Devant le constat qu’Hydro-Québec se prépare à l’arrivée massive d’autoproducteurs d’énergie solaire, l’association Énergie Solaire Québec, qui défend le droit de quiconque souhaite créer son propre système écoénergétique, se réjouit de cette récente ouverture au solaire. « Le gouvernement et Hydro-Québec doivent encourager les autoproducteurs d’énergie solaire, martèle avec conviction Sass Peress, chef du conseil d’administration de l’organisme sans but lucratif; il ne faut pas les pénaliser, mais les subventionner. »
Appelé à réagir au sujet des propos d’Éric Martel, président-directeur général d’Hydro-Québec, au sujet du rôle d’acheteur que pourrait bientôt avoir Hydro-Québec face aux petits producteurs d’électricité solaire, M. Peress estime que les autoproducteurs rendraient service à la société d’État en réduisant son fardeau en période de pointe de consommation. « En période de pointe hivernale, par exemple, Hydro-Québec achète à l’extérieur de l’électricité, ce qui coute très cher », rappelle-t-il.
(Pour lire notre article concernant les propos d’Éric Martel, cliquer ici.)
Sass Peress croit que des subventions pourraient éventuellement être offertes aux autoproducteurs d’énergie solaire sous forme de crédit d’impôt ou de rabais sur les taxes des équipements de production d’énergie. « Il faut créer le momentum, soulève M. Peress. L’état du Vermont aux États-Unis et l’Ontario de ce côté-ci de la frontière favorisent les autoproducteurs d’électricité, pourquoi pas nous? »
Énergie Solaire Québec estime que le plus grand avantage d’autoproduire son énergie demeure le gain d’indépendance énergétique et le contrôle des couts de l’électricité.
3 cents du kWh
Sass Peress reconnait les atouts de la société d’État qui détient une expertise en matière d’énergie et pourrait faire office de chef d’orchestre dans un modèle viable de relation acheteur-fournisseur entre Hydro-Québec et les autoproducteurs d’énergie. « Mais déjà, l’énergie solaire est compétitive : le prix de l’électricité solaire est tombé à 3 cents par kWh au Chili et au Danemark », considère-t-il, contrairement au cout de production des barrages hydroélectriques qui ne cesse de grimper.
Au Québec, M. Peress estime que l’énergie solaire deviendrait concurrentielle d’ici une décennie. « Les systèmes solaires sont de plus en plus faciles d’installation, ses composants sont de moins en moins chers, ajoute-t-il. Mais tout dépend de la décision du gouvernement et du rôle à redéfinir d’Hydro-Québec. »
L’intérêt de joueurs en énergie solaire comme les Chinois – rappelons que l’entreprise Linuo Solar Power a embauché un lobbyiste pour courtiser Hydro-Québec en vue d’un partenariat pour développer un parc solaire – pourrait mettre de la pression sur la société d’État, indique M. Peress. « On voit les opportunités d’affaires apparaitre en énergie solaire, va-t-on bloquer ces initiatives? » s’interroge-t-il. Autre aspect à considérer : les PME locales passeront-elles à côté de ces opportunités d’affaires, se faisant couper l’herbe sous le pied par des investisseurs étrangers?
Exemple à suivre
« J’admire ce que le Massachusetts est en train de faire [l’état américain vise disposer de 2 000 MW d’énergie éolienne et de 1 600 MW d’énergie solaire d’ici 2020] – il reconnait l’importance de balancer le réseau, stocker et s’approvisionner en énergies renouvelables; il joue un rôle d’orchestre symphonique énergétique », illustre Sass Peress. Ce modèle serait tout aussi viable au Québec, croit-il. « L’hydroélectricité est ici une bénédiction, mais si Hydro-Québec reste assise sur ses barrages, ceux-ci pourraient bien devenir une malédiction. La technologie se développe et ne va pas attendre; Hydro-Québec doit trouver sa place. »
Quant à la production des panneaux photovoltaïques que certains experts décrient comme n’étant pas très écologique, en raison de l’extraction de minerais, dont la silice pour fabriquer les cellules photovoltaïques, de la production de silicium, du transport et de la mise en œuvre des matériaux, M. Peress souligne que « tout est relatif ». « Le but ultime est de réduire au maximum la création d’énergie par le charbon. La Chine a annulé 140 projets à base de charbon l’an passé pour les remplacer par des fermes solaires, mentionne-t-il. Le cycle de vie d’un panneau est de plus en plus vert. »
Autre modèle d’affaires qui démocratise l’autoproduction d’électricité et fonctionne bien de l’autre côté de la frontière, chez nos voisins américains, est le service d’installation de panneaux solaires photovoltaïques en échange d’un contrat et de paiements mensuels. « C’est comme un bail avec un contrat de financement signé entre un propriétaire et une société de financement; même la majorité des fabricants de voitures fonctionnent par bail, expose Sass Peress. En Allemagne, des compagnies installent aussi gratuitement des panneaux en échange du droit de se servir de l’électricité produite pour aider à balancer le réseau. »
Cet automne, l’Association Énergie Solaire Québec s’est donné la mission de sensibiliser les citoyens à la possibilité de gagner un peu d’autonomie énergétique en fabriquant leur propre système de production d’énergie solaire. « Comme le fait l’Association des véhicules électriques du Québec (AVÉQ), nous voulons mieux informer les citoyens sur la façon de devenir des autoproducteurs. Il y a environ 100 autoproducteurs d’énergie solaire raccordés au réseau d’Hydro-Québec, mais nous avons l’intention s’accélérer cette transition dans les années à venir », conclut Sass Peress.