L’obligation de recycler les lampes contenant du mercure ne fait pas l’affaire de tous, surtout qu’il y a un cout rattaché, ce qui augmente le prix d’achat, en plus d’exiger un changement d’habitude. Les écofrais et le système de récupération des lampes en fin de vie utile ont été la cible de nombreuses critiques; mais les résultats positifs commencent à se faire sentir, puisqu’un million de lampes ont été recyclées depuis l’entrée en vigueur des écofrais, en octobre dernier. Et la progression se fait sentir d’un mois à l’autre.
L’APR (association des producteurs responsables), organisme à but non lucratif, a été mandatée par l’organisme gouvernemental Recyc-Québec pour regrouper les fabricants, les distributeurs et les importateurs des produits visés par le Règlement du Québec relatif à la récupération et la valorisation des produits par les entreprises. Les entreprises qui vendent ces lampes qui ne deviennent pas membre de l’APR ont l’obligation de monter leur propre système de récupération, ce qui n’est pas évident. Les entreprises membres doivent remettre à l’APR les écofrais perçus à chaque mois, argents qui servent à financer le programme. L’une des dispositions de ce programme permet à l’APR de faire des audits chez ses membres afin de confirmer que les écofrais perçus ont bel et bien été versés à l’association. Ce point devient pour sa part un irritant pour plusieurs entreprises qui ne sont pas friandes de montrer leurs livres ouvertement.
À noter que l’APR a constitué un comité délibératif (comité consultatif), composé de trois représentants des manufacturiers, trois des distributeurs et trois des détaillants de lampes contenant du mercure.
Parmi les critiques entendues en rapport avec RecycFluo et l’APR, on parle de procédures ambigües. Les entreprises ont fait valoir que, d’une part le gouvernement ne permet pas d’afficher les écofrais comme un ajout au prix initial ; les écofrais peuvent être mentionnés mais doivent faire partie du prix. Pour les entreprises chez qui le pourcentage de profit brut est important, ou bien elles acceptent de réduire ce pourcentage de profit, ou elles augmentent leurs prix afin de satisfaire aux besoins d’un pourcentage de profit brut établi. C’est notamment le cas des multinationales pour qui ce pourcentage est important et pour leurs employés cadre dont le bonis de fin d’année est souvent basé sur le pourcentage de profit brut réalisé. Si on prend un profit supplémentaire pour respecter ce pourcentage, le prix de vente désavantage alors ces entreprises, qui se sortent un peu de la compétition. Le prix des tubes fluorescents est particulièrement concerné, car le pour profit dans ce domaine se compte en cents.
D’autre part, toujours en ce qui concerne l’ambigüité du début, les grands utilisateurs de lampes, comme les usines, les institutions d’enseignement, les hôpitaux, les commerces et les grands édifices à bureaux, ont habituellement des contrats annuels, à prix fixes pour ces lampes. Donc, avec l’arrivée des écofrais survenue en cours d’année, et l’interdiction d’ajouter ces frais au prix de vente, il y avait des points de possible discorde. Il y a donc eu exonération de frais pour les ententes en cours, jusqu’au 30 juin 2013. Arriva ce qui devait arriver : certains distributeurs ont fait signer des ententes à leurs clients à gros volume en disant qu’ils seraient exonérés des écofrais s’ils avaient un contrat annuel. Finalement, devant toutes les protestations, l’APR a dû mettre fin à cette exonération d’écofrais au 31 décembre.
Tout ceci a fait dire à plusieurs que le programme RecycFluo et les écofrais ont été partis trop rapidement, sur les chapeaux de roues, avec des structures qualifiées d’incomplètes. Questionné sur le sujet, M. Pierre Pinsonnault, vice-président du comité délibératif, a réitéré sa confiance dans l’organisation, mentionnant que « l’arrivée de Mme Mia-Pascale Marchand à titre de directrice du programme RecycFluo a été la meilleure chose qui pouvait arriver. Avec sa façon de faire, les structures se sont développées dans le bon sens et je suis optimiste de voir le programme connaitre de grands succès éventuellement. Elle écoute, mais surtout elle agit. » M. Pinsonnault est vice-président du département des achats chez Lumen. Son entreprise a programmé son système informatique de façon à faire mention des écofrais sur les factures aux clients.
En ce qui concerne Mme Mia-Pascale Marchand, elle détient un Baccalauréat en microbiologie de l’Université McGill et une Maîtrise en Environnement de l’Université de Sherbrooke. Elle compte près de 15 années d’expérience en gestion environnementale acquises au sein d’entreprises privées et de consultation. Elle se spécialise dans la gestion des matières résiduelles, la conformité et l’empreinte carbone.
L’APR a fait l’acquisition du programme RecycFluo® de la Fédération québécoise des municipalités, dont les 400 points de dépôt pour les consommateurs ont constitué le point de départ du système, le 14 juillet 2012. Une centaine de points de dépôt se sont ajoutés depuis, particulièrement des magasins de détail.
Quant aux générateurs de gros volumes, les ICI (industries, commerces et institutions), l’obligation de payer un écofrais est entrée en vigueur le 1er octobre suivant ; Électricité plus a d’ailleurs produit un article sur le sujet le 2 octobre dernier https://electricite-plus.com/2012/10/02/les-ecofrais-cest-parti/ . C’est pour eux que le changement d’habitude est le plus évident : dès qu’ils retirent une lampe en fin de vie utile, on leur demande de la rapporter à un point de dépôt. En date d’aujourd’hui, il y a une cinquantaine de points de dépôt ouverts pour eux, en plus de quelques entreprises qui désirent servir uniquement leurs clients, donc qui ne publient pas le fait qu’ils font la récupération de lampes.
