Un électricien pose la question suivante : Est-il possible d’utiliser un disjoncteur DDAA sur un circuit lorsque le neutre est utilisé pour plus d’un circuit?
La question a été transmise à un ingénieur en électricité travaillant pour un manufacturier de matériel électrique. Il nous dit :
La réponse est en principe oui, seulement il a des plusieurs distinctions négatives qui viennent affecter cette réponse positive.
Le DDAA vient sous deux formes : la forme disjoncteur dans un panneau de distribution et la forme prise de courant.
La forme prise de courant ne devrait pas être affectée en théorie peu importe où la prise est installée dans le circuit de dérivation, soit comme la première prise installée (selon la règle du Chapitre V) ou bien plus loin en aval si un utilisateur ajoutait une section de circuit de dérivation à un circuit existant. Cette dernière provision d’ajout à un circuit existant vient d’être incluse dans la version canadienne du Code de l’électricité du Canada en 2018 mais n’est pas encore incluse dans le Chapitre V (le code de Construction du Québec, Chapitre V – Électricité). En tant que manufacturier, je suspecte qu’une prise DDAA installée dans ce circuit avec un neutre partagé pourrait déclencher de manière parasitaire parce que le neutre porte des courants venant de la branche autre que celle dont la prise fait partie. Les courants d’une branche sur le neutre pourraient être interprétés selon leur intensité, leur fréquence et leur durée comme des bris parallèles du circuit. Il pourrait y avoir des interruptions du circuit non-fondées en sécurité électrique, ces interruptions devenant intolérables pour l’utilisateur très rapidement.
La forme disjoncteur installée au panneau de distribution sera fiable et de ce fait la solution « préférée ». Comme le Chapitre V (le code) nous le prescrit, le disjoncteur devra être d’empreinte double comprenant les deux branches du circuit qui se partagent le neutre. Il y a une très grosse réserve que je désire émettre : je ne connais pas de manufacturier de disjoncteur double DDAA, je pense que ce produit n’est pas offert par aucun des manufacturiers usuels. Je peux me tromper car des manufacturiers introduisent des nouveaux produits constamment mais la recherche succincte que je viens de faire dans le cadre de cette communication n’en montre aucun. Cette « solution » est donc non-avenue.
Il y a cependant une offre de disjoncteurs DDFT doubles qui existe, mais il ne faut pas confondre les fonctionnalités. DDFT n’est pas DDAA.
La forme disjoncteur des DDAA n’est offerte qu’en capacité de 15 et de 20 ampères à 120 V, en empreinte simple. Il y a aussi un disjoncteur combiné d’empreinte simple qui joint les fonctionnalités DDAA et DDFT. On ne peut pas selon les prescriptions du Chapitre V, utiliser des disjoncteurs d’empreinte simple sur un circuit double si on ne peut pas joindre le déclenchement des deux branches du circuit simultanément. En sécurité électrique, l’approche de joindre le déclenchement simultané ne peut être appliquée que par le disjoncteur double. On revient à la réalité du disjoncteur DDAA double qui n’existe pas dans le commerce.
Les prises sont aussi offertes en combiné de fonctions incluant DDAA avec DDFT. L’argument d’interruption parasitaire présenté plus haut va s’appliquer non seulement au DDAA de cette prise mais aussi à la fonction DDFT. Cette prise combinée sera perpétuellement disjonctée car le courant de neutre partagé sera interprété comme une fuite à une terre extérieure et la prise déclenchera dès qu’un courant circulera en partage sur le neutre.
En conclusion, pour une approche à long terme en sécurité électrique et en fiabilité pour le consommateur, un circuit de prises qui partage le neutre devrait être départagé pour pouvoir y introduire la fonctionnalité DDAA, ce qui signifie de tirer un circuit additionnel. Sans être naïf, le circuit de prises qui se partage le neutre est celui des comptoirs de cuisine. Départager le neutre du circuit de prises de comptoir signifie en fait enlever un circuit partagé de 15 ampères et le remplacer par deux circuits de 20 ampères. Il est beaucoup plus facile et économique de l’écrire que de le faire : voilà l’essentiel du dilemme, départager le neutre d’un circuit de prises de cuisine et le cout associé.
Je crois que c’était Piton Ruel (ndlr : ancien instructeur-chef du Canadien de Montréal) en entrevue avec Lionel Duval qui nous avait sagement partagé : il n’y en aura pas de facile…
Note : la photo d’introduction est tirée du site internet de Leviton, www.leviton.com .
Luigi dit
Corrigez moi si je me trompe mais le Chapitre V 14-010 b) permet une exeption pour l’utilisation de 2 disjoncteurs sur une dérivation trifilaire pour l’alimentation de prises non sectionnés et de charges d’éclairage.
Normand Gosselin dit
Nous avons consulté la Régie du bâtiment (RBQ) pour vous. Voici sa réponse:
il ne fait pas partie du mandat de la RBQ d’indiquer comment faire une conception conforme à la réglementation, car nous n’offrons pas de service de consultation, de formation ou de validation de conception (c’est-à-dire indiquer si une installation électrique est conforme, ni comment y parvenir). La Régie du bâtiment offre un service d’interprétation des exigences réglementaires, mais elle n’offre pas de service d’approbation, ni d’avis, ni d’opinion, ni de service de validation de conformité d’une conception, d’une installation ou d’un équipement.
De plus, pour s’assurer que les questions d’interprétations soient répondues selon la procédure établie, il faut utiliser le lien Internet suivant de la Régie lors des prochaines demandes d’interprétation: https://www.rbq.gouv.qc.ca/interpretation.