Le Vérificateur général du Québec* déposait en mai un rapport dévastateur pour la CNESST, soulignant son inaction dans la fixation des limites d’exposition à 700 contaminants, dont l’amiante, et l’inclusion des secteurs d’activité qui ne sont pas encore soumis aux mécanismes de prévention prévus par les lois du Québec.
Le VG déplore que l’amiante ne figure toujours pas à l’annexe I du RSST traitant des valeurs d’exposition admissibles (VEA) de 700 contaminants retrouvés en milieu de travail. Un constat étonnant, voire révoltant, pour nombre de travailleurs et de syndicats. Surtout que les dangers de l’amiante sont largement documentés.
L’amiante est le contaminant qui cause le plus de décès et de maladies au Québec, si on considère le portrait des 40 dernières années. Selon l’institut national de santé publique du Québec (INSPQ), 960 Québécois sont morts du mésothéliome, la maladie de l’amiante, entre 2010 et 2016. Plus récemment, un bilan de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) recense 127 décès de travailleurs en 2015 et 137 en 2016.
Que fait la CNESST?
La CNESST a mené une consultation publique en 2017 et 2018 sur la mise à jour de l’annexe traitant des valeurs d’exposition admissibles. Une analyse d’impact règlementaire a été effectuée et un projet de règlement modifiant cette annexe I du RSST a été publié par le gouvernement le 12 décembre 2018.
Depuis, les travaux du comité-conseil sur la révision de l’annexe I se poursuivent et on attend les recommandations qu’il doit faire à la CNESST qui prendra la décision finale.
À ceux qui craignent que des influences patronales contribuent à retarder l’adoption de la nouvelle règlementation, la CNESST répond qu’il n’y a pas d’inquiétude puisque le processus se fait de façon paritaire avec des représentants des milieux syndical et patronal.
Tolérance zéro, mais pas toujours
En attendant, la CNESST dit appliquer la tolérance zéro à l’exposition de la poussière d’amiante. En cas de manquement, elle arrêtera les travaux et les fautifs seront passibles de poursuites pénales. Depuis 2013, la CNESST a émis plus d’une centaine d’avis de correction dans les registres. La plupart des contrevenants se sont conformés.
Certains secteurs d’activités ne sont cependant toujours pas inclus, notamment le transport de l’énergie et la fabrication de produits électriques. Interrogée sur le sujet, la CNESST dit s’en remettre dans ces secteurs à la responsabilisation de l’employeur ainsi qu’aux exigences du code de sécurité de la construction (CSTC) qui s’appliquent selon la concentration d’amiante dans le matériau, sans égard à la concentration dans l’air.
La norme du CSTC classe tout matériau comme contenant de l’amiante dès que la concentration atteint 0,1 % (article 3.23.0.1). Des mesures de prévention doivent alors être prises. Cette règlementation s’applique aux travaux de rénovation et démolition et vise les travailleurs de tous les métiers.
De leur côté, les employeurs doivent, en vertu du Règlement sur la santé et sécurité au travail (RSST), enlever tout revêtement intérieur contaminé qui peut émettre de la poussière en raison de son état, en tenant compte des facteurs de dégradation et de dispersion.
Certains secteurs toujours non obligés
Il est inquiétant d’apprendre que les groupes prioritaires d’activité 4 à 6 n’ont pas l’obligation de mettre en place des mécanismes de prévention. En conséquence, les trois quarts des travailleurs ne sont pas protégés, alors qu’en 2018, la moitié des lésions professionnelles touchaient les travailleurs de ces secteurs.
Outre le transport d’énergie et la fabrication de produits électriques, les groupes qui n’ont pas d’obligation de prévention sont: agriculture; bonneterie et habillement; enseignement et services annexes; finances, assurances et affaires immobilières; services médicaux et sociaux; chasse et pêche; industries manufacturières; communications; imprimerie, édition; fabrication de produits du pétrole et du charbon; industrie du cuir; fabrication de machines (sauf électriques); industrie du tabac; industrie du textile.
Aperçu des amendesLa CNESST affirme que le Québec est l’une des provinces canadiennes les plus exigeantes au sujet de l’amiante. Les amendes sont toutefois bien inférieures à celles établies ailleurs au Canada. Voici les amendes imposées aux employeurs dans quatre provinces, selon le rapport du Vérificateur général (page 49). Les montants sont arrondis pour plus de clarté. Au Québec, première infraction: 17 000 $ à 69 000 $; première récidive: 34 000 $ à 172 000 $; récidive additionnelle: 69 000 $ à 344 $. En Alberta, première infraction: amende maximale de 500 000 $ + 30 000 $ par jour; récidive: amende maximale de 1 000 000 $ + 60 000 $ par jour. En Colombie-Britannique, première infraction: amende maximale de 724 644 $ + 36 232 $ par jour; récidive: amende maximale de 1 500 000 $ + 72 500 $ par jour. En Ontario, c’est plus simple, plus sévère et plus flou: «amende maximale de 1,5 M $». Les amendes imposées aux individus sont indiquées à la même page du rapport. |
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* Actuellement, le poste de Vérificateur général du Québec est occupé par une femme, Guylaine Leclerc.