Quelques utilisateurs interrogés, des ICI, ainsi que quelques vendeurs de lampes, trouvent le système un peu lourd à porter. Pour les ICI, il n’y a aucune compensation, même que le système leur occasionne des dépenses : le temps des employés pour gérer le tout, l’espace pour entreposer entre les cueillettes, etc. RecycFluo fait la cueillette lorsque le volume atteint au moins deux palettes de lampes à recycler. Il y va de la bonne foi de ces générateurs de grand volume. La sensibilisation dans leur cas vient de leur Conseil d’administration.
Les dépôts, de leur côté, touchent des sommes minimes en compensation : cinq cents pour une lampe fluocompacte, trois cents le pied linéaire pour les tubes fluorescents et dix cents pour les lampes DHI.
Mais soyons réalistes : si le programme avec l’APR ne fonctionne pas, les manufacturiers, importateurs et distributeurs devront s’organiser par eux-mêmes ; mieux vaut collaborer. Et plus le temps avance, plus l’organisation prend forme ; après six mois d’existence, l’ensemble de l’organisation se développe bien. D’autre part, l’engouement pour la technologie DEL est une tendance lourde, donc qui se développe elle aussi rapidement, rétrécissant le marché des lampes contenant du mercure. Lors du remplacement de DEL, la lampe dont la vie utile est terminée devra prendre une autre route que RecycFluo.
Le recyclage des lampes contenant du mercure était laissé à la bonne volonté des utilisateurs jusqu’à maintenant ; plus, ils devaient même payer pour les faire recycler. Cette procédure a donné naissance à certaines entreprises, comme RLF, de Côteau-du-Lac, née en 1997. L’entreprise les passe au broyeur, qui récupère les vapeurs de mercure dans un filtre, puis sépare le métal du verre et de la poudre de phosphate (le mercure). Ces produits sont ensuite vendus à d’autres usines qui les recyclent et les réutilisent. Certains points de dépôt (commerce au détail en particulier), broient eux-mêmes les lampes, ce qui fait répandre les vapeurs de mercure dans l’atmosphère. Pas toujours certains de ce qu’ils font avec le verre, le métal et la poudre de phosphore par la suite.
Cependant, la majorité des magasins détaillants sont très consciencieux et expédient les lampes récupérées à des centres de récupération comme RLF. De fait, ces entreprises (environ 160 dépôts) ont conclu une entente avec le service de messageries Loomis, qui ramasse ces produits selon une route préétablie. Du côté des écocentres et autres points de dépôt municipaux, c’est l’entreprise Laurentides Ressources, de Victoriaville, qui en fait la cueillette régulièrement et qui apporte les lampes chez RLF ou une autre entreprise du même genre.
Du côté des détaillants, ce sont les grandes chaines en particulier, comme Canadian Tire et Rona, qui sont les chefs de file. Chez Rona, le service est chapeauté par M. Thierry Trempe, directeur des marques et du développement durable. L’entreprise place un certain nombre de contenants à l’entrée des magasins où les consommateurs peuvent déposer divers produits recyclables. L’augmentation du volume va dans le bon sens, avec une amélioration de 56% entre 2011 et 2012, pour un total de près d’un quart de million d’unités récupérées.
Rona fait la sensibilisation par sa circulaire en périodes ciblées et avec les dépliants de RecycFluo. M. Trempe est d’ailleurs très élogieux à l’égard de RecycFluo. Ces produits récupérés n’ont aucune valeur financière pour Rona, qui ne touche absolument rien pour ce service mais l’entreprise tient à apporter sa contribution à la société et à l’environnement. Présentement, les magasins corporatifs de la compagnie ont des ilots de récupération, de même que certains magasins affiliés. Le siège social de Rona recommande à tous ses franchisés et tous les magasins affiliés d’emboiter le pas. Ailleurs au Canada, une cinquantaine de magasins de la compagnie récupèrent aussi des produits recyclables.
Les objectifs d’APR et RecycFluo sont d’arriver à récupérer 40% des lampes contenant du mercure d’ici 2015. Par la suite, on compte progresser à raison de 5% par année, pour atteindre 80 % vers l’an 2025. Ce calcul est fait en prenant en considération les ventes de lampes d’il y a cinq ans pour les tubes fluorescents et d’il y a 6 ans pour les lampes DHI. Actuellement, 5% des lampes sont récupérées par les détaillants, 15% par les dépôts des consommateurs (écocentres et autres du genre), et 80 % par les générateurs de grands volumes (les ICI).
Le réseau de récupération pour les ICI devrait pour sa part continuer sa croissance au cours des prochains mois puisque l’APR continue de développer ses structures et sa sensibilisation. Il faut toutefois attendre que les entrées d’écofrais augmentent pour développer des campagnes bien orchestrées de sensibilisation. Qui dit croissance ne dit pas nécessairement accepter n’importe qui ; on sait que l’APR a déjà retiré l’accréditation de certains points de dépôt qui ne respectaient pas le mode de fonctionnement et continuera d’exercer une surveillance constante. Le réseau se construit uniquement avec des gens qui savent respecter les règles établies. On peut signaler auprès de l’APR tout manquement de la part d’un dépôt http://www.recycfluo.ca/fr/nous-contacter .
Chose certaine, lorsqu’on regarde tout le travail de respect de l’environnement par voie de recyclage qui a été accompli depuis 35 ans, on se rend vite à l’évidence que de plus en plus de gens adoptent le comportement « écolo ». Ce n’est qu’une question de temps pour que le recyclage des lampes fasse lui aussi partie de nos habitudes.
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Photo Recyclage Rona :
Les ilots de récupération à l’entrée de certains magasins Rona gagnent en popularité. Ils servent non seulement à la récupération directe, mais ils sont aussi d’excellentes vitrines de sensibilisation.