L’éclairage artificiel augmente très rapidement, propulsé par la variété de systèmes d’éclairage créée et mise en marché par les manufacturiers, ainsi que par la volonté des humains de rallonger leurs journées. L’éclairage artificiel a commencé avec l’invention de la lumière à incandescence, en 1879. Parmi les belles découvertes et inventions depuis, les DEL viennent en tête de liste. Avec elles viennent de nombreux problèmes, mais autant – sinon plus – de belles solutions.
Certains problèmes encourus avec les DEL blanches sont d’ordre technique, alors que d’autres relèvent plutôt du comportement des personnes qui utilisent l’éclairage. L’invention du filtre par le professeur Martin Aubé en est un bel exemple; à ses yeux, il faut amener l’industrie à concevoir des lumières respectueuses des caractéristiques humaines et trouver des solutions respectueuses aussi de l’environnement. Il touche ainsi l’aspect humain et du même coup son invention permet d’utiliser les produits existant des manufacturiers avec plus de sécurité ; on ne réinvente pas la roue, on l’améliore. Ce filtre permet de réduire l’effet des ondes bleues contenues dans la lumière blanche des DEL.
Le cégep de Sherbrooke a été l’hôte du symposium célébrant le 5e anniversaire de la Réserve internationale de ciel étoilé du Mont Mégantic (RICÉMM) le 11 décembre dernier. Bien sûr, la directrice du cégep, Mme Marie-France Bélanger, a tout lieu d’être fière de l’invention de son protégé, le professeur Aubé, et de la contribution d’une autre de ses protégées au processus conduisant à cette invention, Mme Johanne Roby. Non seulement l’invention fait rejaillir une belle réputation sur le cégep, mais en plus, comme l’invention est la propriété du cégep, il pourrait éventuellement y avoir des retombées économiques intéressantes pour l’institution. Le cégep a concédé une première licence d’utilisation du brevet d’invention à une firme locale, Ledtech International, qui a confié la fabrication à un sous-traitant et qui travaille présentement à la mise en marché du filtre.
M. Aubé travaille en étroite collaboration avec deux autres Ph. D., M. Marc Hébert et Mme Johanne Roby. M. Hébert est chronobiologiste, détenteur d’une maitrise et d’un doctorat en neuroscience; il est professeur titulaire au département d’oto-rhino-laryngologie et ophtalmologie de la faculté de Médecine de l’Université Laval, à Québec et chercheur au Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Québec. Quant à Mme Roby, elle détient un Ph. D. en chimie et est professeure-chercheure au cégep de Sherbrooke, membre associée du groupe Graphycs et du Centre d’étude et de recherche transdisciplinaire étudiants-enseignants, et professeure associée au département de génie électrique et informatique de l’Université de Sherbrooke. En ce qui concerne M. Aubé, il est détenteur d’un doctorat en télédétection de l’atmosphère, membre du centre de recherche en astrophysique du Québec (Mont Mégantic), membre du conseil d’administration de l’Astrolab du Mont Mégantic, professeur de physique et chercheur au cégep de Sherbrooke, coordonnateur du groupe Graphycs, responsable du Centre d’étude et de recherche transdisciplinaire étudiants-enseignants, et
professeur associé en géomatique appliquée à l’Université de Sherbrooke.
En autres mots, cette équipe est ultra spécialisée et les champs d’expertise spécifique permettent de considérer plusieurs aspects des projets sous sa férule.
Quelques autres solutions ont été présentées lors du symposium de décembre, notamment par M. Éric Ladouceur, conseiller technique chez Philips-Lumec, de Boisbriand, par M. Robert Dick, propriétaire de Canadian Scotiobiology Group et directeur du Canadian Light Pollution Abatement Program de la Royal Astronomical Society of Canada, en plus de M. Jean-Pierre Lavallée, directeur général de Ledtech International.
La brochette de conférenciers et conférencières lors du symposium de Sherbrooke est des plus impressionnantes. La masse d’information exposée ce jour-là pourrait constituer un cours complet sur l’éclairage. Mme Roby a entre autres mentionné que la pollution lumineuse à la grandeur de la terre augmente présentement au rythme d’environ 6% par année. L’éclairage artificiel serait donc le principal élément qui fait que la période de noirceur quotidienne vécue est réduite entre quatre et sept heures par jour depuis l’invention de la lumière, il y a à peine 130 ans. Pas surprenant que l’Organisation mondiale de la santé fait une corrélation avec les cancers du sein et de la prostate, puisque la lumière artificielle, et particulièrement les DEL blanches, perturbe le cycle circadien, donc réduit le nombre d’heures de sommeil. On sait que les cancers hormonaux touchent les régions urbaines à 73% plus qu’en région rurale, et l’on croit que 30% ce ces cas ont l’éclairage comme cause probable.
Cependant, comme le fait remarquer M. Marc Hébert, il s’agit de corrélation et non pas de cause prouvée. Mais il ajoute que le manque de sommeil provoque des problèmes de santé de tous ordres. Il fait remarquer qu’après 24 heures sans dormir, un individu a des réactions semblables à un taux d’alcoolémie de .08%, la limite acceptée pour la conduite de véhicules automobiles. Du côté de l’information purement technique, M. Hébert a souligné que la température maximale de couleur de l’éclairage est de 2600 kelvin; or les lumières incandescentes oscillent aux environs de 2000 kelvin, alors que le soleil monte à 5000 kelvin. Les DEL blanches montent à 5800 kelvin et les lampes fluocompactes à 6500 kelvin.
