suivi de l’humidité du sol. Au nord de la Baie-James, une vingtaine de sondes seront installées pour la collecte de données. À moyen terme, on prévoit en installer le double, soit une quarantaine. « Le territoire est immense, il n’y en aura pas partout, précise M. Leconte. La télédétection nous permettra d’extrapoler les données là où il n’y a pas de sondes. »
Pour ce faire, l’équipe devra travailler sur la mise au point d’algorithmes mathématiques capables de calculer l’humidité du sol où aucune sonde n’a été installée. Robert Leconte conçoit que la fiabilité des données ne sera pas parfaite, mais il faudra trouver des modèles qui représenteront fidèlement la réalité afin de se rapprocher du meilleur résultat possible pour améliorer les prévisions en temps réel.
Ces données auront ainsi un impact direct sur la capacité des gestionnaires d’ouvrages hydroélectriques à optimiser davantage la ressource en eau et anticiper l’intensité des débits pouvant survenir. « Hydro-Québec le fait déjà, mais nos données permettront une meilleure information de gestion et d’améliorer le rendement de cette gestion de l’eau », estime le professeur Leconte.
Sur la photo d’introduction, de g. à d., Bruno Benedetti, d’Énergie Brookfield, et Jocelyn Gaudet, d’Hydro-Québec, Robert Leconte, titulaire de la Chaire, Jean-Pierre Perreault, vice-recteur à la recherche et aux études supérieures de l’Université de Sherbrooke, et Patrik Doucet, doyen de la Faculté de génie.