Dans un avenir rapproché, nous vivrons et travaillerons dans des bâtiments autonomes qui pourront prévoir, détecter et répondre aux besoins en énergie des occupants, en plus de gérer cette énergie qui fera partie intégrante du réseau électrique, explique Meli Stylianou, du centre de recherche CanmetÉnergie de Ressources naturelles Canada. Le bâtiment devient ainsi une extension du réseau électrique.
Lors de la conférence Nouvelles technologies et marché québécois de l’électricité donnée au Rendez-vous sur l’électrification 4.0 en octobre dernier, M. Stylianou a expliqué le contexte actuel de la numérisation de l’énergie et de l’intelligence artificielle. La numérisation des réseaux électriques est de fait un chantier lié de près au concept de bâtiments intelligents résidentiels ou industriels.
La construction des bâtiments dans les années 60 et 70 ne prévoyait pas l’intégration des TIC (technologies de l’information et des communications), aujourd’hui utilisées pour optimiser les performances énergétiques, surveiller les systèmes électromécaniques et surtout assurer la sécurité et le confort des occupants et des travailleurs.
Les anciens bâtiments comportent peu de capteurs ou de dispositifs de contrôles de la température, de l’humidité, de l’éclairage et de la ventilation. Le plus souvent, ce sont des dispositifs pneumatiques, considérés comme révolus. Dans ces édifices, les consommateurs d’électricité sont dits passifs et un opérateur est nécessaire dès qu’on dépasse une certaine taille.
Aujourd’hui, des capteurs en tous genres sont omniprésents dans l’environnement et les contrôles sont de plus en plus intelligents. Ces capteurs permettent d’identifier et de diagnostiquer des anomalies sur les panneaux de contrôle installés dans la majorité des nouveaux grands bâtiments et résidences. Avec l’avènement de ce contexte numérique, le consommateur devient actif : un consom’acteur. Toutefois, la présence d’un opérateur demeure nécessaire dès que la structure atteint une certaine taille.
Un bâtiment à notre service
L’expert en bâtiment intelligent, M. Stylianou, explique les deux axes d’évolution : identifier la meilleure façon d’opérer pour fournir un environnement sain et sécuritaire pour l’occupant et identifier la meilleure façon de consommer et produire de l’électricité.
On cherche à optimiser l’opération de systèmes électromécaniques, par exemple en modulant la température de l’eau de refroidissement selon les conditions météo, en identifiant les anomalies ou bris d’opération et en avisant l’opérateur.
Dans un bâtiment en chantier, le concepteur peut déjà prévoir l’intégration des systèmes de contrôle. Pour ceux déjà existants, des systèmes de supervision en intelligence artificielle sont disponibles sur le marché. Ces systèmes agissent en utilisant les données du système de contrôle provenant des capteurs.
Mathieu Gillet, responsable du développement et du programme quartiers et municipalités durables pour Écohabitation, rappelle que la recherche et le développement sont également avancés dans le domaine des convertisseurs de compteurs électriques et à basse tension, en mettant l’accent sur les TIC et la commutation haute fréquence.
De même, on développe des onduleurs intelligents de nouvelle génération qui permettront l’adoption massive des ressources d’énergie distribuées (RED) résidentielles, tout en fournissant des services d’optimisation du réseau aux services publics.
Des conditions à prévoir
Pendant sa conférence au Rendez-vous sur l’électrification 4.0, Mathieu Gillet a tenté de répondre à ces questions importantes : est-ce qu’un bâtiment intelligent définit un bâtiment vert, un bâtiment durable? Sommes-nous vraiment dans la bonne direction?
Il a d’abord rappelé les avantages de la numérisation et de l’intelligence numérique (contrôles pour une meilleure efficacité énergétique, confort et sécurité, entre autres), mais mentionne aussi qu’un bâtiment ne sera intelligent qu’à certaines conditions, soit s’il :
- répond à un besoin collectif;
- est localisé intelligemment, contribuant à créer des écocitoyens sur un territoire intelligent;
- permet de consommer beaucoup moins d’énergie;
- est conçu en pensant à ce qu’il sera une fois sa fin de vie dépassée;
- respecte les capacités portantes des écosystèmes.
Autrement, prévient M. Gillet, on ne fait qu’un traitement palliatif – on soigne sans guérir.
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