Parmi les autres conférenciers, Robert Lamontagne, directeur exécutif de l’Observatoire du Mont Mégantic, est venu parler des succès de l’observatoire et du Centre de recherche en astrophysique du Québec, qui regroupe l’observatoire, l’université Laval, l’université de Montréal et l’université Bishop (de Lennoxville). Lui-même titulaire du prix d’excellence en enseignement en 2008 et du prix d’excellence en enseignement de la faculté des arts et des sciences de l’université de Montréal en 2009, il a parlé des hauts faits d’armes de l’organisme, dont l’invention par Olivier Daigle de la caméra la plus sensible au monde, dont la NASA s’est procuré un exemplaire, tout en mentionnant que le CRAQ a formé 20 % des Ph. D. en astrophysique au Canada au cours des 20 dernières années, soit 70 environ. Conférencier hors pair qui a publié des dizaines de « papiers » sur divers aspects de l’astrophysique, en plus de répondre à une quantité importante d’entrevues à la télévision et à la radio, ainsi que de différentes publications imprimées. Après l’avoir écouté, on réalise la profondeur de la citation du poète Guillaume Apollinaire il y a près de 100 ans : « Il est grand temps de rallumer les étoiles ». Il aura effectivement fallu la création de la Réserve internationale de ciel étoilé du Mont Mégantic pour réveiller certaines autorités à la nécessité de se préoccuper de l’éclairage artificiel, pour en venir, comme le mentionne M. Sébastien Giguère, coordonnateur scientifique de l’Astrolab : « à ne pas éclairer moins, mais à éclairer mieux ».
On pourrait parler longtemps de ce symposium au cours duquel on a aussi pu entendre Mme Marie-France Bélanger, directrice générale du cégep de Sherbrooke, Mme Chloé Legris, directrice du département des technologies propres de Sherbrooke Innopole, Bernard Malenfant, président-fondateur de la corporation de l’Astrolab du Mont Mégantic, Pierre Goulet, directeur du parc National du Mont Mégantic, et Mihai Razvan Pecingina, président de la section Québec de l’International Dark-sky Association, qui parle surtout de La lumière sans nuisance, le slogan de l’association. Pour M. Pecingina, il est important de faire la différence entre la lumière utile et la lumière gaspillée. Il fait d’ailleurs la promotion du Règlement type sur l’éclairage extérieur, rédigé par Mme Chloé Legris, sous l’égide de la Fédération des astronomes amateurs du Québec. Et à ce sujet, il est à noter que Pierre Langlois, coordonnateur à la règlementation de la ville de Sherbrooke, est venu parler du projet de révision du règlement sur la protection du ciel nocturne de la Ville de Sherbrooke. Ce règlement date d’il y a cinq ans, et compte tenu de l’évolution rapide des système d’éclairage, dont les DEL, il est nécessaire de le revoir de fond en comble.
Tout ceci pour dire que le Québec devient une sommité mondiale grâce à ses organismes en astronomie, au Mont Mégantic – le seul observatoire en milieu universitaire au Canada – au CRAQ, et surtout à la multitude de scientifiques de l’astrophysique et de l’éclairage qui habitent et travaillent au Québec. Une richesse de savoir qui devient en quelque sorte une partie du patrimoine collectif du Québec, et, pour citer Mme Chloé Legris « que le Québec soit désormais un précurseur à l’échelle mondiale en observation du ciel étoilé, un pôle lumière et un précurseur en technologies et en règlementations sur l’éclairage artificiel extérieur ». Il n’en tient qu’à nos gens d’affaires, promoteurs et manufacturiers, de bénéficier de cette richesse incalculable. Si les québécois ne se réveillent pas à l’existence de cette richesse, notons que les conférenciers et conférencières cités dans ce texte sont invités ailleurs dans le monde pour exposer le fruit de leurs découvertes et certainement que des gens d’affaires d’ailleurs sauront reconnaitre cette occasion de développement économique.
On peut se risquer à dire qu’avec tous les problèmes liés à l’éclairage artificiel et surtout grâce à l’imagination des manufacturiers, l’industrie de l’éclairage n’est pas prête de s’éteindre…
Impressionnant groupe de scientifiques et de passionnés de l’astronomie/astrophysique qui se sont adressés aux participants du symposium. De g. à dr, première rangée : Sébastien Giguère, Robert Lamontagne, Martin Aubé, Pierre Langlois et Johanne Roby. Deuxième rangée : Bernard Malenfant, Robert Dick, Marc Hébert, Jean-Pierre Lavallée, Mihai Razvan Pecingina, Éric Ladouceur et Pierre Goulet. À noter que la centaine de participants au colloque était tout aussi intéressée et passionnée .
Les trois mousquetaires de la recherche universitaire ont contribué de leurs connaissances, ce qui a permis à Martin Aubé d’inventer le filtre à ondes bleues des DEL : Marc Hébert, Johanne Roby et l’inventeur Martin Aubé. L’invention pourrait éventuellement générer des revenus pour le cégep de Sherbrooke, détenteur du brevet d’invention du filtre.
Très habitué d’enseigner, Martin Aubé a expliqué de façon claire ses travaux ainsi que ceux du groupe Graphycs.
À l’aide d’une présentation PowerPoint bien ficelée, Marc Hébert a expliqué plusieurs éléments de la lumière, dont la température de couleur d’éclairage.
Johanne Roby a su bien illustrer la surabondance d’éclairage extérieur en centres urbains. Puisqu’une photo vaut mille mots…