Reporters sans frontières et le Canadian Journalists for free expression (CJFE), deux organismes de défense des droits journalistiques, dénoncent l’enquête privée entreprise par l’Office national de l’énergie (ONÉ) envers des employés qui auraient coulé des informations aux journalistes.
Alors que se déroule actuellement la Commission d’enquête sur la protection de la confidentialité des sources journalistiques au Québec – dont l’élément déclencheur a été la mise sous écoute policière du journaliste Patrick Lagacé –, d’autres menaces à la liberté de presse sont révélées au grand jour. Cette information a été divulguée il y a quelques semaines par le National Observer, média électronique spécialisé dans les nouvelles ayant trait à l’énergie, à l’environnement et aux politiques fédérales, dans un reportage au sujet des secrets du gouvernement canadien.
Dans une lettre adressée à Peter Watson, président de l’Office national de l’énergie, les deux organisations journalistiques lancent un appel à cesser « la chasse aux sorcières envers les sources des journalistes ». Rappelons que l’ONÉ est un organisme de règlementation fédéral indépendant responsable d’encadrer le secteur énergétique ainsi que de renseigner le gouvernement et le public sur les questions énergétiques.
« Nous sommes profondément troublés d’apprendre que l’ONÉ, le régulateur canadien de l’énergie, a engagé des détectives privés pour enquêter sur ses employés […] L’investigation coutera 24 150 $ au gouvernement fédéral, donc au peuple canadien. Bien que l’ONÉ assure qu’aucun journaliste n’a été espionné dans le cadre de cette enquête, il n’en reste pas moins que cette chasse aux sorcières envers les lanceurs d’alerte est une source d’inquiétude pour la presse canadienne et les citoyens », peut-on lire dans la lettre, relayée par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ).
(Pour lire la missive adressée à l’ONÉ, cliquer ici)
L’enquête à l’interne aurait été déclenchée à la suite d’une demande de Mike De Souza, rédacteur en chef au National Observer, à Sylvain Bédard, cadre exécutif de l’ONÉ, concernant une mauvaise plaisanterie sur l’utilisation de Tasers contre des militants environnementaux ayant perturbé les audiences sur l’oléoduc Énergie Est à Montréal, en aout dernier, raillerie qu’aurait lancé Josée Touchette, chef des opérations de l’ONÉ, au cours d’une réunion. Le message envoyé par la suite aux employés pour les informer de l’enquête interne aurait fait allusion au fait que les « lanceurs d’alerte » représenteraient des « risques pour la sécurité ».
L’ONÉ s’est refusé à tout commentaire à la suite des demandes d’interview répétées du National Observer, sauf pour confirmer qu’aucun journaliste n’avait été mis sous surveillance.
Notons que RSF et CJFE militent en faveur d’une règlementation pour protéger les lanceurs d’alertes, des témoins de fautes ou d’injustices, qui décident de dénoncer les agissements de leur direction et qui, selon les deux organismes, sont actuellement découragés de le faire par des mesures qualifiées « d’intimidation ».
Quant au projet de pipeline Énergie Est, plusieurs opposants ont remis en question la neutralité de l’Office national de l’énergie dans ce dossier, ce qui a forcé la suspension des audiences publiques et provoqué la démission en bloc des commissaires en septembre. Le processus devra ainsi reprendre du début.
(Pour lire le dossier spécial du National Observer, cliquer ici)