Il est tout à fait normal qu’une entreprise connaisse des hauts et des bas au cours de son existence. Chez Lion, la turbulence se fait constante malgré ses 16 années en affaires. De fait, la perte de 22 millions USD au cours du trimestre terminé le 31 mars dernier, le septième consécutif au cours duquel les pertes se sont accumulées, semble miner la confiance des actionnaires. À la fin de la journée du 8 mai, journée au cours de laquelle le dernier déficit a été annoncé, les actions de la compagnie avaient chuté d’un autre 8%, à 1,31$ à la Bourse de Toronto ou 97 cents USD à la Bourse de New York.
La direction accuse les retards du Fonds pour le transport en commun à zéro émission (FTCZE) d’Infrastructure Canada – un programme qui peut couvrir jusqu’à 50 % des couts d’acquisition – à traiter les demandes jugées acceptables des transporteurs scolaires. Environ la moitié de ses commandes sont conditionnelles à l’obtention de cette aide. Le carnet de commande bien garni de l’entreprise, plus de 2 000 unités, dont un peu plus de la moitié consiste en autobus scolaires sujets à subventions dans le cadre du programme FTCZE.
Pour les observateurs, on pointe plutôt du doigt l’appétit trop grand de l’entreprise en développant trop rapidement la fabrication de batteries à Mirabel, la méga-usine aux États-Unis et le trop fort ratio d’employé.e.s hors production. Cette usine de Joliet aurait pu être beaucoup plus petite, quitte à devoir l’agrandir dans un avenir rapproché. Avant le licenciement de quelque 370 personnes depuis l’automne dernier, l’entreprise comptait environ 900 employé.e.s hors production pour 600 en production. Aujourd’hui, la compagnie déclare compter quelque 1 150 employé.e.s, des proportion plus près des normes en industrie tout en comptant un nombre assez élevé d’employé.es dédié.e.s à la recherche et au développement, ainsi qu’aux ventes et à l’administration.
On sait que la dette globale de l’entreprise est élevée et certaines portions portent intérêt jusqu’à 11%. Mais la marchandise en production affiche une valeur égale approximativement à sa dette à long terme et que les prochaines livraisons feront baisser drastiquement cet inventaire, par le fait même augmenter considérablement les liquidités, soit un peu de lumière au bout du tunnel.
Ce qui fait titiller les actionnaires, c’est plutôt les déclarations des hauts dirigeants de l’entreprise. Citons l’article de Julien Arsenault de La Presse : « Je n’entrerai pas dans les prévisions [sur les liquidités] », s’est limité à dire le chef de la direction financière, Richard Coulombe, au cours d’une conférence téléphonique, en réponse à l’une des questions sur le sujet. « Nos niveaux du 30 avril sont plus ou moins identiques à ceux du mois de mars. » Or, les liquidités sont au coeur des préoccupations des actionnaires. D’autre part, l’entrevue du Président-fondateur Marc Bédard à l’émission Zone Économie à l’antenne de RDI après l’annonce des résultats financiers du dernier trimestre n’était pas ce qu’il y a de plus convaincant. L’homme habituellement débordant d’énergie paraissait plutôt stressé bien qu’il avait très bien fait ses devoirs d’informations à transmettre. Ce cas rappelle la situation de Bombardier il y a à peine trois ou quatre ans, et de Nortel il y a une vingtaine d’années.
Le ralentissement des ventes de véhicules électriques vaut pour les véhicules de promenade et utilitaires légers. Pour les véhicules lourds, semi-lourds et autobus scolaires, Marc Bédard a plutôt raison en disant que c’est davantage un ralentissement de la croissance des ventes et non un ralentissement des ventes. Cependant, la situation précaire dans laquelle se trouve Lion Électrique pourrait conduire des investisseurs prédateurs à proposer une prise de contrôle aux actionnaires frileux, ce qui risquerait de faire perdre cette entreprise à propriété principalement québécoise. Rappelons qu’il n’y a pas si longtemps la Compagnie Électrique Lion était la fierté de nombreux et nombreuses Québécois.e.s qui la considéraient comme un fleuron. Marc Bédard et son équipe rapprochée ont un défi de grande taille à relever et tant que la confiance sera au rendez-vous, les 1 150 employé.e.s ainsi que les actionnaires peuvent espérer. Ce sont les déclarations de Richard Coulombe, chef de la direction financière, et l’entrevue de Marc Bédard à Zone Économie qui semblent semer le doute.
À part quelques petites erreurs de chiffres ayant peu de conséquences, l’article de Julien Arsenault, de La Presse, est bien détaillé et présente la situation de manière claire. À lire.
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