
« Les filles veulent souvent s’investir dans les disciplines humanitaires, par exemple en santé, mais en génie, nous pouvons apporter quelque chose, développer une technologie en santé qui sauve des vies, c’est aussi une manière d’aider », lance Célia-Nour Mahrour-Venturelli, étudiante en génie électrique de 21 ans, l’une des lauréates du 22e concours Chapeau, les filles!
Le concours Chapeau, les filles! récompense annuellement les efforts et la réussite de femmes qui choisissent un métier traditionnellement masculin. Sur les 63 récipiendaires félicitées en 2018, trois étudient en génie électrique, deux en électronique des systèmes automatisés et une en montage de lignes. Électricité Plus cède la parole à deux de ces femmes pleines d’ambition, qui font un pied de nez aux métiers considérés traditionnellement masculins.
Étudiante de troisième année à l’École de technologie supérieure (ÉTS), Célia a choisi la discipline du génie électrique après qu’un test d’orientation professionnelle lui eut diagnostiqué qu’elle excellerait dans un emploi de… gestionnaire d’hôpital! « J’étais bonne en mathématiques et en physique, alors j’ai décidé de faire le tour des écoles d’ingénierie lors des journées portes ouvertes pour voir concrètement ce qu’était le génie », explique cette fille d’une mère avocate et d’un père microbiologiste.
Célia admet d’emblée avoir été inspirée par l’astronaute Julie Payette, qui anime à l’émission Découverte des capsules de vulgarisation scientifique, et dont la formation de base est justement le génie électrique. « Les technologies environnementales m’inspirent beaucoup, dévoile-t-elle. Dans mon stage deux, j’ai travaillé sur la technologie des éoliennes chez Hydro-Québec, et dans mon stage trois, je prévois m’investir dans les technologies ferroviaires. »
Pour Camille Bolduc, étudiante de première année en génie électrique également à l’ÉTS, l’histoire est toute autre : son père est électricien de métier. « Je l’ai toujours vu faire, j’aime que l’électricité soit quelque chose d’abstrait, qu’il faut essayer de comprendre ce qu’on ne voit pas », confie la jeune femme de 21 ans originaire de Saint-Félicien, au Lac-Saint-Jean. Elle a été initiée au domaine de l’électricité tant par son père que son grand-père qui étaient « des patenteux de garage », et dont elle garde de nombreux bons souvenirs.
Camille voulait d’abord éviter d’aller à l’université jusqu’à ce qu’elle « tombe en amour » avec le domaine de l’ingénierie en suivant une technique d’électronique industrielle au Cégep de Jonquière. L’un des projets étudiants qui l’a marquée : la fabrication d’un banc de scie automatisé. Le déclic s’est alors produit dans sa tête : il fallait qu’elle s’inscrive à l’ÉTS.
Prix Transport et Fais briller ta région!
Au concours Chapeau, les filles!, Célia-Nour Mahrour-Venturelli a remporté le prix Transport, dans le volet Excelle-Science, assorti d’une bourse de 2000 $. Elle utilisera son prix en argent pour financer une session à l’étranger, à Polytech Marseille. Il reste encore quelques détails à ficeler pour son voyage, mais elle a été acceptée au programme.
« Au Québec, nous avons l’électricité la moins chère, et je trouve bizarre que nous n’ayons pas plus de transport électrique. Je crois que c’est une question de culture et un enjeu économique. Également, il faut poursuivre le développement des panneaux solaires qui, encore là, n’est pas très inculqué dans notre culture, mais qui sera rentable dans quelques années. En tant qu’ingénieur, on a la force de prendre des décisions, le choix d’une technologie nous appartient. C’est notre job de convaincre les entreprises de passer à l’acte. »
Pour sa part, Camille Bolduc a raflé le nouveau prix Fais briller ta région!, dans le volet Excelle-Science. Dans son dossier de candidature, elle devait expliquer comment sa formation lui permettrait de faire rayonner sa région ou contribuer au développement d’un projet régional. « Je viens de Saint-Félicien, et autant j’avais hâte de partir pour Montréal, autant ma région me manque chaque jour, avoue-t-elle. Ce qui m’intéresse, c’est surtout les énergies renouvelables, alors j’ai parlé de la construction de parc éolien dans une région où il n’y en a pas encore. Pourtant, nous avons les grands espaces et tout ce qu’il faut pour en faire. »
Encore des préjugés
Interrogée sur les préjugés qui persistent à l’égard des filles en génie dans le milieu universitaire, Célia indique que les filles représentent 4 % des étudiantes inscrites à son programme. « Ça m’est déjà arrivé d’être la seule fille dans un cours, et de lâcher le cours. Quand on est une fille en génie, on est une minorité très visible. Dès qu’on pose une question ou qu’on manque un cours, on te remarque. Lors de travaux d’équipe, les filles se font souvent donner le rôle de secrétaire. »
Elle raconte qu’un gars lui a déjà servi le discours ‘‘ tu as trouvé ce travail parce que tu es une fille, sinon tu n’aurais pas été engagée’’. « Beaucoup de gens pensent réellement que tu as des privilèges simplement parce que tu es une fille, et pas parce que tu es très impliquée. Moi, je m’implique dans trois clubs étudiants, dont le club Les INGénieuses, qui milite pour l’intégration des femmes dans le génie, ce qui me prend de 10 à 15 h par semaine, je suis quatre cours et j’ai un travail à temps partiel. Je travaille sept jours sur sept. »
Camille, de son côté, indique que les préjugés sont beaucoup moins communs à l’ÉTS qu’au cégep où elle a étudié. « J’étais toujours toute seule dans les travaux d’équipe. Le milieu universitaire est plus ouvert, même si nous sommes seulement quatre filles sur 80 dans ma cohorte. » Le prix qu’elle a remporté au concours Chapeau, les filles! lui a fait vraiment plaisir. « J’étais fière de me retrouver parmi ces femmes au parcours inspirant. Moi, je suis seulement en première année de mes études, mais je suis contente de faire partie de ce groupe de filles. »
La jeune femme aspire à travailler dans le domaine des énergies renouvelables ou dans le développement des véhicules électriques, peut-être dans sa région. Elle « ne ferme pas la porte », mais elle verra les occasions d’emploi qui s’offriront à elle.
Pour Célia, il lui reste encore un an à réfléchir à la profession qu’elle souhaiterait exercer. Encore indécise, elle a toutefois suivi un cours d’entrepreneuriat qui l’a particulièrement allumée, ne reste qu’à trouver l’idée de génie qu’elle pourrait exploiter. « Mon plus grand rêve serait de trouver une idée comme l’entreprise américaine Tesla avec le moteur électrique, et fonder mon entreprise au Québec, songe-t-elle. Ce serait vraiment une fierté. »
Les autres lauréates sont Julie Maince, étudiante en électronique de systèmes automatisés au Centre régional intégré de formation de Granby (prix Santé et sécurité au travail de la CNESST); et Marie-Hélène Deschamps, étudiante en électronique de systèmes automatisés au Centre d’études professionnelles Saint-Jérôme (prix Arts du ministère de la Culture et des Communications); Valérie Gauthier, étudiante en génie électrique, électronique et des communications à l’Université de Sherbrooke (prix Excelle Science du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur) était absente lors de la prise de photo.
Toutes les photos sont une gracieuseté du concours Chapeau les filles!
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