L’équipe du chercheur Paul Charrette a réussi un tour de force technologique et scientifique en devenant la première au monde à fabriquer à grande échelle des capteurs d’imagerie thermique à haute performance, à un cout abordable pour le marché civil. Cette avancée technologique a valu au groupe de professeurs-chercheurs de l’Université de Sherbrooke (UdeS) le prix Synergie pour l’innovation – petites et moyennes entreprises décerné par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG).
Cette technologie, qui permet d’imager les objets en temps réel en fonction de leur température, était jusqu’à tout récemment réservée aux agences militaires ayant les moyens financiers de se procurer les couteuses puces microélectroniques. Elle est utilisée pour fabriquer des caméras thermiques haute performance servant notamment à la conduite assistée ou autonome de véhicules la nuit, pour mesurer l’efficacité énergétique, pour la surveillance environnementale ainsi que pour les services de secours.
Le projet intitulé Fabrication à grande échelle de capteurs d’imagerie infrarouge à haute performance de l’UdeS a été réalisé sur cinq ans – de 2013 à 2018 –, en partenariat avec l’entreprise de fabrication de semi-conducteurs Teledyne DALSA et trois chercheurs de Polytechnique Montréal. Son budget de 4 M$ a été largement financé par Teledyne DALSA et par une subvention du CRSNG, du Centre de collaboration MiQro innovation (C2MI), de l’UdeS, de Prompt-Québec et de Mitacs.
« Les prix Synergie pour l’innovation reconnaissent les partenariats de recherche et développement en sciences naturelles et en génie entre les universités et les entreprises canadiennes. L’équipe dirigée par Paul Charette a relevé d’importants défis sur le plan des matériaux et des procédés de microfabrication pour grandement réduire les coûts de production, sans sacrifier la performance », souligne Digvir Jayas, président par intérim du CRSNG.
La clé de voûte : l’encapsulation hermétique
Pour atteindre des performances élevées sans avoir à être refroidies, ces puces MEMS (microbolomètres) doivent être encapsulées sous vide, un processus habituellement très couteux. Pour réaliser les économies d’échelle permettant de réduire les couts de production, la clé de l’énigme se trouvait dans l’encapsulation hermétique sous vide de toutes les puces simultanément sur une même tranche (hermetic wafer-level packaging).
Au lancement du projet, en 2013, aucun fabricant de caméras IR dans le monde n’était capable de relever ce défi sur tranches de 200 mm.
« Les coûts extrêmement élevés encourus par les fabricants actuels sont attribuables directement à la nécessité d’encapsuler les puces individuellement. L’innovation centrale et déterminante du projet repose justement sur le fait qu’on a développé la technologie requise pour les encapsuler sous vide simultanément, ce qui nous a amené à revoir la chaîne de fabrication au complet. L’équipe a poussé à l’extrême la science des matériaux et de la microfabrication », se réjouit le Pr Charette.
Son partenaire industriel, Claude Jean, vice-président exécutif et directeur général de Teledyne DALSA, ajoute : « Au niveau technologique, ce projet nous a permis d’accomplir des progrès significatifs à un rythme qui n’aurait pas été possible sans cette collaboration avec les deux universités. […] Au niveau capacité d’innovation, ce projet a ouvert la voie à une nouvelle approche de recherche et développement [et], depuis, nous avons adapté notre structure interne pour baser de plus en plus nos développements futurs sur la même approche collaborative ».
Chaîne d’innovation C2MI-3IT
Ce partenariat public-privé, le plus important de l’histoire de l’UdeS au moment de son inauguration, a pris racine à l’aide de la chaîne d’innovation reliant le C2MI, un lieu de collaboration université-industrie, et l’Institut interdisciplinaire d’innovation technologique (3IT), où se déroule l’importante étape de développement précédant la phase la commercialisation. Le 3IT, situé sur le campus de l’institution d’enseignement, offre des installations de prototypage rapide en petites quantités pour l’expérimentation de nouvelles procédures de microfabrication.
Ce projet a contribué à la formation d’une trentaine d’étudiants aux études supérieures, dont plusieurs finissants ont été par la suite embauchés par le partenaire. Quant à l’entreprise Teledyne DALSA, son carnet de commandes se remplit déjà: l’un des plus importants fabricants au monde de caméras thermiques attend la livraison de ces capteurs haute performance.
Sur la photo d’introduction, l’équipe de recherche composée de Paul Charette (UdeS), Dominique Drouin (UdeS), Oussama Moutanabbir (Poly), Samuel Bassetto (Poly), Serge Charlebois (UdeS), et ses partenaires industriels Marc Faucher (Teledyne DALSA), Claude Jean (Teledyne DALSA). Absent de la photo, Luc Fréchette (UdeS).
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