Conçu « en catimini » dans le cadre d’un projet d’envergure avec l’Institut de recherche d’Hydro-Québec, le Data Logger aurait pu sombrer dans l’oubli quand le projet a brusquement été interrompu. L’ingénieur Yves Caya, d’Automation Machine Design, a eu le flair de poursuivre l’innovation avec l’équipe en place pour le transposer à ses équipements d’assemblage et de robotique ainsi qu’à ses lignes de production. L’invention a capté l’attention du jury des Mercuriades, remportant à la mi-mai le prix Santé et sécurité au travail, volet PME.
Automation Machine Design, une entreprise de Saint-Hubert active depuis plus de 20 ans dans le domaine de l’automatisation industrielle, a mis au point un système de gestion des accès aux équipements qui réduit les risques de commettre un impair pouvant s’avérer fatal. Au-delà de l’enjeu de sécurité, l’analyse des données permettrait d’accroitre la productivité. « Nous pouvons suivre ce qui se passe avec nos équipements livrés chez nos clients, ce qui se passe sur la chaine de production », explique le président-directeur général Yves Caya, au bout du fil avec Électricité Plus.
Un investissement d’un peu plus d’un million de dollars a été nécessaire pour sa conception.
Tableau de bord intelligent
Il s’agit d’un tableau de bord qui enregistre en temps réel l’utilisation des équipements et détecte par des capteurs, entre autres, si un opérateur a bouclé ou non sa ceinture de sécurité. « Pour l’anecdote, un agent chargé de l’analyse mon dossier pour les Grands prix Santé et sécurité de la CSST m’a raconté que notre innovation aurait pu sauver la vie d’une opératrice qui avait récemment oublié – une seule fois – d’attacher sa ceinture en remontant dans son charriot élévateur. Le charriot a glissé, elle a été éjectée et la machine lui a écrasé la tête » , de dire M. Caya.
Lorsqu’un opérateur omet de boucler sa ceinture sur un équipement doté du Data Logger, une alarme cinglante retentit et le tableau de bord informe l’opérateur de son manquement à la règle de sécurité. « La machine ne s’éteint pas, car un arrêt brusque pourrait être dangereux », note M. Caya. Un système d’authentification requérant un code de sécurité valide, qui vise à contrôler l’accès à une machine-outil ou tout équipement, a également été intégré au Data Logger. Il en restreint l’accès à quiconque ne détient pas la formation nécessaire.
Percée au gouvernement
À ce jour, Automation Machine Design compte une douzaine de clients à son actif qui ont des équipements monitorés par le Data Logger. Le projet a d’abord été implanté avec la complicité du Programme d’innovation Construire au Canada (PICC), une initiative du gouvernement fédéral. Depuis un an, dix Data Logger font l’objet de recherche en continu auprès du Centre national de recherches Canada et de l’Agence spatiale canadienne, voisine de l’entreprise située à l’aéroport de Saint-Hubert.
En démarchage, Yves Caya souhaite que le Data Logger puisse percer prochainement le marché des écoles de métiers. Par ailleurs, des pourparlers ont été enclenchés auprès d’un Centre collégial de transfert de technologies (CCTT). « On peut personnaliser les bases de données, l’étudiant pourra accéder à l’équipement seulement s’il a complété son module et l’enseignant pourra évaluer le temps que cela lui prend pour réaliser une tâche sur un équipement », offre à titre d’exemple M. Caya. L’obstacle le plus tangible reste cependant le manque de financement dans les établissements scolaires. Le Data Logger coûte facilement 500 à 700 $ et son logiciel, de 2 000 à 4 000 $.
Intégration parfois difficile
En entreprise, même si l’installation du système engendre parfois de la résistance au changement, voire de la frustration de la part d’employés, il s’assure que les règles de sécurité les plus strictes soient respectées. Pour ce qui est de l’analyse des données, Automation Machine Design peut s’en charger et mettre à profit son expertise afin d’éventuellement augmenter la productivité de son client ou en offrir le plein contrôle à celui-ci.
« Notre produit ne vise pas l’achat d’équipements à grands frais, mais analyse la production, explique Yves Caya. Il y a place à amélioration dans 80 % des industries. » Les données enregistrées permettent de voir là où la production fait défaut. Parmi les causes en jeu, il y a bien sûr le capital humain – les employés –, mais aussi la formation et l’information dispensées par l’employeur ou encore l’équipement en usage.
Quant à l’obtention du Mercure dans la catégorie Santé et Sécurité au travail, M. Caya s’est dit grandement surpris, mais se réjouit de la visibilité qu’il lui apportera. Déjà, il a reçu un coup de fil de la part du ministère de l’Économie, de la Science et de l’Innovation, signe d’un intérêt manifeste.