Un grand virage technologique attend au détour les électriciens, les producteurs d’électricité et le personnel de maintenance en usine. L’industrie 4.0, l’usine du futur bouleverse le secteur par la numérisation des procédés, l’automatisation et la robotisation. Quelles transformations attendent les entreprises et par extension, les travailleurs?
Optimisation de la gestion de l’inventaire, des couts d’approvisionnement et de main-d’œuvre, exploitation des données numériques récoltées à l’aide de capteurs, amélioration de la qualité d’un produit et de la productivité en entreprise. Voilà déjà quelques avantages offerts aux entrepreneurs qui désirent faire le grand saut et plonger dans l’industrie 4.0.
Vers l’énergie 4.0
En matière d’énergie, on parle d’«Énergie 4.0», un nouveau terme qui concerne un immense chantier de modernisation du réseau électrique, incluant le développement et l’accélération de l’intelligence artificielle. Ce virage majeur aura des impacts dans la vie quotidienne des travailleurs, mais nécessitera pour les employeurs des investissements de centaines de milliards de dollars dans la prochaine décennie.
Selon Bloomberg New Energy Finance, on est face à une révolution technologique, dont le résultat sera d’améliorer l’efficacité et la fiabilité du réseau électrique nord-américain, notamment grâce à l’intelligence artificielle et aux mégadonnées, ce qui constitue un défi stimulant pour tous les professionnels de l’électricité qui seront chargés d’instaurer ces changements de pratique.
Toutefois, rien de tout cela ne pourra être possible sans s’assurer que toute l’équipe adhère à une refonte de l’organisation du travail et qu’elle soit préparée au changement.
Pour les producteurs d’électricité, la numérisation améliorera la gestion prédictive de l’entretien et la pérennité de leurs réseaux, ce qui leur permettra d’utiliser leurs équipements plus longtemps.
Transition de plusieurs milliards
«On va graduellement passer d’un réseau analogique à un réseau numérique», illustre Alain Brière, vice-président directeur général Réseaux intelligents et cybersécurité chez SNC-Lavalin dans le journal Les Affaires. Il estime que les investissements pourront atteindre de 600 à 1000 milliards de dollars américains sur une période de cinq à dix ans.
Ce sont des chiffres énormes : pour en avoir une meilleure idée, notons qu’ils représentent 36 % à 60 % du PIB canadien.
Les sociétés d’État et entreprises privées de l’industrie électrique nord-américaine ont construit la majorité de leurs infrastructures dans les années 1960; elles approchent de leur fin de vie utile. Les entreprises doivent donc renouveler leur parc d’équipements tout en tenant compte des changements technologiques qui impliquent de nouvelles façons de faire pour les électriciens et autres professionnels.
Automatisation
Une étude française indique que rendre intelligents la part des réseaux qui ne l’est pas actuellement permettra de mieux gérer l’offre et la demande, d’écrêter les pointes de demande d’énergie (le matin et le soir, ainsi qu’en période de grande chaleur ou de grands froids), mais également de rendre les réseaux plus fiables et plus résilients.
À ce sujet, le programme Impact Tech propre de Ressources naturelles Canada invitait en 2018 les innovateurs canadiens et britanniques à participer au concours Branchés sur l’avenir qui consiste à transformer nos réseaux électriques traditionnels en systèmes énergétiques intelligents.
Le département de génie électrique de l’École de technologie supérieure (ÉTS) s’est qualifié au concours et travaille avec des partenaires du Royaume-Uni sur un projet-pilote qui «vise à façonner les réseaux électriques de demain». Une cagnotte de 3 millions de dollars est en jeu s’il se classe parmi les gagnants.
Les technologies de réseau intelligent (smart grid) offrent de nouvelles fonctions d’automatisation des réseaux de distribution assurant le pilotage des centrales de production décentralisées (réglage de la tension et de la puissance, reconfiguration), voire de contrôler des productions décentralisées par agrégation au sein de centrales virtuelles.
La centrale virtuelle est à la fois un objet social (association de producteurs au sein d’une sorte de coopérative), économique (recherche du cout optimal de production) et technique (gestion de la charge, de la production et du stockage).
Une transition vouée au succès
Les systèmes automatisés font naitre des craintes chez ceux qui appréhendent le changement. Néanmoins ils comptent plusieurs atouts tant pour les gestionnaires, les travailleurs, que pour les consommateurs, en permettant de:
- Piloter et contrôler l’état du réseau (qualité de la tension, puissances actives et réactives, reconfiguration après défaut ou en régime normal);
- Piloter et contrôler les productions décentralisées;
- Estimer les couts de production et prioriser l’utilisation de la production;
- Diminuer les pertes sur les réseaux électriques en réduisant les phénomènes de congestion;
- Limiter le renforcement des réseaux (la gestion dynamique de la charge permettant d’effacer les pointes locales ou, inversement, d’éviter les congestions de surproduction photovoltaïque);
- Introduire des signaux tarifaires permettant de rendre les utilisateurs acteurs de leur consommation.
Selon Maxence Huard-Lefebvre, porte-parole d’Hydro-Québec, les indicateurs des technologies de l’information et des communications (TIC) vont amener les services publics d’électricité à instaurer des réseaux robustes et intelligents soutenus par des infrastructures plus intelligentes. Il ajoute que la consommation grandissante d’énergies renouvelables est un catalyseur qui incite les organisations à mettre en œuvre de nouveaux modèles d’affaires axés sur la transformation numérique afin de répondre aux attentes des clients commerciaux et résidentiels.
Ainsi, les décideurs des services publics se lancent dans l’automatisation et la numérisation en bonne partie à cause de la demande des clients et de la production émergente d’énergie renouvelable. Pour le faire, ils doivent évaluer les opportunités et défis de ces nouvelles sources d’énergie et la capacité des infrastructures actuelles à se transformer.
Le défi des entreprises consiste donc à explorer les stratégies d’investissement qui seront nécessaires à la transition numérique.
Gains d’efficacité c. failles de cybersécurité
La numérisation du réseau représente certes des gains d’efficacité pour les producteurs, mais elle implique aussi une vulnérabilité aux cyberattaques. En 2009, le Wall Street Journal avait révélé que des pirates informatiques avaient pénétré le réseau électrique des États-Unis en y implantant des logiciels d’infiltration pouvant être utilisés à des fins nuisibles.
Cette transition aura un impact majeur, tant pour les travailleurs que les organisations, sur l’usage des technologies de l’information actuelles, les technologies opérationnelles, la sécurité physique et la cybersécurité. Les travailleurs, notamment, devront apprivoiser un grand nombre de nouveaux outils informatiques dans leurs tâches habituelles.
Il faut retenir que dans un environnement numérique, la gouvernance et l’analyse des données deviendront des enjeux cruciaux, par exemple pour mener des actions de maintenance prédictive.
L’intelligence artificielle, la réalité virtuelle, la réalité mixte et réalité augmentée deviendront des concepts usuels pour l’ensemble des équipes et surtout pour le travailleur numérique.
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